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III. Stratégies de régulation de l’expression d’un gène

III.2. Les systèmes de régulation de l’expression d’un transgéne

III.2.1. Régulation des promoteurs d’ARN polymérase II

III.2.1.2. Le système de régulation par l’ecdysone

Durant la morphogenèse des insectes, en particulier chez la drosophile, l’ecdysone déclenche une cascade de changements morphologiques via un récepteur hétérodimérique composé du récepteur nucléaire à l’ecdysone (EcR) et du récepteur nucléaire ultraspiracle (USP). En présence de l’hormone, le récepteur EcR complexé à USP se lie à des éléments de réponse (ER) à l’ecdysone qui sont présents dans les régions promotrices de gènes répondant aux ecdystéroïdes, ce qui permet une transactivation de la transcription (Thomas et al., 1993). Basé sur ces observations, l’équipe de Ronald Evans a crée un système de régulation adapté aux mammifères (No et al., 1996). Toutefois, l’origine des composants du système de régulation par l’ecdysone des insectes peut entraîner une réponse immunitaire qui limite l’utilisation de ce type de système en thérapie humaine. Cependant, ce système de régulation n’en demeure pas moins un outil formidable de contrôle de l’expression d’un transgène, qui trouve de nombreuses applications en recherche fondamentale.

Le système de régulation par l’ecdysone repose sur la capacité de cette hormone à dimériser deux proteines pour former un hétérodimère capable de se fixer à des domaines de liaisons sur l’ADN spécifiques situés en amont d’un promoteur. Cette fixation déclenche la transcription. Pour ce faire, le domaine d’activation de EcR a été remplacé par le domaine d’activation VP16 du virus HSV pour générer un transactivateur chimèrique EcR/VP16. Le gène USP a été remplacé par son homologue chez les mammifères : le récepteur alpha au rétinoide X (RXRα). En présence de l’ecdysone ou de son analogue, la muristérone A, le transactivateur EcR/VP16 se lie à RXR et forme un complexe dimérique qui se lie aux séquences ER situées en amont du promoteur du gène d’intérêt. La transcription est ainsi activée (figure 20). La co-expression de RXR avec le récepteur hétérodimérique dans des cellules 293 permet une stimulation jusqu’à 104 fois du gène rapporteur en présence de 1µM de muristérone A (No et al., 1996). Ce système s’est également révélé efficace in vivo. Le niveau basal d’expression est très faible en absence de l’inducteur. En revanche, en présence de l’inducteur, une induction significative a été obtenue (No et al., 1996). La nature lipophile de la muristérone A permet la diffusion efficace dans tous les tissus y compris dans le cerveau. De plus, sa durée de vie très courte, son absence de toxicité dans les cellules de mammifères in vitro et in vivo représentent un avantage certain pour l’utilisation de ce système en thérapie génique expérimentale. Toutefois, il nécessite l’expression simultanée de ces trois composants (Ecr/VP16, RXR et le transgène) dans les cellules cibles et la surexpression du récepteur RXR risque d’entraîner des effets pléiotropiques en interférant avec des voies de transduction endogènes.

RXR est exprimé de façon ubiquitaire dans les cellules de mammifères. Cependant, a l’exception des cellules 293, l’expression basale de RXR dans les cellules de mamifères n’est pas suffisante pour la formation de l’hétérocomplexe EcR/RXR en présence d’ecdysone (Yao et al., 1992; Thomas et al., 1993; Yao et al., 1993). En effet, la formation de l’hétérocomplexe EcR/RXR nécessite un rapport équimolaire entre les deux protéines. Cette limite a été levée par l’expression bicistronique des deux protéines (Ecr et RXR) à partir d’un promoteur CMV, ce qui a permis d’obtenir un taux important d’inductibilité (Wyborski et al., 2001). Ce système a récemment été introduit dans un vecteur lentiviral et évalué in vivo (Galimi et al., 2005). Dans cette étude, des cellules souches hématopoïétiques

ont été transduites avec deux vecteurs lentiviraux, l’un exprimant à la fois EcR et RXR et l’autre exprimant le gène rapporteur GFP. Quatre mois après greffe de ces cellules, une expression de GFP a pu être détectée lorsque les animaux ont été traités avec l’analogue de l’ecdysone, démontrant ainsi l’efficacité d’un tel système pour contrôler l’expression d’un gène d’intérêt dans le cadre d’une approche ex vivo. Cette approche, nécessite l’utilisation de deux vecteurs viraux.

