• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Polymères conjugués comme photocatalyseurs pour l’oxydation de l’eau

III. Le PDPB Ns pour la photocatalyse de l’oxydation de l’eau sous irradiation visible

2) Etudes du mécanisme de la réaction

Dans le domaine de la photocatalyse réalisée par des polymères, la grande majorité des mécanismes et intermédiaires réactionnels restent inexpliqués, la plupart des équipes se concentrant sur la quantification du produit formé.

Par exemple Sivula dans son article,107 précise qu’avec son polymère la détection d’oxygène a été un échec et il avance que les molécules d’eau seraient photo-oxydées en H2O2 ou °OH mais sans être capable de détecter ces composés.

Liu par contre, a approfondi son étude et a démontré que son système photocatalytique de décomposition de l’eau, Cdots@g-C3N4, réalisait l’oxydation de l’eau via un mécanisme à deux fois deux électrons produisant de manière intermédiaire de l’eau oxygénée H2O2.106

L’équipe de Shiraishi avait également démontré auparavant que la photocatalyse par le g-C3N4 de la réduction du dioxygène en eau oxygénée (H2O2) concomitante avec l’oxydation d’un alcool en son équivalent aldéhyde, avait lieu via la formation d’une espèce 1,4-endoperoxyde à la surface du polymère g-C3N4.115

Dans les études que nous avons menées sur la photocatalyse de l’oxydation de l’eau par le PDPB Ns, nous avons tenu à explorer ces questions de mécanisme et de produits intermédiaires de la réaction afin d’améliorer la compréhension de ce système et de pouvoir développer et améliorer son activité dans le futur.

a) Quels sont les sites actifs de l’oxydation de l’eau ?

Comme décrit auparavant, le PDPB Ns a été développé pour la photocatalyse sous irradiation de lumière visible de la dégradation de polluants de l’eau tels que le méthyl orange ou le phénol. L’oxydation et la minéralisation du polluant (décomposition en dioxyde de carbone CO2 et H2O)se font par le radical anionique superoxyde O2°- issu de la réduction du dioxygène et ont été suivi par mesure de l’absorption UV-Visible des polluants (λphénol= 260 nm et λméthyl orange = 460 nm) ainsi que par analyse TOC (total organic composition). Il est également rapporté dans l’article que cette photo-dégradation ne peut avoir lieu que dans un milieu riche en dioxygène, car nécessaire pour la formation des radicaux superoxydes.111

Afin d’éclairer notre compréhension du système photocatalytique de l’oxydation de l’eau, nous avons étudié si cette réaction avait lieu au niveau des mêmes sites catalytiques que ceux mis en jeu pour la photo-dégradation des polluants. Pour cela, nous avons étudié ces deux réactions photocatalysées dans deux cas de figure : celui où la solution aqueuse contenant du méthyl orange et le PDPB Ns est entièrement dégazée, correspondant à la condition d’étude de l’oxydation de l’eau ; et le cas où il reste partiellement du dioxygène dans cette solution, ce qui est compatible

avec la photo-dégradation du méthyl orange décrite.

La Figure 42 représente les productions de dioxygène dans les deux cas. Celles-ci sont efficaces et les courbessont assez similaires. Le dégazage partiel permet de se placer dans des conditions compatibles avec la production de dioxygène à partir de l’eau, tout en étudiant l’effet de la présence de dioxygène sur la photodégradation du méthyl orange par le système. Dans ce cas on peut voir qu’à l’arrêt du dégazage, il y a une petite diminution du niveau de concentration en dioxygène, correspondant à l’équilibration du système partiellement dégazé car la pente est identique avant et après le lancement de l’irradiation (hʋ). On peut toutefois remarquer que lacatalyse a lieu à une vitesse un peu plus faible lorsqu’il y a déjà un peu de dioxygène en solution. Cela pourrait être expliqué par le fait que la force-motrice d’une réaction est diminuée lorsqu’un des produits est déjà présent dans le milieu.La présence de méthyl orange ne perturbe donc pas l’activité du PDPB Ns pour la photocatalyse de l’oxydation de l’eau.

