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Chapitre 3 : Synthèses de disulfure de germanium à partir du thioacétamide en présence de

3.2 Synthèses avec les liquides ioniques

Le mode opératoire consiste à ajouter la quantité nécessaire de liquide ionique (LI) afin d’obtenir un rapport molaire de 1 : 2 : 0.5, pour les précurseurs de germanium, de soufre et les différents liquides ioniques. Le choix du rapport molaire 1 : 0.5 entre l’alcoxyde de germanium et les différents LI découle des travaux effectués sur la silice [1]. Les quantités de liquides ioniques indiquées dans le tableau 3.1, sont ajoutées dans la solution de 350 mg de thioacétamide dissous dans 8 mL d’acétonitrile. Un volume de 500 µL de tétraéthoxyde de germanium est ensuite ajouté. La solution est mise sous agitation pendant 1 h permettant d’obtenir un mélange limpide. La formation d’un précipité apparait après 24 h d’une étape de vieillissement fixée à 120 h à température ambiante. Le précipité est alors récupéré par centrifugation pendant 30 min, puis lavé deux fois sous agitation avec 15 mL d’éthanol avant d’être séché sous vide durant 24 h. Les solides obtenus ont été caractérisés par diverses techniques comme la spectroscopie Raman et la diffraction des rayons X pour déterminer leur nature. La résonnance magnétique nucléaire du proton permettra de vérifier si les liquides ioniques sont présents dans les différents matériaux synthétisés. Les analyses élémentaires et thermogravimétriques ont été également effectuées afin de préciser la composition chimique des solides obtenus. Pour terminer, les analyses morphologiques et texturales ont également été réalisées afin d’observer l’influence de la nature du liquide ionique sur la morphologie et la surface spécifique des divers matériaux synthétisés.

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3.3 Nature des matériaux obtenus

Des analyses par spectroscopie Raman sont réalisées pour obtenir des informations sur la nature des composés obtenus. La région de fréquences étudiée est celle caractéristique des liaisons Ge-S de 75 à 550 cm-1 visible sur la figure 3.1. L’ensemble des spectres Raman des solides obtenus avec et sans ajout de liquide ionique sont présentés sur cette figure. Les données montrent qu’avec l’ensemble des liquides ioniques utilisés durant la synthèse, les spectres des poudres synthétisées sont comparables à celui du disulfure de germanium obtenu sans ajout de structurant. Comme pour le matériau synthétisé sans ajout de structurant, on observe une bonne résolution des spectres quel que soit le liquide ionique ajouté. Cette résolution est visible aussi bien au niveau des bandes principales de vibration de 345 à 380 cm-1 que de celles de déformation de 100 à 225 cm-1. Deux points qui dépendent du LI utilisé doivent être soulignés : la bande de vibration qui apparaît aux environs de 345 cm-1 est plus ou moins intense et se réduit parfois à un simple épaulement ; la bande relativement large vers 475 cm-1 se déplace en fréquence.

550 500 450 400 350 300 250 200 150 100 b) d) e) c) a) Nombre d'onde (cm-1 )

Figure 3.1 : Spectres Raman des matériaux obtenus avec a) [bmim][Cl], b) [bmim][NTf2], c) [(mim)-C5-(Me3N)]2[Cl], d) [Thia][NTf2] et e) sans ajout de liquide ionique [BMIm] [NTf ] [BMIm] [NTf2]

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A ce stade les premières observations vont dans le sens de l’obtention de matériaux ayant une organisation comparable à celle de l’échantillon obtenu sans l’ajout de liquide ionique. Pour aller plus loin dans la caractérisation par spectroscopie Raman, nous avons choisi de nous intéresser plus précisément au solide synthétisé avec comme liquide ionique le bis-trifluorométhanesulfonylimide de 1-butyl-3-méthylimidazolium [bmim][NTf2] comme liquide ionique. Sur la figure 3.2, le spectre Raman du solide synthétisé (spectre b) est comparé à ceux du disulfure de germanium cristallisé (spectre c) et amorphe (spectre a), préparés par les voies classiques de la chimie du solide [2][3] . Le spectre du solide obtenu est beaucoup mieux résolu que celui du disulfure de germanium amorphe. L’ensemble des bandes de vibrations des liaisons Ge-S de 345 à 445 cm-1 relativement fines sont observées à des positions proches de celles du GeS2 cristallisé. Toutefois, des différences sont visibles dans la région des vibrations de déformation de 100 à 225 cm-1. Ces bandes possèdent une bien meilleure résolution que celles du spectre du germanium amorphe, mais moindres que celles du disulfure de germanium cristallisé. Le matériau synthétisé serait ici aussi organisé comme un intermédiaire entre les disulfures de germanium amorphe et cristallisé. Ces observations semblent confirmer la formation d’un matériau hybride.

