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2. Du Benzothiadiazole au Pyridinothiadiazole (PTD)

2.1. Synthèse du PT²PTD-TT

La synthèse du PT²PTD-TT commence par la préparation du motif électro-attracteur PTD lui-même (schéma 4). Ce dernier est obtenu selon la procédure décrite dans la littérature. Une première étape consiste à dibromer le 3,4-diaminopyridine (1) commercial en position α des amines. Cette réaction est menée par ajout progressif de dibrome (Br2) dans une solution de 3,4-diaminopyridine dans l’acide bromhydrique (HBr).120

Schéma 4 : synthèse du dibromo PTD.

Après purification, le composé dibromé (2) est mis en jeu dans une réaction de cyclisation avec du chlorure de thionyle (SOCl2) en présence de pyridine. Le contrôle de la température de réaction est crucial à cette étape. En effet, l’ajout du SOCl2 doit se faire à une température proche de 0°C. La présence de l’hétéroatome d’azote sur la pyridine augmente la réactivité de la position 4 du PTD, puisque l’azote dans le motif pyridine a un effet ortho- et para-orienteur. La plus grande réactivité de cette position rend possible une substitution du brome par du chlore lors de l’ajout du SOCl2 (schéma 4). Cette modification n’est pas problématique dans notre cas car, même si la réactivité du chlore est inférieure à celle du brome, cela n’empêche pas la réalisation du couplage croisé symétrique, mais diminue seulement un peu les rendements de réaction. Une

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autre substitution possible et plus problématique du brome peut avoir lieu lors de la recristallisation dans le méthanol (MeOH) du dibromo PTD (3). En effet une recristallisation à chaud peut entraîiner une substitution du brome par une fonction méthoxy (MeO) du méthanol. C’est pourquoi il est nécessaire d’apporter une attention particulière à la température de la solution lors de la solubilisation du matériau à purifier.

Schéma 5 : substitution du brome par le chlore ou une fonction méthoxy dans le PTD.

Le dibromo PTD (3) ainsi obtenu, est purifié, puis utilisé dans la synthèse du trimère thiophène-pyridinothiadiazole-thiophène PTD(TEH)2 (schéma 6). La formation du trimère nécessite la synthèse préalable du (4-(2-éthylhexyl)thiophène-2-yl)triméthylstannane. Ce dernier est obtenu suivant la réaction du schéma 6.

Schéma 6 : synthèse (4-(2-éthylhexyl)thiophène-2-yl)triméthylstannane.

La première étape réside dans la préparation du 3-(2-éthylhexyl)thiophène (5). Elle consiste à greffer une chaîne alkyle sur un 3-bromothiophène commercial par un couplage croisé de type Kumada. Nous avons tout d'abord synthétisé le réactif de Grignard du 1-bromo-2-éthylhéxyl que nous avons transféré par la suite dans une solution de THF contenant le dérivé 3-bromothiophène (4) en présence de catalyseur au nickel. Le produit obtenu a été purifié par distillation sous vide avec un rendement de 45%. Ce dernier a été ensuite utilisé dans une réaction de stannilation afin de synthétiser le dérivé (4-(2-éthylhexyl)thiophène-2-yl)triméthylstannane (6). Afin d’activer sélectivement la position 2 du thiophène, il est nécessaire d’utiliser un dérivé lithié (un complexe de diisopropylamidure de lithium LDA) plus encombré et moins nucléophile que le n-butyllithium (n-BuLi). Ainsi, une déprotonation sélective de la position 2 permet d’obtenir le carbanion qui va pouvoir réagir avec le chlorure d'étain pour former le composé (6). Malgré une plus grande toxicité des dérivés stannilés et une purification sur colonne chromatographique quasi impossible, le choix

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de leur utilisation est justifié par une plus grande réactivité de ces composés dans les couplages catalysés au palladium.

Schéma 7: synthèse du trimère PTD(TEH).

Les composés (3) et (6) ainsi préparés sont mis en réaction dans un couplage croisé de Stille (schéma 7) pour former le trimère (7). Le couple catalyseur/ligand utilisé ici (tris(dibenzylideneacétone)dipalladium (0) Pd2(dba)3 et (tri(o-tolyl)posphine (P-(o-tolyl)3)) est particulièrement efficace pour les couplages de Stille.121 La sensibilité à l’oxygène du catalyseur nécessite néanmoins une atmosphère inerte et un dégazage maximal du solvant de réaction par de l’argon. D’un point de vue théorique, le couplage de Stille se déroule en trois étapes (schéma 8) :

Ø L’addition oxydante du palladium (0) entre le carbone est l’halogène Ø La transmétallation : échange de ligand entre les centres métalliques Pd-Sn

