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Chapitre 3 : Réalisation de Réseaux Interpénétrés de Polymères

I- 1.1. Synthèses et propriétés mécaniques et thermiques

Deux principales méthodes permettent la dispersion de charges de taille, le plus souvent, nanométrique, dans une matrice polymère.

La méthode dite de grafting from pour laquelle l’amorceur de polymérisation est greffé à la surface des charges. La polymérisation est alors amorcée à partir de la surface des nanoparticules. La polymérisation radicalaire contrôlée, de type RAFT ou ATRP est alors

généralement utilisée afin d’obtenir des chaînes de longueurs équivalentes en surface10, 11.

Ainsi, un amorceur original a été préparé par hydrosilylation d’un amorceur ATRP avec le diméthyléthoxysilane. Ce dernier a ensuite été greffé à la surface de nanoparticules de silice, d’une taille comprise entre 75 et 300 nm, formant alors un macro-amorceur. La polymérisation contrôlée du styrène et du MMA a alors été étudiée et des mesures en GPC ont montré que l’indice de polymolécularité (PDI) est proche de 1 sous différentes conditions.

La seconde méthode de grafting through permet d’intégrer les nanoparticules au sein du réseau de polymère grâce à la présence de fonctions polymérisables à leur surface. Les charges sont alors réparties de manière aléatoire. La matrice polymère est donc formée simultanément à l’intégration des nanoparticules au sein de cette dernière. L’équipe de

T. Otsuka12 a ainsi fonctionnalisé des nanoparticules d’oxyde de zirconium, d’environ 5 nm

de diamètre afin de conserver la transparence du matériau, avec du 3-(méthacryloxy)propyl-triméthoxysilane (MPTS) (Figure 95).

Figure 95 : Schéma de la fonctionnalisation de nanoparticules de zirconium par le MPTS12

Cette fonctionnalisation permet d’obtenir des fonctions méthacrylate en surface des nanoparticules. Ces dernières peuvent ensuite être dispersées de manière homogène dans une solution de monomères. Les fonctions en surface des nanoparticules copolymérisent alors avec celle du monomère. Ainsi, un PMMA contenant jusqu’à 39 wt% de nanoparticules reste transparent et est plus résistant thermiquement que le PMMA non chargé.

Figure 96 : TGA de (a) PMMA, (b) PMMA/MPTS_ZrO2 (61/39) et un mélange de PMMA contenant (c) ZrO2 et (d)

MPTS-ZrO2 (7/1)

En effet, l’analyse thermogravimétrique (TGA) montre une augmentation de la température de dégradation du PMMA pur de 200 (Figure 96-a) à 280 °C lorsque 39 wt% de nanoparticules de zirconium fonctionnalisées sont introduites (Figure 96-b). Des résultats similaires sont obtenus lorsque 14% de nanoparticules fonctionnalisées (Figure 96-d) ou non (Figure 96-c), sont simplement mélangées au PMMA. Il semble donc que la fonctionnalisation des nanoparticules permette de réduire leur proportion à introduire pour modifier une propriété.

S. M. Khaled13 et al ont introduit des nanofibres et nanoparticules de TiO2, préalablement modifiées par de l’acide méthacrylique, dans une matrice de PMMA (Figure 97).

Figure 97 : Schéma de la fonctionnalisation de nanofibres d’oxyde de titane par l’acide méthacrylique, puis formation du

matériau hybride TiO2-PMMA

La Tg du matériau hybride augmente de 106 à 122 °C avec l’augmentation de la quantité massique de nanofibres de 0 à 17% (Tableau 9). De même, le module élastique augmente de 5 à environ 7,5 GPa lorsque la quantité de nanofibres augmente de 0 à 15 wt%. Cette

augmentation est plus faible lorsque les fibres de TiO2 sont remplacées par des

nanoparticules (Figure 98). Lorsque les charges ne sont pas fonctionnalisées, les valeurs de module de Young sont également plus faibles et les valeurs de Tg n’évoluent pas logiquement. Cela tend à prouver l’importance de la fonctionnalisation des charges inorganiques pour leur intégration au sein du matériau polymère.

Tableau 9 : Tg du matériau hybride TiO2-PMMA en fonction de la proportion massique de TiO2 introduite

Tg (°C)

n-TiO2 wt% Fonctionnalisé Non Fonctionnalisé

0 106 106

3,5 118 90

12,5 120 106

Figure 98 : Evolution du module de Young du matériau hybride TiO2-PMMA en fonction de la nature et du taux des charges d’oxyde de titane () nanofibres fonctionnalisées ; () nanofibres non fonctionnalisées ; () nanosphères

fonctionnalisées et () nanosphères non fonctionnalisées

Tout comme les oxydes de zirconium et de titane, des oxydes de silicium sont

souvent utilisés. A titre d’exemple, Liu et al14 ont dispersé de grandes quantités de

nanoparticules de silice de 10-20 nm de diamètre dans une matrice de PMMA. Afin d’assurer la compatibilité des charges avec la matrice, la surface des nanoparticules a été préalablement modifiée par l’éther d'allyle et glycidyle (AGE) (Figure 99).

