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Afin d’appuyer nos résultats, nous avons évalué par le calcul le potentiel de l’accepteur 36 à réagir avec les différents donneurs (pour simplifier les calculs, la chaîne octylede 36 a été remplacée par un simple méthyle, appelé alors 36’). Pour cela, nous avons calculé les indices de Fukui.44 La fonction de Fukui décrit la densité électronique d’un atome après avoir ajouté ou retiré un électron. Cela permet de déterminer les sites les plus électrophiles et les plus nucléophiles d’une molécule.

Les fonctions de Fukui peuvent être définies pour une attaque électrophile, 𝑓,quand un électron est retiré de l’atome étudié, ou une attaque nucléophile, 𝑓+, quand un électron est ajouté.

𝑓= 𝜌(𝑁) − 𝜌(𝑁 − 1) 𝑓+= 𝜌(𝑁 + 1) − 𝜌(𝑁)

98 𝜌 : densité électronique

𝑁 − 1 : état cationique 𝑁 : état neutre

𝑁 + 1 : état anionique

Ce travail peut également être fait à l’échelle atomique en calculant les fonctions de Fukui condensées. 45

𝑓𝑘= 𝑞𝑘(𝑁) − 𝑞𝑘(𝑁 − 1) 𝑓𝑘+= 𝑞𝑘(𝑁 + 1) − 𝑞𝑘(𝑁) 𝑞𝑘: charge atomique de l’atome K

Ces charges atomiques peuvent être calculées selon plusieurs modèles (Hirshfeld, Mulliken,46

Voronoi, Bader,47 etc).

Afin de déterminer la nucléophilie de chaque hydroxyle, la conformation de la molécule a dans un premier temps été optimisée. Deux conformations ont été retenues dans le cas de l’accepteur 36’ (figure 43). Elles correspondent toutes les deux à des minima locaux d’énergie (calculés par DFT : Density Founctionnal Theory). Les calculs ont été menés via deux fonctionnelles différentes (B3LYP et M06-2X). La différence la plus importante entre ces deux conformations est l’orientation du bras C-4-C-5-C-6 supportant l’atome de fluor (figure 43). Les deux conformations sont presque iso-énergétiques avec le conformère A plus stable que le B de 0,03 eV selon B3LYP, alors que le résultat contraire est observé avec M06-2X. Bien que les valeurs obtenues soient différentes, les tendances sont les mêmes et seuls les résultats calculés avec B3LYP sont présentés ici (tableaux complets dans la partie expérimentale).

Figure 43 : Conformations les plus stables optimisées par DFT

Conformation A Conformation B 1 1 2 1 2 1 3 1 3 1 4 3 1 4 3 1 5 3 1 5 3 1 6 3 1 6 3 1

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Tableau 11: Valeurs des fonctions de Fukui condensées pour les deux conformations de l'accepteur

𝑓𝑘−: conformation A 𝑓𝑘−: conformation B

Mulliken Hirshfeld Voronoi Bader Mulliken Hirshfeld Voronoi Bader

O-1 0.18 0.17 0.19 0.26 O-1 0.19 0.18 0.20 0.32 O-2 0.11 0.11 0.10 0.07 O-2 0.09 0.09 0.08 0.03 O-3 0.09 0.09 0.08 0.10 O-3 0.10 0.10 0.10 0.12 O-4 0.04 0.04 0.04 -0.02 O-4 0.05 0.04 0.05 0.03 O-5 0.03 0.03 0.03 0.02 O-5 0.02 0.02 0.02 0.01 𝑓𝑘+: conformation A 𝑓𝑘+: conformation B

