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Propriétés optiques, électrochimiques et structurales des matériaux à base de TAT en fonction

2. Du DDP alkylé aux chromophores nus

2.2. Propriétés optiques, électrochimiques et structurales des matériaux à base de TAT en fonction

2.2.1. Propriétés d’absorption

Les spectres d’absorption des matériaux synthétisés à base de TAT avec les différents chromophores centraux sont donnés dans la figure 71. Les spectres en solution ont été réalisés dans CHCl3, les spectres sur film ont été effectués à partir d’un dépôt à la tournette d’une solution de concentration 0,5 mg.mL-1 sur une plaque en verre.

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Figure 71 : spectres d’absorption UV-vis en solution (gauche) et en film (droit) des matériaux à base de TAT.

L’examen des spectres met en évidence trois maxima d’absorption, deux entre 300 et 500 nm et le dernier entre 500 et 900 nm correspondant aux transferts de charge interne (ICT). Cette dernière transition étant reliée directement à l’affinité électronique du groupement électro-déficient central, nous observons un décalage bathochrome avec l’augmentation de l’affinité électronique de ce motif. Ainsi, ce décalage est de plus en plus prononcé lorsque l’on passe du BZ(TTAT)2 au PTD(TTAT)2 puis au TTz(TTAT)2. En comparaison des spectres en solution, tous les spectres d’absorption à l’état solide se déplacent vers les grandes longueurs de 20, 35 et 40 nm respectivement pour TTz(TTAT)2, PTD(TTAT)2 et le BZ(TTAT)2. Ce décalage bathochrome est la signature de l’augmentation des interactions intermoléculaires qui s’établissent à l’état solide.

Les valeurs de gaps optiques mesurées pour les quatre matériaux sont de 1,6 eV pour le BZ(TTAT)2, 1,5 eV pour le PTD(TTAT)2 et 1,4 eV pour le TTz(TTAT)2. La faible largeur de bande interdite de ce dernier en fait un bon candidat pour le photovoltaïque. En effet, cette valeur se trouve dans la gamme de valeurs de gap optimale calculée par Queisser et al. pour une cellule solaire à homojonction.167 Nous pouvons voir au travers de ces quatre matériaux qu’en modulant le caractère plus ou moins électro-déficient du chromophore central, il est possible de couvrir la quasi-totalité du spectre de l’UV au visible.

Nous allons à présent voir quelles sont les influences apportées par le changement des cœurs centraux sur les propriétés électrochimiques et donc sur les niveaux HOMO et LUMO de nos matériaux.

2.2.2. Propriétés électrochimiques

Les niveaux HOMO et LUMO de nos composés ont été déterminés par voltampérométrie cyclique dans le dichlorométhane respectivement à partir des potentiels d’oxydation et de réduction. Le ferrocène et

250 350 450 550 650 750 850 A b so rb a n ce (u. a ) λ (nm) BZ(TTAT)2 PTD(TTAT)2 TTz(TTAT)2 300 400 500 600 700 800 900 A b so rb a n ce (u. a ) λ (nm) BZ(TTAT)2 PTD(TTAT)2 TTz(TTAT)2

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le PC71BM ont été utilisés comme références internes, aidant ainsi à la détermination des énergies des orbitales frontières. Les cyclovoltampérogrammes obtenus sont donnés dans la figure 72.

Figure 72 : cyclovoltampérogrammes des matériaux à base de TAT en fonction du chromophore central.

Dans la fenêtre de balayage choisie et aux potentiels négatifs (0 à -2,1 mV), le TAT ne présente aucune électro-activité. Les deux vagues de réduction systématiquement observées sont liées à la réduction des cœurs centraux. On observe par contre plusieurs vagues d’oxydation correspondant aux TAT et aux chromophores centraux. En effet, le TAT possède trois vagues d’oxydation mono-électroniques réversibles entre 0,4 et 1,4 V. Les cœurs centraux présentent pour leur part deux vagues d’oxydation mono-électroniques réversibles ou quasi-réversibles entre 0,3 V et 1,4 V. Les niveaux HOMO et LUMO sont représentés dans le diagramme énergétique de la figure 73.

Figure 73 : diagramme des niveaux d’énergie pour les composés à base de TAT comparés au p-DPP(TTAT)2 et au PC71BM.