Figure 3.2 : Spectres Raman du a) GeS2 vitreux, b) matériau obtenu avec [bmim][NTf2] et c) du GeS2 cristallin

550 500 450 400 350 300 250 200 150 100

c) b) a)

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Par ailleurs, deux bandes sont visibles sur le spectre du matériau obtenu avec [bmim][NTf2], l’une large aux environ de 475 cm-1, dans le domaine des vibrations de valence, l’autre plus fine vers 210 cm-1 dans le domaine des vibrations de déformation des tétraèdres GeS4 . Lors des synthèses avec le thioacétamide comme agent sulfurant mais sans liquide ionique, nous avions conclu à une nano organisation du solide obtenu de « type GeS2 ». Or la présence de clusters de type adamantane Ge4S104- a été proposée, en particulier par les équipes de Kanatzidis et Froba lors de synthèse de sulfure de germanium par voies liquides en présence de structurants. Les protocoles de synthèses utilisés ne sont pas identiques aux nôtres. Kanatzidis et al. [4,5] utilisent comme précurseur de germanium des sels de type adamantane pré-synthétisés, par exemple Na4Ge4S10 ou K4Ge4S10, mis en solution avec des agents structurants ou des surfactants comme des sels de platine ou des ammoniums quaternaires. La voie choisie par Fröba et al [6,7,8] inclut une réaction entre les éléments germanium et soufre en présence de surfactant type bromure de cetylitriméthylammonium (C19H42BrN) et gemini C16H33-N(CH3)2-C6H12-N(CH3)2 -C16H33, dans des conditions hydrothermales.

550 500 450 400 350 300 250 200 150 100

c) b)

Nombre d'onde (cm-1) a)

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Sur la figure 3.3, le spectre Raman (spectre c) de GeS2-[bmim][NTf2] préparé selon nos conditions de synthèse est comparé au spectre Raman de Na4Ge4S10 [9] cristallisé (spectre a), préparé par réaction dans l’état solide et au spectre de ce même Na4Ge4S10 cristallisé mis en solution dans l’eau (spectre b), correspondant au spectre de l’anion Ge4S104-. Les spectres aussi bien de Na4Ge4S10 que celui de Na4Ge4S10 mis en solution dans l’eau présente une bande localisée à 466 cm-1, signature des cages type adamantane Ge4S104-[2,3,4,5,6,7] . Un tel mode n’apparait pas sur le spectre Raman du solide préparé avec le liquide ionique. A la place, on observe deux modes relativement intenses à 428 et 489 cm-1. Sur la base de ces données et en raison du nombre de modes différents et de leurs fréquences comparées à celles de la signature des cages adamantane (cluster de type adamantanoïde), il serait hautement spéculatif d’imaginer dans notre cas ce type d’organisation. Nous pensons plutôt à une nano organisation de type GeS2. Cette vision de la nanostructure du matériau GeS2-LI sera confortée par la suite avec les résultats des études en température. Quand la synthèse est réalisée à 50°C, le composé obtenu présente un spectre Raman en tout point comparable à celui de GeS2 amorphe ou vitreux. Nous pensons que la bande située à 485 cm-1 est la signature des liaisons Ge-S non pontante, correspondant des liaisons Ge-S- [10] qui seraient en interaction avec la partie cationique du LI. Le fait qu’elle se déplace légèrement en fréquence selon le type de cation et qu’elle vibre à la même fréquence lorsque le cation est identique ([bmim]) mais avec deux anions différents ([NTf2] et [Cl]) renforce cette hypothèse. Dans les verres GeS2+x une bande pointant dans la même région de fréquence (480 cm-1) est caractéristique des vibrations S-S [11], vibrations que l’on retrouve aussi dans les clusters S8. Il est difficile ici de retenir cette interprétation, à savoir la présence de ce type de liaison, tandis qu’elles sont inexistantes aussi bien sur ceux du disulfure de germanium amorphe et cristallisé.