En parallèle, une nouvelle version du système ecdysone, qui ne nécessite pas de RXR, a été développée. Celle-ci est fondée sur le récepteur à l’ecdysone du ver à soie (Bombix

mori)(BmEcR), qui permet un fort niveau de transactivation après traitement par un

agoniste de l’ecdysone, le tebufénozide (Suhr et al., 1998). En tirant profit de cette propriété, Hoppe et ses collègues ont développé un nouveau transactivateur composé pour sa partie de liaison à l’ADN de l’EcR de la drosophile, et pour sa partie activatrice, du domaine activateur de BmEcR (Hoppe et al., 2000). Ce transactivateur s’est révélé efficace après transduction de cellules de mammifères par un seul vecteur adénoviral, en présence de ponastérone A (analogue de l’ecdysone) ou d’un diacylhydrazine GS-E (agoniste non stéroïdien de l’ecdysone). La fonctionnalité de ce système a également été démontrée in

vivo après injection d’un vecteur adénoviral dans le muscle cardiaque de rat et traité ou non

avec le GS-E (Hoppe et al., 2000).

La recherche de nouveaux ligands capables d’améliorer l’efficacité du système de régulation par l’ecdysone a conduit à l’identification de plusieurs phytoecdystéroides, comme la ponastérone A, qui se sont montrés très efficaces comme activateurs de l’expression d’un transgène in vitro et in vivo (Saez et al., 2000). De plus, une meilleure sélectivité entre inducteurs a été obtenue par l’utilisation d’un récepteur muté à l’ecdysone de l’espèce Choristoneura fumiferana (CfEcR) (Kumar et al., 2002). Ce récepteur a perdu la capacité de liaison et de transactivation en présence de stéroïdes, mais pas en présence de ligands non stéroïdiens comme GS-E (Kumar et al., 2002). Ce système peut être utile pour contrôler l’expression de transgènes chez les insectes ou les plantes qui possèdent des ecdystéroïdes endogènes. Pour réduire l’activité basale et augmenter le niveau d’induction, de nouveaux transactivateurs basés sur CfEcR ont été utilisés (Karns et al., 2001; Palli et al., 2003; Karzenowski et al., 2005). Une meilleure sensibilité à l’inducteur a été obtenue par l’utilisation d’un nouveau mutant de CfEcR, puisqu’une induction maximale a été obtenue

avec une concentration de l’ordre du nanomolaire d’inducteurs non stéroïdiens (Karzenowski et al., 2005).

Les versions actuelles des systèmes de régulation fondés sur le système ecdysone disposent d’une forte sensibilité aux inducteurs stéroïdiens ou, dans le cas des versions qui dérivent de

CfEcR, aux ligands non-stéroïdiens. Ces performances, mais également l’absence

d’interactions avec des systèmes de mammifères, font de ces systèmes de régulation des outils intéressants pour la régulation temporelle de gènes in vitro et in vivo. Toutefois, une étude récente vient de mettre l’accent sur un effet potentiel des ecdystéroïdes dans les cellules de mammifères (Oehme et al., 2006). En effet, l’exposition de cellules de carcinome du colon à la muristérone A entraîne un effet antiapoptotique via l’inhibition de FasL et TRAIL (Oehme et al., 2006). Ces résultats sont contraires aux précédentes publications selon lesquelles les ecdystéroïdes n’influencent pas la physiologie cellulaire. Ces effets semblent être des effets directs des analogues de l’ecdysone sur la régulation de gènes endogènes.