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Comme évoqué précédemment, les TCRs se lient à un complexe MHC/antigène. Les TCRs sont composés de deux hétérodimères (deux polypeptides différents α et β) possédant des parties variables, constantes, transmembranaires et intracytoplasmique reliées par un pont disulfure (figure 6).40 En plus des TCRs, les lymphocytes T possèdent des corécepteurs, CD4 et CD8 (en fonction de la nature du lymphocyte T) qui sont capables de reconnaître les complexes MHC/antigène. CD4 et CD8 fixent des régions du MHC. Ce dernier est donc lié au lymphocyte par le TCR et un corécepteur afin de favoriser les cascades d’évènements intracellulaires qui activent les lymphocytes T (voir figures 3 et 4). Lorsque le TCR interagit avec un antigène, les corécepteurs se regroupent en cluster et l’association de CD4 ou CD8 à des enzymes initie les réactions intracellulaires. Les lymphocytes peuvent ainsi sécréter des cytokines, des chimiokines et combattre l’infection.41

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Figure 6 : Structures des BCRs et TCRs42

3. Mode d’action des immunoadjuvants

Le rôle des immunoadjuvants consiste à activer le système immunitaire mais également à créer une mémoire. Pour cela ils doivent assurer l’activation des différents lymphocytes T et B. Plusieurs modes d’action peuvent être envisagés. Ils peuvent cibler les cellules du système inné telles que les APCs (macrophages ou DCs) ou même directement les lymphocytes (B et T).

Les APCs sont une cible de choix pour les adjuvants puisqu’elles initient la réponse immunitaire adaptative et qu’elles possèdent de nombreux récepteurs à leur surface. Une des méthodes imaginées est l’utilisation de nano- et microparticules lipidiques, polymériques ou métalliques comme véhicules afin de délivrer spécifiquement un traitement. Lorsque les particules sont suffisamment petites (moins de 5 µm), elles sont endocytées par les DCs, sans même avoir besoin d’un ligand spécifique aux récepteurs de ces cellules. Elles peuvent ainsi libérer le contenu antigénique qu’elles contiennent à l’intérieur des DCs et mettre en place toute la chaîne de présentation de l’antigène. Lorsque la taille de la particule est plus importante, il devient plus intéressant d’y greffer des molécules qui seront reconnues par les récepteurs des DCs tels que des sucres, des lipides ou des peptides antigéniques.24,26,43,44

Des substances solubles peuvent également être ajoutées à la formulation des vaccins comme des lipopolysaccharides (LPS) ou certaines cytokines comme le TNF-α. En se liant aux récepteurs des DCs, ils induisent la maturation de ces dernières et favorisent l’assimilation des antigènes du vaccin.7 Les chimiokines ou leurs agonistes peuvent également être utilisés comme adjuvant afin de recruter les DCs sur le lieu de l’injection du vaccin.10

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Certaines interactions ligand/récepteur à la surface des DCs entrainent la production de cytokines spécifiques. L’utilisation d’analogues de ces substances dans des vaccins permet ainsi la sécrétion de substances comme certaines interleukines qui favorisent ensuite le développement des lymphocytes T.24,26,44,45

Outre les APCs, les adjuvants peuvent cibler les lymphocytes T. En fonction de l’effet souhaité, ils peuvent servir à augmenter la production de certains lymphocytes et à diminuer celle d’autres populations lymphocytaires. Par exemple, dans le cas de maladies auto-immunes ou d’allergies, les lymphocytes Th et Tc sont présents en grande quantité et produisent des effets indésirables. Afin de limiter le nombre de lymphocytes, une des stratégies employées est de stimuler la prolifération des lymphocytes Treg grâce à certaines cytokines, afin de réguler les populations de ces cellules.43 D’un autre côté, si l’effet souhaité est une augmentation du nombre de lymphocytes Th ou Tc, il faut alors diminuer celui des Treg. Pour cela, des antagonistes de récepteurs des DCs sont utilisés. Ils inhibent la production d’IL-10 nécessaire au développement des Treg.45

Certaines combinaisons de cytokines peuvent également être utilisées afin d’orienter la réponse immunitaire. En effet, l’IL-12 et le TNF-γ sont associés aux réponses Th1, alors que l’IL-4, 5 et 13 plutôt aux réponses Th2.45