Mulliken Hirshfeld Voronoi Bader Mulliken Hirshfeld Voronoi Bader

O-1 0.01 0.01 0.01 0.00 O-1 0.01 0.01 0.01 -0.02

O-2 -0.06 0.15 0.09 0.27 O-2 -0.07 0.16 0.09 0.29

O-3 0.01 0.01 0.01 0.00 O-3 0.01 0.01 0.01 0.01

O-4 0.01 0.01 0.01 0.01 O-4 0.01 0.01 0.01 -0.02

O-5 0.00 0.00 0.00 -0.00 O-5 0.00 0.00 0.00 0.00

Les valeurs les plus importantes de 𝑓𝑘 correspondent aux sites les plus nucléophiles de l’accepteur, donc les sites les plus à même de former une liaison glycosidique avec le donneur. Dans le tableau 11, on voit donc que les oxygènes en position 1, 2 et 3 sont les plus nucléophiles. Cela confirme une de nos hypothèses de base : les disaccharides (1→2) et (1→3) sont théoriquement plus attendus que le régioisomère (1→5). La différence de réactivité entre les deux est très faible, ce qui confirme également l’idée que nous ne pouvions pas prédire quel disaccharide serait favorisé par rapport à l’autre. Ce résultat met également en lumière la nucléophilie de l’oxygène O-1. Malgré son engagement dans le cycle, il reste, d’après les coefficients calculés, l’oxygène le plus nucléophile de la molécule. Cela pourrait donc expliquer le transfert de la chaîne octyloxyle sur le donneur.

D’autre part, on observe que 𝑓𝑘

O-5 est la valeur la plus faible obtenue pour les atomes d’oxygène. Cela appuie notre hypothèse de départ d’une réactivité moindre de cet hydroxyle lors des réactions de glycosylation, même si les résultats expérimentaux ont démontré une nucléophilie non négligeable (glycosylation et expansion de cycle).

Les valeurs les plus importantes de 𝑓𝑘+quant à elles, indiquent les sites les plus électrophiles de 36’. Ces derniers peuvent mettre en lumière une « fragilité » de la molécule. Le O-2 semble se détacher. Cependant, cette valeur ne permet pas d’expliquer l’isomérisation de l’accepteur observée et la formation de disaccharides de types pyranose-furanose.

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Dans une seconde phase de l’approche théorique, nous avons également mené des calculs d’énergie pour les composés 59 et 61, afin de vérifier si les résultats obtenus peuvent s’expliquer par des facteurs thermodynamiques. Comme nous nous y attendions, le disaccharide comprenant un résidu pyranosidique 59 présente une stabilité largement supérieure à celle de son isomère comprenant deux cycles furanosidiques 61 avec des énergies respectives de -0,44 eV et 0,07 eV.

En conclusion, les deux approches calculatoires tendent à confirmer, au moins partiellement, l’obtention de produit de transfert intermoléculaire d’aglycone, d’isomérisation de cycle mais ne permettant pas de trancher entre facteurs cinétiques ou thermodynamiques.

V Déprotection des oligosaccharides

Les disaccharides et trisaccharides formés ont été déprotégés selon la méthode de Zemplèn. Après traitement par de la résine IR 120 H+ et évaporation des différents esters formés, nous avons obtenu les composés 81 à 87 sous forme de sucres déprotégés. Seuls ces composés répertoriés sur la figure 44 ont été obtenus dans des quantités suffisantes (quelques mg) pour permettre une caractérisation structurale aboutie.

Les quatre disaccharides 81, 82, 83 et 84 ont chacun été obtenus purs avec un rendement minimal de 88%. Au contraire, les composés 85, 86 et 87 n’ont pas pu être séparés. Malgré cela, l’attribution des pics obtenus lors des analyses RMN a été possible. La déprotection a pu être validée par l’absence des signaux relatifs aux protons aromatiques en RMN 1H et au signal du carbone de la fonction carbonyle en RMN 13C.

