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Chapitre 4 : Synthèses de disulfure de germanium à partir de sulfure dihydrogène en

4.4 Synthèse de ionogels de chalogénures

Comme la plupart des liquides ioniques sont insolubles dans le toluène, nous avons exploré une nouvelle voie de synthèse sans solvant. Cette voie a été largement utilisée dans le cas des oxydes pour préparer les ionogels [6,7]. Il s’agit alors d’utiliser le liquide ionique à la fois comme solvant et comme structurant. Cette nouvelle voie de synthèse, inédite dans le domaine des chalcogénures et qui pouvait conduire à l’obtention de chalco-ionogel a été mise en œuvre en utilisant [bmim][NTf2] et [Thia][NTf2] comme liquides ioniques. Ce choix nous permettait d’avoir les moyens d’analyser le rôle de la seule partie cationique du structurant sur la nature ou la morphologie du matériau obtenu.

La synthèse est réalisée à température ambiante et sous atmosphère contrôlée. Une solution composée de 1 mL de tétraéthoxyde de germanium est dissoute sous agitation dans 1.4 mL de [bmim][NTf2] ou de [Thia][NTf2], dans un pilulier préservé de tout contact avec l’extérieur. Comme précédemment, le bullage de disulfure de dihydrogène est effectué durant 1 h. Un gel blanc, visible sur la figure 4.10, est obtenu au bout de ce temps de bullage. On laisse reposer ce gel durant 24 h avant de le laver sous ultrasons, 3 h en continu avec 15 mL d’éthanol. Ce lavage énergique détruit la texture du gel. On récupère alors le solide par centrifugation. Pour terminer un séchage sous vide durant 24 h permet l’obtention d’une poudre de type xérogel. Nous continuerons par la suite, par commodité, d’appeler cette poudre « ionogel ». La synthèse mise en place est basée sur le mécanisme suivant :

Ge(OC

2

H

5

)

4

+ H

2

S gel GeS

2

+ 4 C

2

H

5

OH

LI

*

*

[bmim][NTf

2

]; [Thia][NTf

2

]

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4.4.1 Nature des matériaux obtenus

Les analyses par spectroscopie Raman montrent que les spectres des « chalco-ionogels » réalisés avec [bmim][NTf2] (figure 4.11 spectre a) et [Thia][NTf2] (Figure 4.11 spectre b) après lavages, sont similaires à celui du disulfure de germanium obtenu dans le toluène sans ajout de structurant ionique (figure 4.11 spectre c). Les bandes de valence (345 à 420 cm-1) et de déformation (60 à 200 cm -1

) sont observables avec des positions de pics et des intensités relatives comparables. De plus, la bande de vibration des liaisons Ge-S- à 475 cm-1 est visible sur les spectres « ionogels » chalcogénures, tandis qu’elle est inexistante sur celui du disulfure de germanium amorphe obtenu sans structurant.

Sur la figure 4.12 et 4.13 sont représentées les régions des spectres Raman correspondant aux vibrations des liaisons organiques (650 à 3250 cm-1). Sur le spectre Raman du « ionogel » obtenu à partir de [bmim][NTf2] présenté sur la figure 4.12 (spectre b), nous constatons que les bandes de la partie anionique du liquide ionique pur (spectre a), visibles à 745 cm-1 et à 1135 cm-1 et attribuées respectivement à la torsion et l’élongation symétrique des liaisons C-F, ont considérablement diminuées.

Figure 4.11 : Spectres Raman du matériau synthétisé avec a) [bmim][NTf2], b) [Thia][NTf2] et c) sans ajout de structurant

550 500 450 400 350 300 250 200 150 100

a) b) c)

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Celle à 1250 cm-1 correspondant à l’élongation symétrique des liaisons S-O est totalement absente [8]. Comme le cation [bmim] possède aussi des bandes de vibrations au voisinage de 750 et 1140 cm-1, on peut penser que ce sont ces bandes plutôt que celles de NTf2 que l’on observe sur le spectre a. Cette remarque est d’ailleurs supportée par le fait que toutes les autres bandes de vibrations correspondant à la partie cationique du liquide ionique se retrouvent sur le spectre du matériau synthétisé : les bandes d’élongation symétrique et antisymétrique des liaisons C-H du cycle apparaissent bien à 3179 et 3110 cm-1, ainsi que celles correspondant aux vibrations des liaisons C=C et N-C-N du cycle à 1570 cm-1. De même, les bandes les plus intenses de la chaine alkyle attribuées aux bandes de valence et de déformation des liaisons C-H apparaissent de 2875 à 2945 cm-1 et de 1015 à 1400 cm-1 [9][10]. La partie cationique est donc encore présente alors que l’anion a disparu.

