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Effets du remplacement des chaînes EH sur le TAT par des chaînes octyles linéaires

2. Du DDP alkylé aux chromophores nus

2.4. Effets du remplacement des chaînes EH sur le TAT par des chaînes octyles linéaires

Pour étudier les effets du remplacement des chaînes aliphatiques sur le TAT nous nous sommes focalisés sur un seul matériau de la série ci-avant, le BZ(TTAT)2. A partir duquel nous avons synthétisé la version à base de chaînes octyles linéaire (figure 85).

Figure 85 : structure du BZ(TTAT(EH))2 et de son homologue BZ(TTAT(C8))2.

La synthèse du matériau à chaînes octyles BZ(TTAT(C8))2 est identique à celle de la version éthylhéxyle, mise à part l’étape d’alkylation du TAT qui implique l’utilisation de n-bromooctane. Le matériau ainsi obtenu présente une solubilité légèrement plus faible que celle de la version éthylhéxyle mais qui reste néanmoins

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suffisante pour le mettre en œuvre sous forme de film mince. Nous avons réalisé des mesures d’absorption en solution et en film (figure 86) du BZ(TTAT(C8))2 et les avons comparé au système initial BZ(TTAT(EH))2.

Figure 86 : spectres d’absorption UV-vis en solution (trait plein) et en film (pointillés) du p-BZ(TTAT(C8))2et p-BZ(TTAT(EH))2.

En solution, nous n’observons aucune différence des spectres d’absorption pour les deux matériaux ; les bandes se superposent parfaitement. Ce résultat montre que la nature de la chaîne n’influence pas les propriétés optiques de la molécule isolée (aucune torsion de chaîne conjuguée par exemple) et que la solubilité apportée par les chaînes linéaires octyles est suffisante pour éviter l’apparition d’agrégats. A l’état solide, nous observons pour le nouveau matériau à chaînes octyles un décalage bathochrome de 40 nm du maximum d’absorption par rapport au système éthylhéxyles. Le gap optique mesuré à l’état solide passe ainsi de 1,8 à 1,7 eV. Ce décalage bathochrome du BZ(TTAT(C8))2 sous-entend clairement une plus grande interaction intermoléculaire à l’état solide, en comparaison à la version éthylhéxyles BZ(TTAT(EH))2. En effet, la diminution de la gêne stérique autour du TAT doit permettre le rapprochement des unités TAT et renforcer ainsi les interactions de types π-stacking.

Matériaux λmax (sol., nm) λmax (film, nm) Eg opt. (eV) HOMOa (eV) LUMOa (eV) BZ(TTAT(EH))2 547 571 1,8 -5,2 -3,6 BZ(TTAT(C8))2 550 610 1,7 -5,2 -3,6

Tableau 27 : propriétés optoélectroniques du BZ(TTAT(C8))2 en comparaison au BZ(TTAT(EH))2. aMesures réalisées en solution 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 300 400 500 600 700 800 A b so rb a n ce (u. a ) λ (nm) BZ(TTAT(EH)2) BZ(TTAT(C8))2

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Ces premiers résultats témoignent déjà ici d’une plus grande tendance à l’empilement du BZ(TTAT(C8))2 par rapport à la version à chaînes alkyles ramifiées. Cette particularité devra être confirmée par les analyses structurales par diffraction des rayons x décrits dans la partie suivante.

2.4.2. Propriétés structurales

L’analyse thermique du BZ(TTAT(C8))2 par DSC met en évidence une température de transition vitreuse, Tg à 32°C. Cette dernière est plus basse d’environ 50°C par rapport au BZ(TTAT(EH))2 (Tg = 83°C). De plus, contrairement aux propriétés amorphes de tous nos autres matériaux à base de TAT, l’introduction des chaînes linéaire confère au BZ(TTAT(C8))2 un caractère semi-cristallin à l’état initial qui présente deux phases cristallines K1 et K2 obtenues respectivement après recuit à 150°C et 100°C (figure 87).

Figure 87 : clichés de diffractions obtenues par SAXS représentant les différents états du p-BZ(TTAT(C8))2 : (gauche)état semi-cristallin, (milieu) phase cristalline 1, (droit) phase cristalline 2.

Nous voyons donc que la différence de propriétés optiques observées à l’état solide (c-à-d le décalage bathochrome du spectre d’absorption) peut être associée au caractère semi-cristallin du BZ(TTAT(C8))2. Ce caractère semi-cristallin permet d’expliquer le renforcement des interactions intermoléculaires des motifs aromatiques, plus vraisemblablement d’ailleurs au niveau des unités TAT.

D’après les propriétés morphologiques du BZ(TTAT(C8))2, on peut s’attendre d’une part à une amélioration du transport de charges et d’autre part à une différence de comportement en mélange avec le PCBM et donc à un impact sur les propriétés photovoltaïques.