Ø L’élimination réductrice : formation de la liaison carbone-carbone et retour à un palladium (0)

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Le trimère (7) est ainsi obtenu après purification sous forme d’une poudre orange sombre. Ce dernier est ensuite placé dans un mélange chloroforme/diméthylformamide (CHCl3-DMF) pour une dibromation des positions 2 des thiophènes par ajout progressif de N-bromosuccinimide (NBS) (schéma 9). Le suivi de la réaction par chromatographie sur couche mince (CCM) est très important car l’utilisation d’accepteur très fort comme le PTD rend possible la bromation des autres positions disponibles des thiophènes. Le trimère dibromé (8) obtenu est engagé à nouveau dans un couplage de Stille avec le thiophène (6) et permet d’obtenir le pentamère (9) sous la forme d’une huile visqueuse de couleur rouge sombre. Ce dernier est une dernière fois dibromé dans les mêmes conditions que le trimère (7) pour obtenir le pentamère dibromé PTD(TEH)4 (10).

Schéma 9 : synthèse du pentamère dibromé PTD(TEH)4.

A partir de l’obtention du composé (10) la pureté des matériaux devient primordiale. En effet, la dernière étape (schéma 10) qui consiste en la copolymérisation du pentamère (10) et du dérivé 2,5-bis(triméthylstannyl)thiéno[3,2-b]thiophène (11) nécessite une attention toute particulière à différents niveaux.

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En effet, pour obtenir un polymère de haute masse molaire et une polydispersité faible, il faut que les réactifs mis en jeux présentent une grande pureté afin de respecter au plus près la stœchiométrie des deux réactifs. Pour cela, ces derniers sont purifiés deux fois sur colonne chromatographique ou par un double processus de recristallisation quand cela est possible. Pour contrôler la stœchiométrie des réactifs, il est également nécessaire d’être très précis lors des pesées de chaque réactif. Enfin, la durée de polymérisation doit être optimisée afin d’obtenir un polymère possédant une haute masse molaire, mais qui reste suffisamment soluble pour permettre la mise en œuvre de films homogènes par voie humide. Une fois la polymérisation terminée, il est nécessaire de purifier et fractionner le polymère. Ce fractionnement est réalisé par différence de solubilité, sur la base du principe que les polymères de plus hautes masses molaires sont solubles dans les solvants ayant le plus fort pouvoir solubilisant. Pour cela, nous utilisons un montage de Soxhlet dans lequel différents solvants sont introduit successivement. Ces solvants sont ajoutés dans un ordre de pouvoir solubilisant croissant (MeOH < acétone < cyclohexane < CHCl3 < chlorobenzène) qui permettent d’extraire progressivement les polymères de plus hautes masses molaires. Cette étape de fractionnement est très importante. Il est reconnu en effet que les propriétés de transport de charges en particulier, sont très dépendantes des masses molaires et des indices de polymolécularité (Ip). A ce propos, M.D. McGehee et al. ont montré que dans les polymères semi-conducteurs de hautes masses molaires, la présence d’impuretés organiques de faible masse molaire (monomères n’ayant pas réagi, oligomères…) peut engendrer au cours du temps une perte d’efficacité des cellules solaires.122 Cette perte se traduit par l’apparition d’une courbe (I-V) sous illumination présentant une forme en « S » (S-shape, figure 44a). Une telle forme de courbes (I-V), principalement dans les quadrants 3 et 4 (I négatif), est expliquée par la présence d’une barrière d’extraction aux électrodes générée par la diffusion (au cours du temps) des impuretés vers l’interface avec la cathode. Une seconde purification plus fine des matériaux permet d’éviter cet effet indésirable (figure 44b).

Figure 44 : courbe (I-V) sous illumination d’un polymère de haute masse molaire pollué par la présence de chaînes de bas poids moléculaire a) et sans la présence de ces courtes chaînes b).

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Lors de nos fractionnements, nous récupérons dans la fraction « chlorobenzène » un polymère de PT²PTD-TT de fortes masses et de solubilité suffisante. Les caractéristiques du polymère mesurées par chromatographie d’exclusion stérique (CES) (calibration PS), donnent une masse de 49 000 g.mol-1 et un indice de polymolécularité de 4,1. L’ensemble des composés synthétisés ont été caractérisés par RMN du proton et du carbone (1H, 13C), le détail des modes opératoires pour chaque composé synthétisé est disponible en partie annexe.

Dans la suite de ce paragraphe, nous allons présenter les propriétés optiques, électrochimiques et morphologiques du PT²PTD-TT pour les comparer à celles du polymère PPBZT2

-CEHß dans le but de comprendre et d’expliquer l’effet du remplacement du benzothiadiazole par le pyridinothiadiazole.