Figure 42 : Mesure de la production d'O2 par 2 mg de PDPB Ns sous irradiation de lumière visible (λ ≥ 450 nm), dans 2 mL d’une solution aqueuse de 60 µM de méthyl orange, partiellement (rouge) ou complétement dégazée (bleu).

En revanche, pour la réaction de photo-dégradation du méthyl orange qui peut être suivie par absorption UV-Visible et chromatographie gazeuse, on note une différence entre les deux cas. En effet, lorsqu’il n’y a pas de dioxygène présent initialement dans la solution, la photo-dégradation du méthyl orange n’a pas lieu car sa bande d’absorption caractéristique à 460 nm ne décroit que très peu (Fig. A1) et aucune trace de CO2 n’est détectée en chromatographie gazeuse. Cela semble logique lorsqu’on se rappelle que la photo-dégradation du méthyl orange et du phénol par le PDPB Ns est réalisée par les O2°- issus de la réduction du dioxygène. Ainsi, le PDPB Ns n’est pas capable de dégrader les substrats organiques (par photocatalyse de la réduction du dioxygène en l’espèce active O2°-) s’il n’y a pas de dioxygène initialement présent lors du lancement de l’irradiation, et ce, malgré que la production de dioxygène à partir de l’eau soit tout de même catalysée par la suite. Une observation importante est que le dioxygène produit par photocatalyse de l’oxydation de l’eau n’a pas l’air d’être considéré pareil que le dioxygène initialement présent dans le milieu. En effet malgré la production de dioxygène en conditions anaérobiques, la dégradation du méthyl orange n’a pas lieu. Cela est surprenant et pourrait s’expliquer par le fait que le dioxygène doit être présent dans les sites de réduction dès le départ de l’irradiation pour pouvoir être réduit en O2°- et ainsi réaliser la photo-dégradation des polluants. En effet, le PDPB Ns s’agrège au cours des cycles photocatalytiques par hydrophobicité, modifiant ainsi l’exposition au solvant de certaines parties du polymère.

55

En revanche, dans le cas où la solution a été dégazée en partie et qu’il y a du dioxygène présent initialement dans la cellule, on peut constater que la photo-dégradation du MO a bien eu lieu car la concentration en méthyl orange, suivie par absorption UV-visible à 460 nm, décroit de manière significative, comme reportée dans la Figure 43 (gauche).

400 500 600 700 800 0 1 A bsorbanc e M ét hyl Orange Longueurs d'onde (nm) Initial 4h 7h 9.5h 12h 13.5h 14.5h 15h 16h 17h 19h 21h 0 5 10 15 20 0,4 0,6 0,8 1,0 A ( MO) à 46 0nm

Temps d'irradiation (heures)

2 3 4 5 6 [MO] (1 0 µM)

Figure 43 : (gauche) Absorption UV-visible de la solution aqueuse partiellement dégazée de PDPB Ns contenant 60 µM de méthyl

orange après différents temps d’irradiation sous lumière visible (λ ≥ 450 nm) ; (droite) Décroissance de l’absorption du MO à 460 nm (gauche) et de la concentration correspondante en MO (droite) en fonction du temps d’irradiation de la solution photocatalytique

Après 21h d’irradiation, 65 % du méthyl orange a été dégradé à une vitesse plutôt constante (Fig. 43 droite), pour former du CO2 qui a été détecté en CG-MS (Fig. A2).

Ainsi l’oxydation de l’eau peut être concomitante avec la dégradation du méthyl orange si au début de l’irradiation il y a des molécules de dioxygène qui peuvent être réduites en O2°- . Sinon, il n’y a pas de dégradation du méthyl orange, alors que l’oxydation de l’eau en dioxygène a lieu dans les deux cas. Cela laisse penser que la photocatalyse de l’oxydation de l’eau et la photocatalyse de la réduction de l’O2 en O2°- ne se déroulent pas au niveau des mêmes sites actifs du polymère et sont supposées indépendantes l’une de l’autre.

