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IV. De la photosynthèse naturelle à la photosynthèse artificielle : conversion de l’énergie

3) Système complet de décomposition de l’eau

Figure 19 : Représentation d’une nanoparticule de carbone quantum dots, C-Dots (tiré de 89)

Une autre famille de photocatalyseurs hétérogènes a connu un engouement important ces dernières années, les polymères organiques conjugués. Cette classe de photocatalyseurs composée principalement des nitrides de carbone graphitiques, les g-C3N4, sont des polymères semi-conducteurs entièrement carbonés sont capables de photocatalyser la réduction des protons en dihydrogène sous irradiation de lumière visible ; malgré que le mécanisme d’action soit encore non-élucidé. Cette partie sera développée dans le premier chapitre de cette thèse.

Ainsi, de bons catalyseurs pour chacune de ces deux réactions ont été découverts et l’aboutissement de ces recherches serait de réussir à combiner ces deux parties dans un système photocatalytique complet de la décomposition de l’eau en dioxygène et dihydrogène.

3) Système complet de décomposition de l’eau

Il existe deux types principaux de dispositifs pour la dissociation de l’eau, le premier associe une cellule photovoltaïque à une cellule électrochimique. Dans ce cas, un potentiel électrique est créé par effet photovoltaïque (cf chapitre sur la technologie photovoltaïque) et est transféré à une cellule électrochimique. Une des deux demi-réactions de dissociation de l’eau est alors électrocatalysée au niveau de cette cellule électrochimique. Une électrode cathodique réalisera la catalyse de la réduction des protons en dihydrogène, et une anode catalysera l’oxydation de l’eau.

88 P. Yang, J. Zhao, J. Wang, H. Cui, L. Li, et Z. Zhu, RSC Adv., 2015, 5, 21332

89 K. A. S. Fernando, S. Sahu, Y. Liu, W. K. Lewis, E. A. Guliants, A. Jafariyan, P. Wang, C. E. Bunker, et Y.-P. Sun, ACS Appl.

Mater. Interfaces, 2015, 7, 8363

90 S. Cao et J. Yu, Journal of Photochemistry and Photobiology C : Photochemistry Reviews, 2016, 27, 72

91 A. L. Luna, E. Novoseltceva, E. Louarn, P. Beaunier, E. Kowalska, B. Ohtani, M. A. Valenzuela, H. Remita, et C. Colbeau-Justin, Applied Catalysis B: Environmental, 2016, 191, 18

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Le second type de dispositif envisageable est la cellule photoélectrochimique de dissociation de l’eau schématisée dans la Figure 20. Dans ce dispositif tout-en-un, les deux demi-réactions de dissociation de l’eau sont catalysées par deux électrodes distinctes et séparées spatialement. La photoanode réalise l’oxydation de l’eau sous irradiation lumineuse et fournit les électrons nécessaires à la cathode pour réaliser la production de dihydrogène, de manière électrocatalytique le plus souvent. Une membrane sépare ces deux compartiments contenant des électrolytes, tout en étant perméable au flux de protons.

Figure 20 : Représentation d’une cellule photoélectrochimique pour la décomposition de l’eau en O2 (à la photoanode en rouge) et H2 (à la cathode en vert) sous irradiation lumineuse.

Les premiers essais sur un dispositif de ce genre ont été publiés en 1998 par une équipe du National Renewable Energy Laboratory. Dans cette cellule photoélectrochimique présentant une bonne efficacité, une cathode de platine a été associée à une photoanode multicouche composée de GaInP. Les composants se sont malheureusement révélés instables et trop chers, arrêtant le développement de cette cellule.93

Quatre ans plus tard, en 2002, l’équipe d’Arakawa a publié un système mimant le mécanisme en Z de la photosynthèse naturelle, composé de deux poudres de catalyseurs en suspension dans une solution aqueuse contenant un couple de médiateurs redoxs, IO3/ I. Ils ont démontré que la photodissociation de l’eau sous irradiation de lumière visible était réalisée,94 avec la réduction des protons prenant place au niveau du site Pt–SrTiO3 dopé au Cr–Ta, et l’oxydation de l’eau au niveau du photocatalyseur Pt–WO3.

