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Afin de comprendre la complexité des interventions en promotion de la santé, il nous paraît important dans un premier temps de revenir sur la notion d’intervention, d’en décrire son origine et ses multiples formes. Dans un second temps, nous préciserons pourquoi les interventions de ce champ peuvent, de façon générale, être comprises comme des systèmes complexes.

3.1.

Définition des interventions en promotion

de la santé

Avant de définir l’intervention en promotion de la santé, il est important de revenir sur le concept d’intervention. Le terme intervention, de son origine latine venire et inter, signifie littéralement « venir entre ». En santé publique, les interventions sont très souvent envisagées comme un processus séquentiel de moyens physiques, humains, financiers ou encore symboliques organisés dans un contexte particulier venant perturber le cours naturel des choses ou une séquence d’événements prévisibles et ayant pour but de préserver, transformer

un état de santé des populations ou de modifier sa trajectoire prévisible d'évolution, en agissant sur un certain nombre de ses déterminants (29,41). Selon cette définition, le terme générique d’intervention peut tout aussi bien correspondre à une technique (une mallette pédagogique, un test de dépistage à orientation rapide…) ; un traitement (acte(s)) ; une pratique (protocole de traitement) ; une organisation (unité de soins, association…) ; un programme (prévention des maladies sexuellement transmissibles) ; une politique (promotion de la santé, désectorisation des recours aux soins…). On peut schématiquement distinguer : l'action, qui se définie comme toute activité humaine visant à améliorer l'état de santé d'une population ; le programme, qui est un ensemble d'actions coordonnées dans le temps et dans l'espace pour répondre de façon structurée à un problème ; la politique, qui est un ensemble de programmes coordonnés afin de répondre à un objectif de santé publique.

3.2.

La complexité des interventions de

promotion de la santé : une question de

déterminants

Nous avons vu qu’avec l’évolution progressive de la définition de la santé vers une conception plus sociale et dynamique, s’est développé le champ de la promotion de la santé. Défini comme le processus qui confère aux populations les moyens d'assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé et d'améliorer celle-ci (26), la promotion de la santé implique d’aller au-delà d’une conception médicale pour : agir sur l’ensemble des déterminants influençant la santé des individus (habitudes individuelles, environnement, ressources économiques et culturelles…) ; faire évoluer favorablement le contexte et les conditions de vie des personnes ; donner aux personnes ou aux groupes les moyens d’agir sur les déterminants de leur santé.

Intervenir en promotion de la santé relève d’emblée d’un phénomène complexe. La complexité se situe dans le changement attendu – qu’il soit individuel, communautaire ou défini à l’échelle de la population – qui doit permettre l’acquisition de nouvelles ressources personnelles, communautaires, voire politiques, en vue de l’amélioration de la population. Intervenir dans ce champ, c’est adresser l’ensemble des ces niveaux de vie, associer différentes stratégies d’action, agir auprès de populations distinctes mais néanmoins connectées entre elles. Les apports conceptuels autour de la complexité, Les pratiques interdisciplinaires qui tendent à se développer dans le champ (42) et la diffusion de la perspective écologique comme explicative des dynamiques de l’intervention (43), indique que le changement, quelle qu’en soit sa nature visé par l’intervention et les résultats attendus doivent être envisagés dans leur contexte et au sein du système auquel appartiennent l’ensemble des acteurs. La promotion de la santé agit à la fois sur l’ensemble des déterminants de la santé et le contexte ayant ensemble une influence positive ou négative sur la santé des individus. La complexité réside alors tant dans l’accumulation de déterminants et d’éléments contextuels influençant l’état de santé que dans la multitude de mécanismes d’actions, d’interactions et de rétroactions entre les déterminants eux-mêmes et avec les éléments contextuels.

Ainsi, en 1974, Lalonde engage la réflexion sur la pluralité des déterminants de la santé en reconnaissant l’influence de quatre catégories de déterminants sur l’état de santé des populations : l’environnement ; la biologie humaine ; les habitudes de vie et l’organisation des soins de santé. C’est par leur approche plus éco-sociale et globale de la santé distinguant cinq niveaux de déterminants sociaux de la santé – les caractéristiques biologiques des individus, les comportements individuels, les influences sociales et communautaires, les conditions de vie et de travail, les conditions socio-économiques, culturelles et environnementales globales – que Whitehead et Dhalgren (figure 2) (44) mettent l’accent sur le niveau d’influence de

chaque catégorie de déterminants et prennent en compte les interrelations entre ces différentes catégories.

Figure 2. Modèle des déterminants de la santé, d’après Dahlgren G et Whitehead M (1991).

Enfin, l’OMS, avec son modèle des déterminants sociaux de la santé (figure 3) (45), précise les interactions entre les déterminants dits structurels et les déterminants dits intermédiaires de la santé.

Figure 3. Modèle des déterminants sociaux de la Commission sur les déterminants sociaux de la santé de l’Organisation mondiale de la santé, modifié d’après Solar O et Irwin A (2007).

Les déterminants structurels sont liés au contexte politique et économique du pays et contribuent à sa stratification sociale et économique et à la distribution inégale des déterminants intermédiaires. Les déterminants intermédiaires de l’état de santé sont quant à eux liés aux conditions matérielles et psychologiques, aux comportements, aux facteurs biologiques et génétiques, ainsi qu’au rôle de l’accès au système de santé (46). L’ensemble de ces éléments constituent les « causes fondamentales » des inégalités sociales de santé (45). Par la représentation des liens entre les déterminants sociaux de la santé et les inégalités sociales de santé, ce modèle intègre également la possibilité de « rétroactions » entre l’individu, son contexte, son état de santé…

Ces modèles nous permettent de conclure que l’ensemble des déterminants sociaux de la santé comprend les multiples conditions sociales qui, par leurs interactions, engage un

fonctionnement complexe dans lequel les déterminants ont un impact sur les inégalités sociales et sur l’état de santé, qui eux-mêmes ont un effet sur les déterminants. Les déterminants de la santé et leurs interactions sont donc au cœur de la complexité de la promotion de la santé. Pour remplir les objectifs de la promotion de la santé, les interventions doivent agir sur l’ensemble des déterminants de la santé et combinent de multiples stratégies d’action – sur les politiques publiques, sur les environnements physiques et sociaux, sur les comportements – enchevêtrées ; agissant dans des relations la plupart du temps non linéaires et organisées dans un contexte spécifique et comprises comme des systèmes ouverts (47) : elles constituent alors des objets complexes.