Le liquide ionique pur [thia][NTf2] étant le siège d’une forte fluorescence, son spectre Raman est inexploitable. La comparaison du spectre Raman du LI pur avec celui du « ionogel » sera dans ce cas impossible. Toutefois, le spectre du gel obtenu avec [thia][NTf2] est comparé (figure 4.13 spectre b) à celui obtenu avec [bmim][NTf2] (figure 4.13 spectre a). Les deux liquides ioniques ont en effet la même partie

Figure 4.12 : Spectres Raman de a) [bmim][NTf2] et b) du ionogel obtenu avec [bmim][NTf2] 3250 3000 2750 2500 2250 2000 1750 1500 1250 1000 750 b) a) Nombre d'onde (cm-1) ¨ ¨ ¨ ¨NTf 2

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anionique et une partie cationique différente mais présentant quand même des similitudes. La remarque la plus importante est la constatation que les bandes de la partie anionique à 745 cm-1, 1135 cm-1 et 1250 cm-1 ont totalement disparu dans le spectre Raman du gel obtenu avec [thia][NTf2]. La partie cationique qui s’apparente à celle du matériau préparé avec [bmim][NTf2] reste très présente. On observe quelques différences entre les spectres qui peuvent s’expliquer par la présence de cations différents. Ainsi on note l’apparition de la bande de déformation d’une liaison C-S aromatique, à 950 cm-1. On note aussi, la disparition d’une bande de déformation d’une liaison N-CH3 à 1015 cm-1.

La bande située vers 2520 cm-1, d’intensité non négligeable, pourrait correspondre ici aussi, à des liaisons hydrogènes S- -H. Ce type de liaison faible entre le soufre et l’hydrogène est bien répertorié dans la littérature dans cette région de fréquences. Par exemple dans la base de données « Raman Data and Analysis » [11], v(S-H) est située entre 2550 et 2600 cm-1. Des considérations plus générales

conduisent à proposer ce domaine de fréquences pour ce type de liaison hydrogène. Si on classe les liaisons hydrogènes en fonction des masses atomiques des éléments de la colonne IV, la plus connue, la liaison O- -H est caractérisée par un large domaine de fréquences situé vers 3100 cm-1, la liaison Se- -H se situe à 2100 cm-1 [12]. Le soufre de masse atomique 32 intermédiaire entre l’oxygène (M = 16) et le sélénium (M = 79) doit donner naissance à une liaison hydrogène S- -H dont le domaine de vibrations se situera entre ces deux extrêmes. C’est bien ce que nous constatons.

L’ensemble des observations faites sur les « chalco-ionogels » confirment la formation d’un matériau hybride avec une interaction entre la partie cationique du liquide ionique et la matrice de disulfure de germanium amorphe.

En accord avec la spectroscopie Raman, la diffraction des rayons X confirme que le solide obtenu est mal organisé. Le diagramme de diffraction des rayons X, non représenté ici, est caractéristique d'une phase amorphe ou d’une phase constituée de nanoparticules, dont la signature serait de grands halos de diffraction observés comme précédemment à 2q = 10-12 °, 28-30 °, 52 °.

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4.4.2 Etude morphologique et texturale

Les clichés des « chalco-ionogels » obtenus par microscopie électronique à balayage montrent une organisation différente de celle des matériaux obtenus sans structurant (figure 4.14).

