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saccharidiques

Comme décrit dans le chapitre précédent, la structure des différentes molécules cibles peut se diviser en trois parties distinctes et indépendantes les unes des autres : une partie saccharidique, une partie lipidique et une partie plateforme (figure 31). La synthèse se veut la plus convergente possible afin de pouvoir modifier chaque domaine et ainsi accéder à une librairie de composés.

Figure 31 : Structure des molécules à synthétiser

La plateforme est la seule des trois parties à rester constante, aucune modulation n’a été envisagée à ce stade du projet. Plusieurs lipides ont été considérés, sur la base de structures lipidiques d’Archaea (diéthers dont les chaînes carbonées sont ramifiées). Enfin, plusieurs glycosides ont été ciblés pour leur potentiel de reconnaissance de récepteurs impliqués dans la mise en place de l’immunité. La structure globale et la stratégie développée nous ont permis de faire varier le nombre d’unités saccharidiques, la nature du sucre (D-galactose ou D-mannose) ainsi que la taille du cycle. Nous avons également considéré l’apport d’atome de fluor sur des entités galactofuranosidiques en substitution d’un groupement hydroxyle.

Dans cette première partie, nous aborderons la synthèse des différents saccharides envisagés pour la conception des molécules cibles. Quelques rappels sur la synthèse glycosidique seront tout d’abord présentés avec une attention particulière portée à la synthèse des furanosides. Puis, les stratégies de synthèse mises en œuvre pour synthétiser les différents composés seront exposées, ainsi que les résultats que nous avons obtenus.

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I Rappels sur la synthèse glycosidique

Dans la Nature, les sucres libres sont présents sous cinq formes différentes, anomères et tautomères (figure 32) : une acyclique, deux cycliques à 6 chaînons (α et β pyranoses) et deux cycliques à 5 chaînons (α et β furanoses).

Figure 32 : Représentation des formes anomères et tautomères du D-galactose

Un des challenges de la synthèse de glycosides est d’obtenir la forme souhaitée du produit synthétisé. Dans le cas des hexoses, les pyranosides sont les produits thermodynamiques, les furanosides les composés cinétiques.

1)Généralités

Les réactions de glycosylation (tableau 2) font intervenir une espèce électrophile, le donneur de glycosyle, une espèce nucléophile, l’accepteur de glycosyle, et un promoteur. Le donneur est activé par un groupe partant sur sa position anomère. L’accepteur présente quant à lui un groupement nucléophile, un OH dans le cas des O-glycosylations, mais cela peut également être une amine, un thiol ou un carbone. Le promoteur, présentant un caractère acide de Lewis, permet d’augmenter le caractère nucléofuge du groupe partant du donneur afin de former un intermédiaire électrodéficient appelé ion oxocarbénium. L’accepteur peut ainsi attaquer la position électrophile du donneur et former la liaison glycosidique. Le promoteur choisi est donc dépendant du type de donneur utilisé. Plusieurs couples donneur/promoteur ont ainsi pu être identifiés (liste de quelques couples dans le tableau 2).1

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Tableau 2 : Exemples de couples donneur/promoteur

Groupe partant (X) Promoteur

Br AgOTf, Ag2O, Ag2CO3 Hg2Br2, Hg2(CN)2

I KHMDS, TBAI/DIPEA

OCNHCCl3 TMSOTf, BF3.OEt2

OAc TMSOTf, BF3.OEt2, SnCl4

SR NIS/AgOTf, NIS/TMSOTf, BSP/Tf2O, DMTST

S(O)R Tf2O/DTBMP

OPO(OR)2 TMSOTf, BF3.OEt2

L’accepteur doit posséder au moins une fonction nucléophile. Les autres positions sont, le plus souvent, protégées afin de limiter au maximum le nombre de produits secondaires. Outre leur rôle de protections des hydroxyles, les groupesprotecteurs peuvent également influencer la stéréochimie du composé formé, on parle alors de groupes participants, à l’inverse des groupes non participants. Lors d’une réaction de glycosylation, une fois le carbone anomère activé par le départ du groupe nucléofuge, l’ion oxocarbénium formé peut être attaqué par la face supérieure ou par la face inférieure. Lorsque le groupe protecteur en C-2 est non participant, l’effet anomère favorise la formation du composé 1,2-cis, plus stable thermodynamiquement. Dans le cas d’un groupement participant, l’ion oxocarbénium peut être stabilisé par assistance anchimérique par le groupe protecteur en O-2. Cette assistance par un groupe participant guide l’entrée du nucléophile par la face opposée et assure ainsi la formation d’une liaison glycosidique 1,2-trans. Par exemple, un ester en position 2 forme une espèce de type acyloxonium (schéma 3-A). Diverses alternatives ont également été développées pour assurer la sélectivité de la formation de glycosides. L’une d’entre elles consiste à greffer un groupement stéréodirecteur en position 6. Demchenko et coll.2 ont ainsi obtenu des composés syn (1,2-trans) grâce à l’action du groupement picolinyle. L’atome d’azote forme une liaison hydrogène avec le donneur, favorisant la réaction par la face supérieure du sucre. Ils ont nommé cet effet le HAD pour H-bond-mediated aglycon delivery, ou la délivrance d’aglycone

Tf : Triflyle HMDS : Bis(triméthylsilyl)amidure TBA : Tétrabutylammonium DIPEA : Diisopropyléthylamine Ac : Acétyle NIS : N-iodosucinimide BSP: Bromosulfophtaléine DMTST: Diméthyl(méthylthio)sulfonium tétrafluoroborate DTBMP: 2,6-Di-tert-butyl-4-méthyl pyridine

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induite par liaison hydrogène (schéma 3-B). D’autres études ont tiré profit de l’encombrement stérique comme un avantage pour bloquer l’accès à une des faces du sucre et ainsi favoriser une des deux configurations.3 D’autres groupements protecteurs peuvent influencer la réactivité des espèces. Ainsi, l’utilisation de groupements donneurs d’électrons, stabilisant l’ion oxocarbénium (tableau 2) permet de favoriser la réaction glycosidique. Fraiser-Reid et coll. 4 ont démontré que des donneurs armés peuvent être sélectivement activés en présence de donneurs désarmés, possédant donc des groupements protecteurs électroattracteurs.

Les solvants utilisés lors des réactions de glycosylation peuvent également jouer un rôle stéréodirecteur.5 Généralement, les solvants polaires favorisent la formation de glycosides β, et les peu polaires des glycosides α. Mais les solvants peuvent avoir un rôle participant, dans le cas de l’acétonitrile, l’ion nitrilium formé in situ s’oriente uniquement en axial, ce qui force l’attaque nucléophile en position équatoriale. L’éther diéthylique se positionne essentiellement en position équatoriale, ce qui mène à la formation d’un composé α (schéma 3-C).

Schéma 3 : Moyens de contrôle de la stéréochime d'une réaction de glycosylation par (A) l'utilisation de groupe participant, (B) HAD, (C) effet de solvant

2)Focus sur la synthèse des furanosides

Les furanoses ne représentent qu’une faible proportion de l’équilibre isomérique des sucres en solution.6 Un cycle à 5 chaînons n’est pas la forme thermodynamiquement favorisée par comparaison à un cycle à 6, ce qui implique de devoir se placer dans des conditions qui favorisent l’obtention de ce produit. Une fois le cycle figé sous la forme requise, les réactions de glycosylation

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répondent aux mêmes conditions que celles décrites pour les pyranoses (tableau 2 et schéma 3). Par conséquent, le premier défi de la synthèse de composés furanosidiques est l’obtention du cycle à 5 chaînons.