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Les membranes biologiques sont classiquement composées d’une double couche de phospholipides qui interagissent les uns avec les autres via des liaisons non covalentes telles que les interactions de

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Van der Waals ou des interactions électrostatiques.13 Le rôle principal des membranes est de maintenir l’intégrité des cellules. Pour cela, les organismes adaptent la composition ainsi que la structure des lipides qui composent leur membrane. Les lipides doivent avoir une mobilité et une fluidité suffisante pour être à l’état de cristal liquide, état le plus propice au développement des microorganismes.7 Un des paramètres les plus importants est la température Tm, (transition midpoint) température à laquelle la membrane passe d’un état gel rigide à un cristal liquide. En dessous de Tm, les lipides s’alignent, ce qui rend la membrane imperméable. Au-dessus de Tm, les lipides, plus fluides, permettent de nombreux procédés biologiques tout en restant imperméables à certaines molécules (H2O, CO2).7

En fonction de leur composition (di- ou tétraéthers), les mélanges lipidiques des Archaea s’organisent sous la forme de mono- ou de bicouches lipidiques (figure 47). Les diéthers, comme les lipides des membranes bactériennes, forment des bicouches, les tétraéthers quant à eux forment des monocouches. En effet, ils possèdent déjà deux têtes polaires reliées par un macrocycle. Cela permet une incorporation transmembranaire des lipides au sein de la membrane. De la même manière que les bactéries, les Archaea adaptent la structure des lipides qui composent leur membrane en fonction des conditions extérieures (décrites plus en détail dans la partie suivante).14 La présence des tétraéthers est importante pour maintenir l’intégrité de la membrane, d’autant plus dans les milieux les plus extrêmes. Une étude a comparé la flexibilité des monocouches de tétraéthers aux bicouches des diéthers par simulation de la dynamique moléculaire (calcul de l’élasticité des membranes, de la perméabilité à l’eau, la trajectoire des lipides dans la membrane).15 Cela a confirmé l’importance des tétraéthers dans la stabilité des membranes. En effet, leur mobilité latérale et leur surface moléculaire sont inférieures à celles des diéthers. Les membranes composées de tétraéthers sont plus élastiques et moins perméables à l’eau, ce qui augmente leur stabilité comparées aux membranes composées d’une double couche de diéthers.

Des liposomes peuvent être formulés avec les archaéolipides, souvent en mélange avec des lipides plus communs (diesters de glycérol). Ces liposomes sont alors appelés archaeosomes (figure 47). Les archaeosomes sont très stables dans de nombreuses conditions (stress oxydatif, température élevée, pH acide ou basique, action d’enzyme).1

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Figure 47 : Organisation des archaéolipides sous la forme de bicouche lipidique pour les diéthers (A), monocouche lipidique pour les tétraéthers (B) et archaeosome (C)

b) Propriétés physico-chimiques

Les lipides d’Archaea présentent de nombreuses ramifications telles que des groupements méthyle ou des unités cyclopentane. La présence des méthyles est à l’origine de répulsions hydrophobes entre les différentes chaînes aliphatiques. Cette spécificité assure la fluidité de la membrane des Archaea. Les méthyles favorisent également une certaine conformation de la chaîne lipidique puisqu’ils réduisent le degré de mouvement de ces lipides. Cela limite la cristallisation ainsi que la perméabilité de la membrane.16,17 En effet, les interactions de Van der Waals entre les chaînes assurent un empilement de ces dernières qui diminue la perméabilité de la membrane aux ions et aux molécules solubles.18 Ces structures sont notamment retrouvées dans les membranes d’acidophiles qui se développent à des pH inférieurs à 2,5 et dont l’imperméabilité doit être maximale.14

Contrairement aux groupements méthyle, les cyclopentanes assurent la rigidité de la membrane des Archaea. Plus ils sont nombreux, plus la rigidité augmente par diminution de la mobilité des régions hydrophobes. Les cycles permettent également de former une couche lipidique plus dense puisque l’empilement des lipides est plus compact. Cela bloque la rotation des chaînes carbonées, ce qui diminue la flexibilité des molécules et augmente la rigidité et la stabilité membranaire.19,20 De plus,

C) A)

B) )

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les cycles à 5 chaînons sont suspectés d’augmenter la solubilité des lipides dans les phases aqueuses. En effet, ils permettent de former des arrangements lamellaires deux à deux via la superposition des cycles des chaînes entre deux couches monolipidiques, ce qui crée des connections de type tunnel. Ainsi la position du cycle le long de la chaîne lipidique module les interactions entre les tétraéthers des membranes et l’environnement aqueux de la cellule, mais également les interactions entre deux éthers.21 Les tétraéthers possédant des cyclopentanes sont notamment très utilisés par les Archaea pour survivre à des températures élevées.22 Plus la température de croissance de l’Archaea est élevée, plus le nombre de cycles augmente, atteignant un maximum de huit par molécule pour une température de croissance de 121 °C.12

Les Archaea peuvent aussi se développer dans des milieux extrêmement froids (psychrophiles). Pour cela, lorsque la température du milieu de culture est très basse (-20 °C à 10 °C), ces microorganismes produisent des membranes riches en lipides insaturés.23,24

La stabilité des archaéolipides est un atout pour les utiliser en tant que véhicule pour des nouveaux traitements ou même en tant qu’immunoadjuvants. Cependant, il ne faut pas qu’ils engendrent une réponse immunitaire ciblée contre eux. Pour le vérifier, plusieurs archaeosomes issus d’espèces différentes ont été injectés à des souris à une concentration de 2,5 mg/mL. Les résultats ne montrent aucune lyse des érythrocytes (globules rouges), ce qui prouve qu’ils peuvent être utilisés à des fins thérapeutiques. Patel et coll. ont tout de même observé une potentielle toxicité. Cependant, il faut atteindre des doses de 140 mg/kg pendant 5 jours, doses bien supérieures à celles administrées lors de tests biologiques (ordre du µg).4

3)Extraction des archaéolipides naturels

Du fait de leur structure particulière, à l’origine de leur stabilité chimique et enzymatique, l’intérêt pour les lipides d’Archaea ne cesse d’augmenter. Cependant, l’extraction des archaéolipides des microorganismes est compliquée.Les Archaea doivent être cultivées puis récupérées afin d’en retirer les lipides. L’une des méthodes d’extraction les plus utilisées est celle de Bligh-Dyer. 25,26 Les cellules d’Archaea sont placées après sonication dans un mélange DCM/MeOH/phase aqueuse, puis centrifugées, et le surnageant est transféré dans une ampoule à décanter afin de récupérer la phase organique. La phase aqueuse peut être un tampon phosphate (K2HPO4) ou acide (HCl). Une autre méthode, appelée extraction par solvant accélérée consiste à extraire les lipides d’une matrice, préparée à partir des microorganismes mélangés à du quartz. L’utilisation d’un solvant (DCM/MeOH 1:1) à 100 °C et sous pression permet l’extraction des produits d’intérêt.27 Le soxhlet peut également être utilisé pour extraire les lipides avec un mélange DCM/MeOH à 60 °C.28 Cependant, cette