Les solides synthétisés avec les deux liquides ioniques [bmim][NTf2] (cliché a) et [Thia][NTf2] (cliché b), sont constitués essentiellement de sphères de taille micrométrique comportant des zones apparemment poreuses réparties de façon hétérogène et de particules beaucoup plus fines qui pourraient résulter d’une désagrégation lors du lavage par ultrason.

a)

a)

1.2 µm

b)

a)

b)

a)

1.2 µm

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L’analyse par adsorption-désorption d’azote donne des valeurs de surface spécifique de 15 m2.g-1 pour les « ionogels » chalcogénures. Ces valeurs sont comparables à celles des matériaux synthétisés avec ces mêmes liquides ioniques en présence du thioacétamide comme agent sulfurant dans l’acétonitrile. Ces résultats confirment que les zones de porosité visibles par microscopie ne sont présentes qu’en très faible proportion et de façon hétérogène au sein des « ionogels ».

b)

600 nm 600 nm

a)

Figure 4.14 : Clichés de microscopie électronique à balayage du matériau synthétisé avec a) [bmim][NTf2] et b) [Thia][NTf2]

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4.4.3 Analyse élémentaire

Les résultats de l’analyse élémentaire rassemblés dans le tableau 4.4, montrent que la somme des pourcentages absolus massiques en carbone, hydrogène et azote contenus dans les deux matériaux sont faibles. Ces sommes correspondent à une perte d’environ 5% massique que le gel soit formé avec [bmim][NTf2] ou de [Thia][NTf2]. Sur la base des données Raman, il est clair que ces groupements organiques correspondent à la partie cationique du liquide ionique. La formule molaire des matériaux hybrides préparés peut alors être calculée. Ces matériaux contiennent environ 5 % molaire de groupements organiques quel que soit le liquide ionique mis en œuvre.

Les synthèses précédentes réalisées en utilisant une mise en solution du précurseur de germanium (TEOG) dans différents solvants et en utilisant les deux agents sulfurants, sulfure de dihydrogène et thioacétamide, en présence de liquides ioniques, conduisaient à un matériau hybride de formule « 0.8GeS2 - 0.2 cation du LI ». Ici, l’hybride formé contient beaucoup moins d’unités cationiques, environ 5% en fraction molaire. Nous n’avons pas d’explication à proposer pour expliquer ce changement. Peut-être est-il dû à la viscosité très différente des deux milieux de synthèse ?

Liquide

Ionique

Pourcentages

massiques absolus

(%) Formules molaires des hybrides

C H N

[bmim][NTf

2

] 3.3 0.6 1.1 0.95 GeS

2

– 0.05 bmim

[thia][NTf

2

] 3.4 0.7 0.9 0.95 GeS

2

– 0.05 thia

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4.5 Conclusion

Dans ce chapitre plusieurs voies de synthèse du disulfure de germanium ont été explorées. La première met en œuvre un nouveau liquide ionique, le bromure de dioctylimidazolium, choisi pour sa capacité à former des micelles. Elle conduit à l’obtention de nanoparticules (taille comprise entre 20 et 40 nm) d’un hybride « GeS2 - cation dioctylimidazolium ». On note contrairement aux liquides ioniques précédents qui ne formaient pas de micelle, une légère amélioration de la surface spécifique inter-granulaire. Par contre nous n’avons pas obtenu, comme nous l’espérions, un matériau poreux.

La deuxième voie de synthèse utilise un structurant non ionique, l’hexadecylamine, qui a la capacité, lui aussi, de former des micelles dans des conditions de concentration et de pH appropriées. Cette synthèse conduit à l’obtention d’un matériau hybride nanométrique (taille des grains environ 15 nm) de formule brute « GeS2 - HDA » qui possède non seulement une surface spécifique intéressante (130 m2.g-1, transformé en équivalent silice 320 m2.g-1) mais surtout une porosité intra-granulaire. Ce résultat ouvre des perspectives intéressantes en vue de l’obtention de « GeS2 » poreux en jouant à la fois sur la nature des solvants de lavage, la température de synthèse et/ou le traitement thermique.

Enfin la troisième voie de synthèse n’utilise pas de solvant, le liquide ionique joue à la fois le rôle de solvant et d’agent structurant. Elle a permis pour la première fois d’obtenir un « chalco-ionogel ». Même si dans cette étude, très préliminaire, la texture du gel n’a pas été conservée lors de lavage classique, elle ouvre elle aussi des perspectives intéressantes en vue de l’obtention de « GeS2 » poreux, en jouant par exemple sur une extraction des matières organiques en milieu supercritique

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Références bibliographiques

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[10] F. Shi, Y. Deng, Spectrochim. Acta, Part A, 62, 239, 2005 [11] Horiba Jobin Yvon-Raman applications

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Chapitre 5 : Mise en œuvre d’un