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3. Caractérisation et description des éléments de complexité des interventions

3.2. Le système dynamique partenarial

Si l’environnement est fortement identifié au travers des divers documents fournis par les acteurs de terrain comme élément de complexité, on constate que l’environnement partenarial en constitue l’élément majeur ; les environnements physique, institutionnel et de mise en œuvre ne sont en comparaison que peu abordés.

Dans cet environnement partenarial, trois dimensions principales émergent de notre analyse. Ainsi, l’investissement des partenaires dans l’intervention (n=70) ; la variabilité des partenaires (n=69) et les objectifs partenariaux (n=63) sont des éléments de l’intervention régulièrement abordés par les acteurs de terrain.

Selon les acteurs de terrain, le partenariat est une pierre angulaire de leurs interventions. Comme vu précédemment, il est reconnu comme un élément de complexité de par la variabilité partenariale en termes de multiplicité de partenaires avec des objectifs et attentes

distincts. L’analyse documentaire vient compléter cette notion de variabilité partenariale en y ajoutant la notion de temporalité, c’est-à-dire l’évolution de cette variabilité au cours du cycle de l’intervention. En effet, si les quatre interventions comptent chacune plusieurs partenaires, le nombre de partenaires varie d’une intervention à l’autre allant ainsi de un partenaire à 29 partenaires mais également au sein d’une même intervention entre un instant t et un instant t+1. Cette évolution s’explique en raison d’une part des besoins en fonction du cycle interventionnel et d’autre part de l’investissement des partenaires dans l’intervention.

Les acteurs de terrain s’entourent de partenaires plus ou moins nombreux et dont la nature est plus ou moins variée en fonction des besoins de l’intervention. Ainsi, les partenaires sont intégrés dans les différentes étapes de l’intervention avec des objectifs partenariaux précis et différents de l’ordre de la méthodologie, de la mise en œuvre et de l’évaluation de l’intervention (n=35) ; de la mobilisation de bénéficiaires ou d’autres partenaires (n=18) ; de la pérennisation de l’intervention (n=10). A chaque intégration de nouveau(x) partenaire(s), le travail d’instauration du climat de confiance et l’adéquation aux attentes et aux besoins de chacun nécessite d’être réalisée.

Le cycle interventionnel n’est cependant pas l’unique facteur influençant la variabilité partenariale ; elle est également dépendante de l’investissement des partenaires dans l’intervention. Le manque de récurrence ou le désistement des partenaires au cours de l’intervention est régulièrement (n=33) observé et renseigné par les acteurs de terrain dans les documents écrits (compte-rendu, bilan…).

Le manque de récurrence ou le retrait de partenaires a effectivement été constatée dans toutes les réunions de comité de pilotage suivies en observation et dans tous les comptes-rendus de réunion fournis par les acteurs de terrain. Ce manque de récurrence dans la participation à la totalité de l’intervention est essentiellement modulé par les contraintes contextuelles des

partenaires. Comme nous le dit ce partenaire, si l’intérêt porté à l’intervention n’est pas remis en cause, c’est la question de la priorisation de l’intervention par rapport à leurs missions principales qui était décisive dans sa participation à l’intervention :

« EC3O9 : J’aimerai revenir sur un point sur lequel à mon avis ça n’a pas fonctionné, c’est la difficulté à être toujours tous réunis autour de la table. Tout du moins toujours les mêmes. Et moi le premier. Même si je trouve cette action super intéressante nous avons tous d’autres missions. Cette année, je suis une formation en même temps qui me demande d’être en déplacements et je ne pouvais pas être toujours présent. Même si nous envoyons toujours quelqu’un de nos structures pour être présent et que nous avons des comptes-rendus de qualité pour palier à cette absence, ce n’est quand même pas pareil. C’est vraiment un regret pour moi. »