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Figure 44 : Structures des sucres déprotégés isolés

Comme pour les disaccharides protégés, les spectres COSY, HSQC et HMBC ont permis d’attribuer tous les signaux obtenus lors des analyses 1H et 13C. Ainsi, pour les composés 81 et 82, les deux protons anomères sont facilement identifiables, à plus de 5 ppm ainsi que les carbones anomères en RMN 13C, avec des signaux à plus de 106 ppm. Les spectres COSY et HMBC ont mis en valeur les relations entre les différents protons de chaque entité furanose, ce qui a permis, grâce au spectre HSQC, d’attribuer les différents pics en RMN 13C. La détermination des valeurs des constantes de couplage entre les atomes de carbone 4, 5 et 6 et les atomes de fluor a confirmé ces attributions (2J=169,6 et 170,7 Hz, 3J=20,2 et 18,3 Hz, 4J=6,6 et 6,3 Hz pour le composé 81. Le spectre HMBC nous a permis d’identifier l’entité réductrice grâce à la corrélation entre le carbone anomère et le CH2 de la chaîne carbonée, ainsi que de vérifier la localisation de la liaison glycosidique, en (1→2) pour 81 et (1→3) pour 82. Le spectre de 83, comme pour les composés protégés, est différent des spectres correspondant à 81 et 82, en raison de la présence d’un doublet en RMN 13C (δ=109,1 ppm, JC,F=3,0 Hz) pour le carbone anomère de l’entité non réductrice. Les configurations β ont pu être validées par les valeurs des constantes de couplage JH1,H2, toutes inférieures ou égales à 2,0 Hz.

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Le seul composé comprenant un résidu pyranosidique déprotégé 84 a facilement été caractérisé par la présence d’un signal à 99,7 ppm sur le spectre RMN 13C, correspondant au carbone anomère du pyranose.

Les trois composés monofluorés 85, 86 et 87 ont été analysés à partir d’un mélange de ces trois disaccharides. L’analyse HRMS de l’échantillon a confirmé la présence de disaccharides ([M+Na]+ de 481.2262) ainsi que l’absence de trisaccharide puisqu’aucun pic de m/z égale à 641 n’a été observée. Comme pour les composés difluorés, les analyses RMN 2D ont permis d’identifier clairement les différents pics des cycles furanose ainsi que les différents régioisomères.

VIConclusion

L’objectif de cette partie a consisté à la synthèse de dérivés mannopyranosylés et galactofuranosylés « clickables» sur une plateforme acétylénique. Quatre monosaccharides ont été préparés : un composé Man(OCH2)2N3 possédant un court bras espaceur entre le résidu glucidique et la fonction azoture ; trois azotures de glycosyle (Manp, Galf, 6F-Galf). Dans tous ces cas, les synthèses se sont avérées efficaces de sorte que les composés ont été isolés avec de très bons rendements et en quantités appréciables (de 45 à 360 mg, tableau 12).

La partie relative à la préparation des difuranosides s’est avérée plus difficile. Les cibles n’ayant pas fait l’objet de synthèse par voie chimique, une approche visant à limiter le nombre d’étapes a été proposée non seulement pour produire des difuranosides mais également pour étudier la régiosélectivité de couplages glycosidiques en série furano. Si la réactivité des diverses fonctions hydroxyle est assez bien connue et relativement maitrisée en série pyrano, il n’en est rien au départ de substrats furanosidiques. Sur la base de résultats du laboratoire, seule la position primaire a été modifiée par fluoration avant de tenter de glycosyler régioselectivement les hydroxyles libres restants. Deux réactions secondaires ont été observées : le transfert intermoléculaire de l’aglycone de l’accepteur vers le donneur (réaction pas encore décrite en série O-glycosidique) et une réaction d’expansion de cycle de l’accepteur. Dans ces deux conditions, sept disaccharides ont été préparés et parfaitement caractérisés (tableau 12). De plus, des mélanges de di- et de trisaccharides ont également été obtenus au cours de cette étude. Ces réactions modèles réalisées à partir de furanosides d’octyle devront être adaptées à la préparation de difuranosides comportant une chaîne azido-alkyle requise pour la conjugaison avec la plateforme lipidique.

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Tableau 12 : Tableau récapitulatif des masses des saccharides déprotégés caractérisés

Composé Masse (mg) 25 363 15 87 16 97 81 15 82 8 83 6 84 10 85+86+87 22

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