En 2009, l’équipe de Kudo a publié un dispositif de décomposition de l’eau sous irradiation de lumière visible n’utilisant pas de réactif sacrificiel et présentant un des plus hauts rendements quantiques jamais reporté.95 En effet le (Ga82Zn18) (N82O18) donne un rendement quantique de 5,9 %. Des modifications dans la synthèse de ce matériau ont permis de réduire le nombre de défauts qui réagissaient comme des sites de recombinaison de charges, permettant ainsi d’augmenter l’activité du catalyseur hétérogène. Ce catalyseur a également été dopé avec du Rh2 -yCryO3 à 2,5 % massique en Rh et 2 % massique en Cr, afin d’obtenir de meilleurs performances pour ces réactions.96

93 O. Khaselev et J. A. Turner, Science, 1998, 5362, 425

94 K. Sayama, K. Mukasa, R. Abe, Y. Abe et H. Arakawa, J. of Photochem. and Photobio. A: Chemistry, 2002, 148, 71 95 A. Kudo et Y. Miseki, Chem. Soc. Rev., 2009, 38, 253

Peu après, plusieurs composés moléculaires à base de Cobalt (II) tris(bipyridine), de cobalt coordinés à des polyamines cycliques ou de cobaloximes ont été reportés pour la catalyse homogène de ces deux réactions par les équipes de Fontecave et Artero (Fig. 21).97

Figure 21 : Complexe de cobalt tris(bipyridine) (gauche) et système photocatalytique à base de cobaltoximes (droite) (tiré de 97)

Une cellule comportant une anode composée d’un film de RuO2 et une cathode à base d’un électrocatalyseur de rhodium a également été reportée en 2015.98 Toutefois, la stabilité sur le long terme de ce système très couteux mais très efficace, reste un problème important qui doit être réglé.

A l’heure actuelle, le système le plus abouti technologiquement est la feuille artificielle de Nocera qui date de 2011 et associe une cellule photovoltaïque à deux électrodes comme nous pouvons le voir dans la Figure 22.79 Ce système en cours de commercialisation se compose d’éléments abondants assemblés via trois jonctions photovoltaïques de silicone amorphe et comprend des catalyseurs de la production d’hydrogène et de la production de dioxygène à partir de molécules d’eau. La réduction des protons est catalysée par un alliage de NiMoZn et la catalyse de l’oxydation de l’eau est réalisée par un cluster de cobalt phosphate appelé Co-OEC (cf partie catalyse hétérogène de l’oxydation de l’eau).

Figure 22 : Structure de la feuille artificielle de Nocera, détails des couches du matériau (droite) (tiré de 79)

97 V. Artero, M. Chavarot-Kerlidou, et M. Fontecave, Angew. Chem. Int. Ed. Eng., 2011, 32, 7238

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Au cours de cette thèse, deux objectifs principaux ont été développés afin d’accroitre l’intérêt et l’utilisation de la photosynthèse artificielle comme étant l’une des solutions à la transition énergétique, grâce à la production de combustibles

Tout d’abord, nous avons cherché à trouver de nouveaux matériaux pour la photocatalyse de l’oxydation de l’eau sous irradiation de lumière visible. Ce travail vise à diversifier la gamme des matériaux utilisés en photosynthèse, par le recours à des matériaux non métalliques et donc peu cher, qui soient robustes et efficaces. Nous avons également étudié une synthèse originale de catalyseurs hétérogènes classiques pour la photo-oxydation de l’eau, afin d’améliorer leurs efficacités et d’aborder une nouvelle stratégie pour la synthèse de ce type de matériaux.

Le second objectif de ce travail a été d’essayer de comprendre les processus mis en jeu lors de réactions photocatalysées. Pour cela un nouveau montage a été développé, permettant de suivre et de caractériser l’accumulation de deux séparations de charge photo-induites dans un système moléculaire. Ces études devraient permettre d’améliorer la compréhension du mécanisme de photocatalyse de réactions mettant en jeu plusieurs transferts électroniques photo-induits et ainsi aider au design rationalisé de systèmes photocatalytiques actifs et stables.