Le contexte dans lequel s’inscrit le partenaire, qu’il soit professionnel, institutionnel, politique… est donc identifié par les acteurs et les partenaires comme un facteur clé influençant, dans les quatre interventions suivies, défavorablement la participation des partenaires dans l’intervention qui plus est quand le champ d’action de l’intervention ne correspond pas à une priorité institutionnelle du partenaire. Par exemple, ce chargé de projet explique :

« EC4E1 : c’est bien perçu par les acteurs comme aussi une proposition de l’extérieur. Et qui ne correspond pas forcément à des attentes ou des besoins qui ont été constatés par, par eux, eux qui agissent, qui ont une action sur ce territoire, sur ce même territoire […] comment dire, leur action est tournée, au haut du lièvre, principalement vers la jeunesse, euh…, l’aide aux familles, les personnes en situation de chômage, enfin voilà, plutôt, plutôt les, quand même la population enfance-jeunesse qui est importante sur le quartier alors que le public âgé en terme de pourcentage est moins important pour l’instant, même si on va comme

partout en France vers un pic. Et ça, en terme d’anticipation c’est pas évident parce qu’ils ont toujours travaillé vers le public enfance-jeunesse. Il y a des pistes, pour certains acteurs, ils ont envie de s’y mettre, ils voient l’enjeu, l’importance de s’y mettre mais encore une fois besoin d’être accompagnés quoi. Et, et au sein de leurs mêmes structures, de leurs conseils d’administration, enfin de leur organes de décisions il faut aussi qu’ils se décident enfin que, que cette orientation soit prise par la structure elle-même. Donc tout ça fait que ça dessert euh, le projet quoi. ».

Cette notion de priorité d’action est d’autant plus importante dans le contexte politique et financier actuel dans lequel les subventions allouées aux interventions du champ sanitaire et social sont réduites. Ce chargé de projet explique en effet que le manque de ressources internes aux structures partenaires de l’action a conduit les partenaires à se retirer de l’intervention induisant ainsi un fort impact délétère au fonctionnement et à l’efficacité de l’intervention :

«EC1E1 : on n’a plus de partenaire mais les années précédentes y avait le CMSEA donc comité mosellan de sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes qui est une très grosse association sur Metz sur la Moselle, qui a 1000 salariés qui s’occupent de plusieurs structures sous le social. Qui ont un CAARUD aussi. CSAPA qui s’occupe d’handicap, toxicomanie enfin tout ce qui est social. Euh… donc ils sont sortis avec nous plusieurs années et là actuellement ils ont arrêté pour des raisons internes à eux. Et pis pareil l’AIEM qui ne vient plus non plus. Donc l’AIEM c’est une association qui s’occupe du logement sur la Moselle. […] Mais pareil pour des raisons internes, ils peuvent plus. […] Ils nous disent pas le temps, euh y a plus grand monde, problème de planning euh, bon ce qui est pas faux d’ailleurs ils ont, ils sont aussi en difficulté comme toutes les associations hein. Actuellement, toutes les associations sont en difficulté parce qu’il y a de moins en moins d’argent à distribuer. Les subventions se font rares. » .

Le partenariat entre les porteurs de l’intervention et les acteurs et décideurs locaux apparaît comme une pierre angulaire de l’intervention et de son fonctionnement. Ce que montrent les extraits ci-dessus, c’est le caractère systémique et dynamique de l’intervention : le partenariat relève de l’interaction entre les différentes parties prenantes qui va évoluer au cours du temps en fonction des contextes propres à chaque partenaire. Le partenariat ne peut être compris que dans un système ouvert (au sens de Contandriopoulos) où les acteurs qui participent à l’intervention sont interdépendants. L’évolution de ce système ouvert dépend ainsi de chaque groupe d’acteurs dont l’implication sera variante : selon sa conception de l’intervention, de ce qu’il doit faire, de ce que sont ses objectifs et ses finalités ; selon l’évolution de leur propre contexte – organisationnel ou financier.