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IV. De la photosynthèse naturelle à la photosynthèse artificielle : conversion de l’énergie

2) Photocatalyse de la réduction des protons en dihydrogène

et beaucoup plus chers, mais bien plus stables en conditions acides.

Plus récemment, des oxydes de métaux moins chers ont été développés. Par exemple, les oxydes métalliques à base de nickel, NiO, ou de fer, Fe2O3, ont montré une forte activité et une bonne stabilité en électrocatalyse de l’oxydation de l’eau à pH alcalin. Malheureusement à des pH plus bas, leur stabilité s’est avérée être plutôt faible.75,76,77

Nocera a développé un catalyseur s’apparentant aux oxydes de cobalt s’appelant le Co-OEC, et celui-ci est représenté dans la Figure 16. Ce matériau ressemble plutôt à un cluster composé d’une répétition de motifs d’oxydes de cobalt et possède des propriétés structurelles et fonctionnelles du CDO du Photosystème Il. En effet il possède la même structure cubane que le cluster naturel du Co-OEC, Mn4CaO5, les atomes de cobalt remplaçant ceux de manganèse. De plus, ce cluster active l’eau par un mécanisme de transfert électronique couplé à des protons (PCET) comme le fait le CDO du PSII.78,79

Ce cluster Co-OEC a été intégré dans un système complet pour la dissociation de l’eau qui sera abordé à la fin de ce chapitre.

Figure 16 : Structure du cluster Co-OEC (tiré de 78)

2) Photocatalyse de la réduction des protons en dihydrogène

Quant à la seconde demi-réaction impliquée dans la dissociation de l’eau, la réduction des protons en dihydrogène (Tab. 1 Équ. 2), les recherches ont été assez intensives car cette réaction est plus simple à catalyser que l’oxydation de l’eau. En effet, la réduction des protons met en jeu uniquement deux électrons et deux protons là où l’oxydation de l’eau met en jeu quatre électrons et quatre protons.

Comme pour la catalyse de l’oxydation de l’eau, il y a deux approches pour la production de dihydrogène ; la catalyse homogène ou hétérogène.

a) Les systèmes moléculaires pour la photocatalyse de la réduction des protons

Le platine est le métal de référence pour cette catalyse car il peut réaliser la production de dihydrogène à un surpotentiel proche de zéro voir nul. De plus, il présente une stabilité et des activités catalytiques très élevées en utilisant des charges catalytiques assez faibles. La charge catalytique est la quantité de catalyseur utilisée dans le système par rapport à la quantité de substrat introduit.

75 J. R. Galàn-Mascarós, Chem. Electrochem., 2015, 2, 37

76 A. Harriman, I. J. Pickering, J. M. Thomas, et P. A. ChristeNsen, J. Chem. Soc., Faraday Trans. 1, 1988, 84, 2795 77 W. T. Hong, M. Risch, K. A. Stoerzinger, A. Grimaud, J. Suntivich, et Y. Shao-Horn, Energy Environ. Sci., 2015, 8, 1404 78 M. W. Kanan et D. G. Nocera, Science, 2008, 321, 5892, 1072

Le premier modèle effectif de système moléculaire pour la photocatalyse de la réduction des protons est composé d’un chromophore dérivé du ruthénium (II) tris(2,2'-bipyridine) et de dérivés de platine (II) dichloro(2,2'-bipyridine) jouant le rôle de catalyseurs. La Figure 17 représente la structure de certains des complexes de platine développés dans cette étude. Il a été montré que ces composés étaient capables de photocatalyser la production de dihydrogène à partir de molécules d’eau en présence d’un donneur d’électrons, l’EDTA, sous irradiation de lumière visible.80,81

Figure 17 : Dimères de Pt(II) capables de photocatalyser la production d’hydrogène à partir d’eau sous irradiation de lumière visible

(tiré de 81)

Néanmoins, sa rareté et donc son coût élevé représentent des obstacles majeurs à l’augmentation des échelles de production, et ont considérablement limité les applications industrielles du platine (Tab. 3).82

Métal Moyenne des prix en 2016-2017 (Euros/kg)

Cuivre 4,28 Fer 0.16 Ruthénium 1162 Palladium 21 185 Argent 491 Nickel 9,97 Platine 27 977

Tableau 3 : Prix au kilo de différents métaux utilisés pour la synthèse de catalyseurs en photosynthèse artificielle.83

Ainsi l’utilisation de catalyseurs à base de métaux abondants et donc peu chers, et qui soient robustes et actifs vis-à-vis de la réduction des protons, représente une voie de développement importante,et la Nature offre de bonnes pistes d’inspiration pour la catalyse de cette réaction avec les hydrogénases. Les hydrogénases sont des enzymes qui catalysent de façon réversible la conversion des protons en dihydrogène. Il existe trois classes principales d'hydrogénases, celles ayant un site actif Ni-Fe, à fer seul Fe-Fe et celles qui n’ont qu’un atome de fer.84