Le comportement photocatalytique du PDPB Ns est donc très modulable en fonction des conditions initiales du système, et ce semi-conducteur organique peut réaliser des réactions de réduction, d’oxydation ou les deux en même temps sous irradiation de lumière visible.

b) Titration du H2O2 au KMnO4

L’oxydation de l’eau peut être réalisée selon deux mécanismes, le premier consistant en une étape d’oxydation à quatre électrons et quatre protons (Équ. 4), et le second en deux étapes successives via la formation d’eau oxygénée intermédiaire (Équ. 5).

2 H2O → O2 + 4 H+ + 4 e- Équation 4

2 H2O → H2O2 + 2 H+ + 2 e- E°= -1,776 V

La transformation de H2O2 en O2 peut être réalisée par dismutation ou par oxydation à deux électrons catalysée. Quoi qu’il en soit, cette réaction doit être catalysée pour avoir lieu, étant donné que la dismutation est très lente sinon, et que l’oxydation possède une barrière énergétique importante.

Dans la littérature, plusieurs techniques pour quantifier l’eau oxygénée en solution ont été reportées, et la titration par le permanganate a été choisie dans notre étude.116, 117 Dans cette technique, le permanganate MnO4- réagit avec l’eau oxygénée H2O2 afin de former des ions manganèses Mn2+ (Équ. 6). Cette réaction résulte en une consommation du permanganate et donc une disparition de la bande d’absorption caractéristique de celui-ci à 530 nm qui peut être suivie par absorption UV-visible. Cela permet de déterminer la quantité de permanganate consommée, quantité qui équivaut à 2,5 fois la quantité d’eau oxygénée consommée, ce qui nous permet in fine de calculer la quantité d’eau oxygénée présente en solution.

2 MnO4(aq) + 6 H+ (aq) + 5 H2O2(aq) → 2 Mn2+(aq) + 8 H2O + 5 O2

Équation 6 : Titration de l’eau oxygénée H2O2 par le permanganate de potassium KMnO4

La titration de l’eau oxygénée par une solution de permanganate a été réalisée à deux moments de la production de dioxygène par le PDPB nanostructuré sous irradiation de lumière visible; un au début du dégagement de dioxygène et le second au plateau de la production.

Le prélèvement réalisé au commencement de la production d’O2 permet de titrer 25 µM d’H2O2 (Fig. A3), alors que la titration de l’H2O2 en solution réalisée au plateau de la production d’O2 a permis de remonter à une concentration en eau oxygénée d’au moins 575 µM, soit 23 fois plus que celle au début (Fig. 44).

Figure 44 : Titration de l’H2O2 dans une solution de 2 mL contenant 1 mL de la solution photocatalytique au plateau de la production d’O2, par 115 µM de permanganate.

Cette forte hausse de la concentration en eau oxygénée titrée entre le début de la production de dioxygène et le plateau, peut être expliquée par le fait que l’eau oxygénée intermédiaire commence à s’accumuler lorsque le système passe en régime pseudo-stationnaire. En effet, le dioxygène produit par le système s’accumule et finit par saturer la solution, causant une diminution de la cinétique de la réaction qui transforme l’eau oxygénée en dioxygène au fur et à mesure que le

116 N. V. Kiassen, D. Marchington, et H. C. E. McGowant, Anal. Chem., 1994, 66, 2921

117 J. Liu, Y. Liu, N. Liu, Y. Han, X. Zhang, H. Huang, Y. Lifshitz, S. T. Lee, J. Zhong, et Z. Kang, Science, 2015, 347, 970

57 dioxygène est formé.

Ces résultats confirment l’hypothèse selon laquelle la catalyse de l’oxydation de l’eau par le polymère PDPB Ns serait réalisée via un mécanisme en deux étapes avec la formation intermédiaire d’H2O2 comme pour le matériau CDots@g-C3N4 (Équ. 5),106 et pas en une étape d’oxydation à quatre électrons.

3) Détermination du devenir des électrons et protons issus de l’oxydation de