• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Polymères conjugués comme photocatalyseurs pour l’oxydation de l’eau

I. Les polymères organiques semi-conducteurs pour la photocatalyse de l’oxydation de l’eau

2) Le PDPB : photocatalyse de la dégradation de substrats organiques

Figure 31: (gauche) Synthèse du PTEPB par catalyse au Cu(I) à partir du monomère TEPB ; (droite) Production des gaz issus de la

photocatalyse de la dissociation de l’eau par le PTEPB (tiré de 110)

Toutefois certaines questions se posent quant à la composition de ces polymères, et si la catalyse ne serait pas réalisée ou aidée par des impuretés résiduelles. En effet l’incidence des traces de cuivre (I) résiduelles sur l’activité photocatalytique est restée peu étudiée, et les analyses élémentaires effectuées sur les deux polymères révèlent un écart de masse non expliqué entre la masse théorique et la masse réelle. De plus, le mécanisme d’action de ces photocatalyseurs reste encore non élucidé malgré des calculs DFT permettant de situer les potentiels sites réactifs.

Ainsi, les polymères organiques ont rejoint le groupe assez restreint de systèmes capables de convertir l’eau en combustibles sous irradiation de lumière visible. Les récentes découvertes faites par le groupe de Wang illustrent tout l’engouement des chercheurs et le potentiel de la production de combustibles par photocatalyse réalisée par des polymères organiques conjugués sous irradiation de lumière visible. Il subsiste malgré tout encore beaucoup de flou sur les mécanismes réactionnels mis en jeu avec ces photocatalyseurs hétérogènes.

2) Le PDPB : photocatalyse de la dégradation de substrats organiques

Récemment une nouvelle classe de polymères organiques a été développée par le groupe de Hynd Remita au LCP de l’Université Paris Sud. Le poly-1,4-diphénylbutadiyne ou PDPB est un polymère issu de la famille des poly(diacétylènes) et se synthétise à partir du monomère 1,4-diphénylbutadiyne (DPB) comme illustré dans la Figure 32. Il possède une structure entièrement carbonée et est de ce fait hydrophobe. La polymérisation du DPB en PDPB peut être réalisée par irradiation UV en présence d’un initiateur radicalaire le BME, ou par rayonnement Gamma, permettant de former un polymère possédant une alternance de doubles et triples liaisons trans, ce qui en fait un système polymérique conjugué semi-conducteur.

CuBr 1,3,5-tris-(4-ethynylphenyl) -benzene (TEPB) 0 8 16 24 32 40 48 Temps (heure) Poly-1,3,5-tris-(4-ethynylphenyl) -benzene (PTEPB)

n hv

Polymérisation

1,4-diphénylbutadiyne (DPB) poly-1,4-diphénylbutadiyne (PDPB)

Figure 32 : Schéma de synthèse du PDPB à partir du monomère de DPB

Dans une étude publiée en 2015, il a été reporté la synthèse contrôlée de plusieurs oligomères de PDPB allant de 4 à 8 sous-unités selon la quantité de monomère et la durée ou la dose d’irradiation utilisée. Cette synthèse en milieu confiné dans des mésophases hexagonales a permis de maitriser la longueur des chaines de polymères formés ainsi que de définir leurs dimensions. En effet, ces polymères, dits nanostructurés, possèdent une structure en 2 dimensions en forme de fibres au lieu d’être des feuillets 3D, dont le diamètre peut être contrôlé en modulant le diamètre des mésophases hexagonales utilisées. Cette mise en forme a été possible grâce à la polymérisation dans les mésophases hexagonales qui ont servi de moule/mise en forme.

La Figure 33 représente une micelle hexagonale (gauche) ainsi que les images MEB (centre) et MET (droite) de l’octamère de PDPB nanostructuré.

Figure 33 : Représentation de la mésophase hexagonale servant de template lors de la synthèse du PDPB nanostructuré (gauche) ;

image en MEB (centre) et en MET (droite) des fibres de PDPB nanostructuré.

De plus, il a été montré que l’octamère de PDPB nanostructuré, oligomère de 8 sous-unités, était capable de réaliser de manière très efficace la photodégradation de polluants de l’eau tels que le méthyl orange ou le phénol, sous irradiation de lumière UV ou visible.111 Son activité photocatalytique sous lumière visible est supérieure à celle du TiO2 plasmonique (modifié par des nanoparticules d’argent), ce qui est assez remarquable.

