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Les interventions complexes nécessitent donc, notamment en regard de l’interaction forte avec leur contexte, un modèle d'évaluation moins linéaire et plus flexible que l’essai contrôlé randomisé (69). En effet, l’évaluation ne peut se résumer à décrire les caractéristiques des bénéficiaires de l’intervention, les périodes d’intervention ou encore les lieux où sont menées les interventions (70,71), mais doit intégrer les aspects dynamiques du contexte (31,32). L’enjeu de telles interventions ne se limite pas à l’évaluation de leur efficacité mais réside également dans l’exploration des mécanismes, des processus, des interactions, des conditions et des modalités de mise en œuvre (2,4) ainsi que de la manière dont ceux-ci interagissent avec le contexte. Face aux nombreuses limites de l’ECR et suite aux recommandations du MRC, des propositions de modèles d'évaluation sont explorés, en particulier certains modèles issus des domaines des sciences sociales et des sciences de l'éducation ((73). Ainsi, les chercheurs ont adopté schématiquement trois positionnements principaux : les méthodologies adaptées de l’essai contrôlé randomisé ; les analyses de processus et mécanismes ajoutées à l’essai, et les méthodes alternatives à l’essai.

Le premier positionnement méthodologique propose de réaliser des adaptations à l’ECR afin de prendre en compte les contraintes spécifiques liées à la nature complexe des interventions et ainsi de correspondre plus étroitement aux conditions réelles de la vie. Ces modèles visent à

tester l'efficacité des interventions dans la pratique clinique de routine ((74,75) et donc à maximiser leur applicabilité et leur transférabilité (73,75). Dans cette classe, nous pouvons par exemple citer les essais pragmatiques dans lesquels la valorisation de la validité externe (75) permet d'informer la décision avec une expérimentation menée en conditions réelles (63) ; ou bien les essais randomisés en cluster qui permettent, par la mise en œuvre d’expériences dans lesquelles des unités sociales entières ou des grappes d'individus plutôt que des individus indépendants sont allouées au hasard aux groupes d'intervention (76), de considérer la complexité relative à l'interaction entre les individus.

Le second positionnement propose de compléter l'évaluation de l'efficacité réalisée à l’aide d’un ECR par une analyse des processus et des mécanismes de l’intervention et de son contexte intégrée à l’essai, permettant ainsi d’améliorer la reproductibilité des interventions. Cette analyse est ajoutée dans le but de comprendre pourquoi un résultat spécifique a été obtenu dans un contexte précis et ce qui pourrait avoir contribué à l’obtention de ce résultat (77). Dans ce type d’évaluation, une attention particulière est donc accordée aux paramètres qui ne peuvent être normalisés ou contrôlés dans le cadre d'une intervention complexe et représente un outil de transfert des résultats de la recherche à la pratique en facilitant simultanément la compréhension des mécanismes et données rapportées par les chercheurs. Dans ce même positionnement, nous pouvons également citer l’essai contrôlé randomisé réaliste qui propose d’intégrer l'exploration des mécanismes de l'intervention par théorisation selon le principe de l’approche réaliste (78) permettant un équilibre entre la conception expérimentale nécessitant la théorisation de l’intervention et l’évaluation empirique du fonctionnement et des interactions entre les mécanismes et le contexte d'intervention.

Le troisième positionnement propose l’utilisation de méthodologies alternatives à l’ECR. Parmi celles-ci, nous pouvons d’une part citer la perspective réaliste qui vise à explorer les

mécanismes qui sont activés par l'intervention pour produire ses effets dans un contexte donné. L'évaluation réaliste permet d’expliquer comment fonctionne une intervention et sous quelles conditions (54). Cette perspective visualise, par l’analyse de la triade contexte- mécanismes-effets, l'effet d'une intervention comme étant le résultat de l'interaction entre ses mécanismes sous-jacents et son contexte de mise en œuvre (54) prenant ainsi en compte la complexité de l’intervention. Basée sur une procédure itérative dans laquelle des études de cas successives sont menées, l’approche réaliste permet de fournir aux acteurs et aux décideurs des éléments sur les possibilités de transfert d’une intervention dans leur propre contexte. D’autre part, nous pouvons identifier les études quasi expérimentales et non expérimentales permettant la valorisation de la validité externe de l’intervention. Les conceptions quasi expérimentales proposent ainsi une intervention provoquée par le chercheur mais dont l’affectation n’est pas déterminée par celui-ci (79,80). Le concept d'expérimentation naturelle permet quant à lui d'évaluer les effets et le processus d'intervention dans des contextes réels (80). Les expériences naturelles, en prenant généralement la forme d'une étude d'observation dans laquelle le chercheur ne peut pas contrôler ou retenir l'attribution d'une intervention et où se produisent des variations naturelles ou prédéterminées dans l'allocation (81), permettent d'évaluer la pratique du monde réel et d'avoir une forte validité externe. Cette vision alternative à l’ECR reconnaît l’efficacité des interventions conçues ou façonnées par les communautés et les professionnels. Dans celle-ci, le chercheur peut trouver une place de partenaire dans le renforcement de la théorie de l'intervention et dans le recueil de données probantes sur l’efficacité de l’intervention. Les expériences naturelles reconnaissent ainsi l’action des acteurs et la capacité des communautés à prévoir et à définir les types d’interventions qui pourraient fonctionner le mieux (41).

Les méthodes à disposition des chercheurs pour tenter d’évaluer l’efficacité des interventions sont donc désormais nombreuses. Bien que nombreuses, la démarche probante en santé

publique et en promotion de la santé va au-delà de la production de données probantes par le biais de méthodologies adaptées, pour inclure l’utilisation de ces données par les acteurs et décideurs. Une des limites à l’utilisation des données probantes fournies par la démarche d’evidence-based est celle de l’exhaustivité des informations concernant les modalités et les conditions d’implantation des interventions. Ce sont pourtant ces informations qui permettent aux acteurs et décideurs de définir la possibilité de développer, dans leur contexte, une intervention dont l’efficacité a été prouvée dans un autre contexte.

3.

Transférabilité des interventions et