Ensuite nous nous sommes intéressés à la région des hauts nombres d’ondes, au niveau des fréquences des vibrations des liaisons organiques de 700 à 3250 cm-1. Le spectre du matériau obtenu avec [bmim][NTf2] (spectre b) est comparé à celui du liquide ionique pur (spectre a) sur la figure 3.4. Les bandes de la partie anionique du liquide ionique pur, visibles à 745 cm-1 et à 1135 cm-1 et attribuées respectivement à la torsion et l’élongation symétrique des liaisons C-F, ont considérablement diminuées dans le matériaux synthétisé avec [bmim][NTf2].

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Celle à 1250 cm-1 correspondant à l’élongation symétrique des liaisons S-O a totalement disparue [12]. Ce qui nous permet de conclure à l’élimination de l’anion [NTf2]. Par contre, les bandes appartenant à la partie cationique se retrouvent de façon quasi-identique dans les spectres du matériau obtenu avec [bmim][NTf2] et du liquide ionique pur. Les bandes d’élongation symétrique et antisymétrique des liaisons C-H du cycle imidazolium de 3179 à 3110 cm-1, ainsi que celles des vibrations des liaisons C=C et N-C-N de ce cycle à 1570 cm-1, se retrouvent dans les deux spectres. De même, les bandes les plus intenses de la chaine alkyle attribuées aux bandes de vibrations et déformations des liaisons C-H de 2875 à 2945 cm-1 et de 1015 à 1400 cm-1, sont observées dans le matériau obtenu avec l’ajout du liquide ionique [13][14]. Contrairement à l’anion, la partie cationique est donc encore présente dans matériau synthétisé.

De façon similaire, l’étude du matériau synthétisé avec le thiazolium a abouti à la même conclusion. Les mêmes expériences ne peuvent pas être effectuées avec les deux matériaux contenant les autres liquides ioniques qui contiennent l’anion chlorure, car cet anion ne présente aucune signature en spectroscopie Raman.

3250 3000 2750 2500 2250 2000 1750 1500 1250 1000 750 ¨ ¨ ¨ ¨ b) a) Nombre d'onde (cm-1) NTf2

Figure 3.4 : Spectres Raman à haut nombre d’onde du a) [bmim][NTf2] pur et b) matériau obtenu avec [bmim][NTf2]

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A ce stade, une première conclusion peut être déduite, les synthèses mettant en œuvre un LI comme agent structurant conduisent à la précipitation d’un composé hybride nano organisé de formule générale « [GeS2-cation du LI] ». Bien que la spectroscopie Raman laisse entrevoir un certain degré d’organisation, la diffraction des rayons X (figure 3.5) montre qu’il ne s’agit pas d’une organisation à longue distance. En effet, les diagrammes obtenus ne présentent pas de pics de diffraction fins et biens définis qui en seraient la signature. Les diagrammes sont tous, quel que soit le LI utilisé pour la synthèse, caractéristiques d'une phase amorphe ou d’une phase comprenant des nanoparticules, dont la signature serait les grands halos de diffraction observés en 2q = 10-12 °, 28-30 °, 52 °. Si on compare à présent les premiers halos de diffraction des hybrides situés vers 10-12° en 2q avec celui du GeS2-v centré quant à lui aux environs de 15° toujours en 2q, on constate un net déplacement vers les faibles q, i e vers des distances inter-réticulaires plus grandes qui pourraient être la signature de l’intercalation des cations des LI dans les espaces interfoliaires de la structure « type GeS2 » de l’hybride formé. Nous y reviendrons

plus en détail

dans le chapitre

5.

Figure 3.5 : Diffractogrammes des matériaux obtenus avec a) [bmim][Cl], b) [bmim][NTf2], c)[(mim)-C5-(Me3N)]2[Cl], d) [Thia][NTf2], e) sans liquide ionique et f) GeS2-v

10 20 30 40 50 60

f)

e)

d)

c)

b)

a)

° (2q)

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