Le point important dans cette étude est que la capacité photocatalytique du PDPB résulte de sa nanostructuration en fibres d’environ 19 nm de diamètre et de quelques micromètres de longueur. En effet, le PDPB non polymérisé dans les micelles, que l’on appelle « bulk », ressemble plutôt à des

111 S. Ghosh, N. A. Kouamé, L. Ramos, S. Remita, A. Dazzi, A. Deniset-Besseau, P. Beaunier, F. Goubard, P.-H. Aubert, et H. Remita, Nat. Materials, 2015, 505

b a

e

D’

oil water

45

sphères micrométriques et présente une activité photocatalytique très faible; alors que le PDPB nanostructuré, dénommé PDPB Ns, possèdent une activité très remarquable sous irradiation de lumière UV ou visible.

Le PDPB non-nanostructuré, ou bulk, semble présenter de nombreux défauts qui vont agir comme des sites de recombinaison des porteurs de charges. De plus, la surface spécifique du polymère nanostructuré est plus grande, ce qui permet un rendement de conversion de la lumière plus important pour le PDPB nanostructuré que pour le PDPB bulk.

L’octamère de PDPB absorbe la lumière du proche UV ainsi qu’une grande partie du visible comme on peut le voir dans la Figure 34 gauche.

300 400 500 600 700 800 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 Abs orba nc e Wavelength (nm) PDPB ns

Figure 34 : Spectre d’absorption solide de l’octamère PDPB nanostructuré (gauche); diagramme Kubelka-Munk du PDPB Ns (droite, réalisé par Dita Floresyona).

D’après le diagramme de Kubelka-Munk du polymère nanostructuré on peut déduire une valeur de band-gap de 2,06 eV (Fig. 34 droite). L’équation de Kubelka-Munk permet de convertir les données du spectre de réflexion diffuse, en données d’absorption. En traçant le diagramme des données obtenues, le band-gap peut être lue sur l’axe d’énergie du photon incident en prolongeant la partie linéaire du graphe. Les études de voltamétrie cyclique ont permis de déterminer le minimum de la bande de conduction et le maximum de la bande de valence du PDPB Ns comme étant à -0,58 V et 1,37 V (vs SHE à pH 7) respectivement. Le band-gap mesuré par voltamétrie cyclique vaut donc 1,95 eV pour le PDPB nanostructuré et 1,66 eV pour le PDPB bulk.111

Ces valeurs sont en accord avec la valeur de 1,81 eV du band-gap obtenue par calculs DFT (Density Functional Theory) de la structure de l’octamère de PDPB.

Les positions des bandes de conduction et de valence du PDPB Ns, ainsi que la valeur de son band-gap suggèrent que, d’un point de vue thermodynamique, le PDPB nanostructuré pourrait catalyser les réactions de décomposition de l’eau sous irradiation lumineuse visible comme représenté dans la Figure 35. 2.06 eV

d)

1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 0 1 2 3 4 [F (R )h v] 1/2

Figure 35 : Diagramme énergétique des niveaux évalués de la bande de valence (V.B.) et de la bande de conduction (C.B.) du

polymère PDPB Ns, vis-à-vis des réactions de décomposition de l’eau.

De plus, le mécanisme de photodégradation des substrats organiques a également été élucidé. Ces photodégradations sont réalisées par oxydation complète des polluants organiques par l’oxygène superoxyde (O2°-) issu de la réduction du dioxygène au niveau de la bande de conduction du polymère sous irradiation. Les électrons servant à la formation des ions superoxydes par réduction du dioxygène, sont proposés comme étant issus de l’oxydation de l’eau.

L’oxydation des substrats via les trous électroniques créés par l’irradiation au niveau de la bande de valence, ne représente qu’une part négligeable de la dégradation totale des polluants car l’ajout d’accepteur d’électrons inhibant la réduction du dioxygène en radical superoxyde, a eu pour conséquence d’inhiber presque totalement la dégradation des substrats.112

L’éventualité que le PDPB nanostructuré puisse réaliser la photocatalyse de l’oxydation de l’eau sous irradiation de lumière visible serait particulièrement intéressante pour la photosynthèse artificielle qui vise à utiliser la lumière solaire arrivant sur Terre pour extraire les électrons de l’eau et les utiliser pour former des combustibles tels que le dihydrogène.

112 S. Ghosh, L. Ramos, S. Remita, A. Dazzi, A. Deniset-Besseau, P. Beaunier, F. Goubard, P.-H. Aubert, H. Remita, New J.

Chem., 2015, 39, 8311 Potential (vs SHE) V.B. C.B. -+ pH 7 0.82 V O2/H2O -0.42 V H+/H2

PDPB Ns

1.37 V -0.58 V

GA

P : 1.9

5

eV

47