Figure 99 : Schéma de la fonctionnalisation des nanoparticules de Silice par l’AGE

La synthèse des matériaux a été réalisée en introduisant entre 43 et 76% en masse de silice fonctionnalisée dans du MMA. Un mélange homogène est obtenu en ajoutant du THF. Le POB est utilisé afin d’amorcer la polymérisation. La dispersion des particules a été vérifiée par Microscopie Electronique à Balayage (MEB) et par Energie Dispersive de rayons X (EDX) sur un matériau PMMA contenant 50% en masse de silice fonctionnalisée (Figure 100).

Figure 100 : Image MEB (gauche) et EDX (droite) du matériau PMMA contenant 50% massique de silice fonctionnalisée AGE

Malgré l’importante quantité de silice introduite dans la matrice de PMMA, la dispersion des nanoparticules est homogène. Aucune agrégation n’est observée. De plus, sur tous les échantillons préparés, les duretés de surface, mesurées par un test de dureté au crayon, ont révélé des valeurs supérieures à 9H. En comparaison, le PMMA classique possède une

dureté de 5H15

De la même manière, P.S. Chinthamanipeta et al16 ont fonctionnalisé des

nanoparticules de silice de 20 nm de diamètre avec du 3-méthacryloxypropyl

diméthylchlorosilane. La densité de greffage de l’organosilane (µmol.m-²) est déterminée par

TGA. Le taux de greffage du 3-méthacryloxypropyl diméthylchlorosilane sur les nanoparticules de silice conduit à 1,1 méthacrylate/nm².

Ces nanoparticules fonctionnalisées sont ensuite dispersées dans le MMA en présence de THF. La synthèse du PMMA, en présence des nanoparticules, se fait par polymérisation radicalaire contrôlée (RAFT) du MMA, amorcée par l’AIBN, sous azote à 60 °C pendant 15 h. Trois matériaux PMMA contenant 10, 17 et 23% en masse de silice ont été préparés. La dispersion des nanoparticules au sein du PMMA a été vérifiée par Microscopie Electronique à Transmission (MET).

La dispersion des nanoparticules dans le PMMA est correcte puisqu’aucune agrégation n’est observée. En effet, la taille des nanoparticules se situe entre 15 et 30 nm alors que leur taille initiale est de 20 nm.

Les mesures TGA ne montrent aucune perte de masse des matériaux avant 280 °C, signe d’une polymérisation complète et homogène (pas de petites chaînes susceptibles d’être dégradées à plus basse en température).

L’influence de l’ajout des nanoparticules sur les propriétés thermomécaniques dans la matrice de PMMA ont été étudiées par DMTA (Figure 102).

Figure 102 : Analyse DMA des matériaux hybrides PMMA-silice contenant différentes proportions de silice

La température de relaxation mécanique T (maximum du pic de tan δ) augmente d’environ 10 °C avec l’augmentation de la proportion de nanoparticules de silice introduite. Ce décalage est accompagné d’une légère augmentation des modules de conservation et de perte au-delà de la T (plateau caoutchoutique) lorsque la quantité de silice introduite augmente. Ces résultats indiquent donc que le PMMA semble être réticulé par les nanoparticules de silice dans ces conditions.

Canché-Escamillia et al17 ont également étudié l’effet de l’ajout de nanoparticules de

type cœur-écorce composées de silice et de PMMA dans une résine de bis glycidyl diméthacrylate (bis-GMA), réticulée par le triéthylène glycol diméthacrylate, pour la fabrication d’un matériau dentaire. Ces nanoparticules ont été réalisées en émulsion, le MMA étant polymérisé puis précipité en surface des nanoparticules. Leur taille est comprise entre 75 et 85 nm pour, respectivement, 22 et 43% de PMMA en masse par rapport à la silice. Les résines synthétisées en présence de nanoparticules de silice modifiées, ou non, avec une écorce de PMMA ont été analysées en TGA et en DMA (Figure 103).

Figure 103 : (A) Thermogramme et (B) tan δ des matériaux hybrides contenant 40% de nanoparticules de (a) silice, (b) silice- écorce PMMA hybrides (78/22) et (c) silice- écorce PMMA hybride (57/43)

La température de dégradation diminue lorsque l’écorce PMMA des nanoparticules de silice augmente. Cela est expliqué par la formation d’un réseau semi-interpénétré de polymère entre la matrice hôte (bis-GMA) et le PMMA entourant la nanoparticule de silice. Les enchevêtrements physiques entre les deux polymères entraîneraient une diminution de stabilité thermique des matériaux.

Les matériaux présentent un large pic de tan δ, synonyme d’une réticulation non homogène du réseau de bis-GMA. Le pic est plus large et la valeur de Tα plus faible lorsque la résine contient des nanoparticules avec une écorce de PMMA.

En conclusion, les matériaux hybrides à base de PMMA obtenus présentent tous une dispersion homogène des charges préalablement modifiées au sein de la matrice hôte. La présence de ces charges entraîne une modification des propriétés, aussi bien mécaniques (Tan δ, Tα, module de Young…) que thermique (augmentation de la température de dégradation) des matrices organiques. En revanche, l’utilisation de nanoparticules de type cœur-écorce, entraîne plutôt une dégradation de ces propriétés. Il semble donc que la synthèse de matériaux hybride de classe II, c’est-à-dire dans lesquelles des liaisons fortes entre les composés associés, soit la voie à privilégier.