2.4.3. Propriétés de transport de charges et photovoltaïques

Etant donné le caractère semi-cristallin du p-BZ(TTAT(C8))2, nous nous attendions à une amélioration des propriétés de transport de charges de ce matériau en comparaison à son homologue amorphe

p-BZ(TTAT(EH))2. La mesure de la mobilité de trous par OFET dans ce matériau ne valide cependant pas cette

151 Matériaux µrég. sat (cm².V-1.s-1)* BZ(TTAT(EH))2 6.10-5 BZ(TTAT(C8))2 7.10-5

Tableau 28 : mobilités des trous obtenus par FET en régime saturé pour p-BZ(TTAT(EH))2 et p-BZ(TTAT(C8))2.

Evidemment, ces mesures ne constituent qu’un résultat partiel. Il aurait été intéressant de mesurer aussi la mobilité de charges par SCLC pour préciser la mobilité dans la direction perpendiculaire au plan du substrat. Cependant, si l’on se réfère aux résultats photovoltaïques obtenus, on peut émettre l’hypothèse que cette mesure n’aurait pas changé grand-chose à nos conclusions. cristallins (BZ(TTAT(C8))2 et PC71BM). En effet et contrairement à nos prévisions, les premières mesures photovoltaïques (tableau 29) nous ont très vite ramené à des conditions identiques à celles utilisées pour les matériaux amorphes. A savoir, une proportion élevée en PC71BM (ratio de 1:5), un volume de 0,6% d’additif DIO, un recuit thermique de 110°C et l’utilisation d’une cellule solaire d’architecture inverse.

Molécule Ratio (D/A) DIO (% vol.) VOC (mV) JSC (mA.cm-²) FF (%) η (%) Epaisseur (nm) BZ(TTAT(EH))2 1 : 5 0,6 800 8,1 45 2,9 ̴ 75 BZ(TTAT(C8))2 1 : 5 0,6 824 7,4 44 2,7

Tableau 29 : résultats photovoltaïques obtenus pour p-BZ(TTAT(C8))2 comparésaux résultats obtenus avec p-BZ(TTAT(C8))2. Au-delà des rendements de conversion très semblables de 2,7 et 2,9%, pour respectivement BZ(TTAT(C8))2 et

BZ(TTAT(EH))2, il est intéressant de noter que l’on observe une diminution de la Jsc pour la version à chaînes

linéaires. Etrangement, on s’attendait au comportement inverse, puisque le léger décalage bathochrome mesuré en spectroscopie d’absorption aurait dû être favorable à la photo-génération de charges. Concernant le ratio D/A, on aurait aussi pu s’attendre à ce que le caractère cristallin de la version linéaire conduise à une ségrégation plus facile des matériaux D et A (BZ(TTAT(C8))2 et PC71BM) pour tendre vers un ratio optimal D/A plus équilibré. En définitive, il apparaît que dans cette série de molécules, la structure amorphe ou cristalline change peu les propriétés de transport de charges et photovoltaïques. Ceci apparaît surprenant lorsque l’on observe la variation d’absorption optique et le changement structural à l’état solide.

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Cette invariance de propriétés nous pousse à émettre l’hypothèse que le facteur limitant, et peut être contrôlant, les performances photovoltaïques de cette série de molécules réside dans l’importante quantité de fullerène présente dans le mélange lorsqu’on se situe à un ratio de 1:5 en mélange avec du PC71BM.

2.5. Conclusion

Quels que soient les matériaux étudiés dans cette partie, il semble que l’absence de chaînes alkyles sur le chromophore central soit responsable du très faible ratio D/A (proportion élevée en fullerène) nécessaire au fonctionnement « optimal » du dispositif, et donc probablement aussi des faibles performances photovoltaïques. En effet et comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, nous pensons que dans ces matériaux, le volume disponible entre les deux TAT permet une intercalation du PCBM ce qui nécessite une quantité plus importante de ce dernier pour la création efficace de chemins de percolation des électrons. Or, à la lecture des paramètres extraits des cellules et en comparaison avec les valeurs obtenues précédemment sur DPP(TTAT)2, il apparaît clairement que le FF ainsi que la JSC sont limités par cette imposante quantité de fullerène dans la couche active. Il apparaît donc nécessaire d’envisager de synthétiser une nouvelle série de molécules d’architecture similaire mais dont le cœur central soit encombré (par l’introduction d’au moins une chaîne alkyle) pour contrer le phénomène d’intercalation.

La seconde partie de ce chapitre sera donc dédiée à l’étude des petites molécules à base de TAT avec des chromophores centraux plus encombrés.