Actuellement, l’adjuvant le plus utilisé dans la formulation de vaccin est un mélange de sels d’aluminium (hydroxyde et phosphate). Il permet d’augmenter la réponse inflammatoire, d’obtenir une meilleure assimilation des antigènes par les APCs et une production plus importante d’anticorps. Il est utilisé dans de nombreux vaccins contre les hépatites, la méningite, la poliomyélite, etc.10,46

A partir du milieu des années 90, de nouveaux adjuvants ont fait leur apparition dans des vaccins. Les liposomes, par exemple, sont utilisés comme véhicules encapsulant la substance au sein d’une sphère de lipides ciblant les APCs. Des antigènes peuvent également être liés à des virosomes (vésicules mimant la membrane des pathogènes, figure 7) afin d’interagir avec les cellules B.16,47,48 Les squalènes sont également utilisés dans plusieurs vaccins contre la grippe afin de recruter des APCs et d’augmenter la production de cytokines.16

Liposome Virosome

Agent thérapeutique

Doucle couche lipidique

Antigène Enzyme

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Depuis plusieurs années, des équipes de recherche, dont notre laboratoire, se concentrent sur une autre catégorie de molécules immunoadjuvantes prometteuses, les glycolipides.

III. Les glycolipides

1. Généralités

Les glycolipides sont des molécules composées d’une partie osidique (hydrophile) et d’une autre lipidique (hydrophobe), ce qui en fait des molécules amphiphiles. Ces dernières, de par leur structure, peuvent être des tensioactifs ou encore appelés surfactants.

Les tensioactifs modulent la tension de surface entre deux milieux non miscibles. Cette propriété est particulièrement intéressante lorsque des milieux aqueux et organiques sont mis en contact. La diminution de la tension interfaciale permet, par exemple, de stabiliser des émulsions (crèmes, mousses) ou d’incorporer des principes actifs via les micelles.50–52 De plus, les tensioactifs augmentent la solubilité des contaminants dans la phase aqueuse en incorporant le composé hydrophobe au cœur de micelles.

Les glycolipides sont une alternative possible aux surfactants chimiques, issus de la chimie du pétrole. Ces derniers sont souvent toxiques pour l’environnement et les organismes vivants. Au contraire, les surfactants bio-sourcés ou dérivés de molécules amphiphiles naturelles comme le sont les glycolipides, sont biodégradables et sont généralement non toxiques.51,53

Certains glycolipides, comme par exemple les sophorolipides ou les rhamnolipides, possèdent des propriétés antimicrobiennes, antibactériennes et antifongiques. Ils sont utilisés afin de désinfecter les surfaces.54,55

Grâce à leur structure amphiphile et les propriétés tensioactives qui en découlent, les glycolipides sont utilisés dans de nombreux domaines tels que les cosmétiques, l’alimentation, le textile, le papier ou encore les polymères.56,57

Au-delà de leurs propriétés amphiphiles, les glycolipides possèdent des propriétés propres à chacune de leurs deux parties (saccharidique et lipidique). Chaque partie a un intérêt biologique et peut être utilisée dans le domaine pharmaceutique. La combinaison de ces effets est donc une piste intéressante pour la mise au point d’immunostimulants.

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2. Partie saccharidique

Les sucres sont une des classes de molécules les plus représentées dans la nature. Ils sont surtout présents sous la forme de pentoses (5 atomes de carbone) ou d’hexoses (6 atomes de carbone). La majorité se trouve sous la configuration D (quelques exceptions tout de même comme le L -arabinose, le L-fucose, le L-rhamnose) et cyclique (furanose ou pyranose). Ils sont utilisés par les cellules pour des fonctions aussi nombreuses que la transduction de signaux et la prolifération des cellules.58 Ils entrent également dans la composition des membranes cellulaires et permettent la reconnaissance entre les cellules.59 Ces deux dernières propriétés en font des composés de choix comme immunomodulateurs. En effet certains saccharides présents à la surface des microorganismes sont identifiés et reconnus comme des PAMPs par le système immunitaire. Ces sucres sont différents de ceux présents sur les membranes des cellules humaines saines par leur structure, les enchaînements de monomères ou encore leurs liaisons glycosidiques. Dans le cas des cellules cancéreuses, des sucres normalement non synthétisés par les cellules sont alors exprimés (figure 8).60,61

Figure 8 : Exemples de structures exprimées par les cellules cancéreuses

Les immunostimulants à base de sucres sont conçus à partir de l’étude approfondie des polysaccharides contenus dans les membranes bactériennes ainsi que celle des récepteurs du système immunitaire. Le plus souvent, seule une fraction du motif saccharidique est nécessaire pour induire une réponse.62