80 K. Sakai et H. Ozawa, Coord. Chem. Rev., 2007, 251, 21-24, 2753

81 H. Ozawa, M.-A. Haga, et K. Sakai, J. Am. Chem. Soc., 2006, 128, 15, 4926

82 E. Kemppainen, A. Bodin, B. Sebok, T. Pedersen, B. Seger, B. Mei, D. Bae, P. C. K. Vesborg, J. Halme, O. Hansen, P. D. Lund, et I. Chorkendorff, Energy Environ. Sci., 2015, 8, 2991

83 Source : Finance.net 2017

84 P. M. Vignais, B. Billoud et J. Meyer, « Classification and phylogeny of hydrogenases », FEMS Microbiol. Rev., vol. 25, no 4, août 2001, p. 455–501

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Ainsi une grande variété de complexes à base de métaux de transition, surtout le fer, le nickel et le cobalt, ont ainsi été synthétisés et testés comme catalyseurs pour la production d’hydrogène. Beaucoup d’études ont été menées afin d’acquérir une meilleure compréhension des mécanismes impliqués lors de la catalyse de la réduction des protons par ces complexes de métaux non nobles. Au cours des dernières décennies, la différence d’activité entre les catalyseurs à base de platine et ceux à base de métaux non-nobles a beaucoup diminué, mais de nombreuses améliorations restent nécessaires. Certains de ces catalyseurs à base de métaux non nobles ont également été associés au platine afin d’amélioration leurs performances catalytiques tout en évitant d’augmenter trop le coût du catalyseur.85

Actuellement, un des meilleurs catalyseurs moléculaires de la réduction des protons est le complexe de Nickel (II) de Dubois représenté dans la Figure 18. Celui-ci est biomimétique des hydrogénases,86 et possède des ligands diphosphiniques contenant des bases aminées lui permettant de réaliser l’électrocatalyse de la production de dihydrogène avec des Turn Over Frequencies (TOF) de plus de 100 000 s-1 en solvants organiques. Toutefois, un potentiel de - 0,6 V doit lui être appliqué.

Figure 18 : Electrocatalyseur de Dubois pour la production d’H2 (à gauche), et un état de transition proposé (à droite) (tiré de 86)

Malgré de bonnes activités pour la production de dihydrogène de la part de certains complexes moléculaires, ceux-ci présentent le même manque de stabilité chimique que leurs équivalents pour la catalyse de l’oxydation de l’eau. La limitation de l’absorption des photons par les chromophores moléculaires pose également problème pour la catalyse de cette réaction. C’est pourquoi les matériaux ont également été beaucoup développés en parallèle, pour la photocatalyse de la réduction des protons.

b) Les systèmes hétérogènes pour la photocatalyse de la réduction des protons

Les matériaux permettent une variété de natures et de compositions assez large, tout en présentant pour la plupart une grande stabilité vis-à-vis de la dégradation.

Par exemple certains polyoxométalates ont été reportés comme étant capables de catalyser la réduction des protons en dihydrogène. En effet, sous irradiation de lumière visible, la production de dihydrogène a été détectée dans un système composé d’un photosensibilisateur à base d’iridium, d’un centre catalytique de polyoxotungstate et d’un donneur d’électrons sacrificiel, et ce de manière assez stable sur de longues périodes.87

85 V. S. Thoi, Y. Sun, J. R. Long, C. J. Chang, Chem. Soc. Rev., 2013, 42, 2388 86 M. L. Helm, M. Bullock, et D. L. DuBois, Science, 2011, 333, 863

Depuis quelques années, les matériaux de type nanoparticules connaissent un fort développement pour la production de dihydrogène sous irradiation de lumière. Les nanoparticules sont dispersibles et permettent donc de travailler en solution.

Par exemple, les nanoparticules de carbone quantum dots dites C-Dots (Fig. 19),88,89,90 ou bien les nanoparticules de nickel,91,92 ont montré des rendements intéressants pour la production d’hydrogène à partir de sources sacrificielles de protons et d’électrons. Ces nanoparticules présentent également l’intérêt d’être constituées d’atomes abondants et sont donc peu coûteuses à synthétiser. Les C-Dots sont des nanoparticules de carbone de moins de 10 nm possédant des propriétés de fluorescence. Elles présentent l’avantage d’être très stables, hautement conductrices et ont les mêmes propriétés optiques que les quantum dots, comme le fait d’être des puits de potentiel qui confinent les électrons et les trous, ce qui leur confère des propriétés proches de celles d'un atome.

Figure 19 : Représentation d’une nanoparticule de carbone quantum dots, C-Dots (tiré de 89)

Une autre famille de photocatalyseurs hétérogènes a connu un engouement important ces dernières années, les polymères organiques conjugués. Cette classe de photocatalyseurs composée principalement des nitrides de carbone graphitiques, les g-C3N4, sont des polymères semi-conducteurs entièrement carbonés sont capables de photocatalyser la réduction des protons en dihydrogène sous irradiation de lumière visible ; malgré que le mécanisme d’action soit encore non-élucidé. Cette partie sera développée dans le premier chapitre de cette thèse.

Ainsi, de bons catalyseurs pour chacune de ces deux réactions ont été découverts et l’aboutissement de ces recherches serait de réussir à combiner ces deux parties dans un système photocatalytique complet de la décomposition de l’eau en dioxygène et dihydrogène.