-2100 -1600 -1100 -600 -100 400 900 1400 Co u ra n t (no rm a li sé) Potentiel (mV) vs SCE

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Nous constatons que les composés BZ(TTAT)2 et PTD(TTAT)2 présentent des niveaux HOMO très proches, aux alentours de -5,25 eV. Ceci est expliqué par le fait que le niveau HOMO semble être gouverné par la première oxydation du TAT qui a lieu avant celle des cœurs centraux et qui ne dépend vraisemblablement pas ou peu de ces derniers. Seul le composé TTz(TTAT)2 possède une HOMO plus élevée, à -5,11 eV. Cette augmentation de la HOMO est due au groupe thiénothiadiazole (TTz), connu pour présenter un faible potentiel d’ionisation. Son oxydation se produit donc avant celle du TAT. Pour tous les matériaux, les niveaux LUMO sont gouvernés par le caractère électroattracteur du groupe central. Plus ce dernier possède un caractère accepteur fort, plus la LUMO du matériau diminue.

Des calculs théoriques ont également été réalisés par DFT (Coll. P. Lévêque, ICube) afin de déterminer la distribution spatiale des orbitales moléculaires HOMO et LUMO (figure 74) au sein des matériaux.

Figure 74 : représentations théorique de la distribution spatiale des orbitales HOMO (droite) et LUMO (gauche) dans les matériaux à base de TAT. On retrouve ici une erreur sur les régioisomères, puisque la version para est représentée à la place de version

méta. La DFT n’a évidemment pas pu être corrigé avant envoi de ce manuscrit. Les modifications seront apportées dans la version

définitive de la thèse. On peut néanmoins suspecter que ces résultats de DFT n’affecteront pas fondamentalement les conclusions.

Sur les représentations théoriques (figure 74), on observe une légère localisation des orbitales HOMO sur le TAT, tandis que la LUMO est strictement localisée sur les cœurs centraux. Si on examine les valeurs théoriques calculées (tableau 23) pour les orbitales HOMO et LUMO des unités TAT isolées d’un côté, et des chromophores de l’autre, nous constatons que la différence d’énergie entre les niveaux LUMO du TAT et des chromophores est trop grande (< 2,1 eV) pour conduire à une hybridation efficace entre ces deux unités. Ces calculs théoriques mettent ainsi en évidence la forte corrélation observée entre la LUMO de la molécule finale et l’affinité électronique du chromophore.

138 Synthons HOMO (eV) LUMO (eV) TAT -4,80 -0,50 T-BZ-T -5,30 -2,61 T-PTD-T -5,49 -2,89 T-TTz-T -4,91 -3,00 BZ(TTAT)2 -4,67 -2,47 PTD(TTAT)2 -4,71 -2,73 TTz(TTAT)2 -4,40 -2,83

Tableau 23 : HOMO et LUMO calculés par DFT.

En ce qui concerne la HOMO, la différence d’énergie entre les HOMO du TAT et des chromophores est plus petite (comprise entre 0,11 eV et 0,69 eV), ce qui génère une hybridation plus importante. Cette dernière est plus particulièrement marquée entre le TAT et le cœur T-TTz-T (ΔEHOMO = 0,11 eV), expliquant ainsi la nette augmentation du niveau HOMO du TTz(TTAT)2 comparée aux autres molécules de la série. Ceci est cohérent avec les observations expérimentales déjà publiées, qui soulignent l’abaissement du potentiel d’oxydation lorsque le TTz est utilisé comme motif électro-attracteur.168

Pour résumer, ces résultats nous montrent qu’en partant d’une structure construite sur la base d’un chromophore central substitué de part et d’autre par des unités TAT, il est possible de moduler l’absorption et les niveaux d’énergie par simple modification du groupement central électro-déficient. Par ailleurs, on observe que la modification du gap se fait principalement par la variation du niveau LUMO du motif électro-déficient (excepté dans le cas d’un motif à très fort caractère électro-électro-déficient (TTz)), tout en conservant grâce à la présence du TAT, un niveau HOMO stable, aux environs de -5,25 eV. Cette dernière particularité est théoriquement très intéressante pour une utilisation en cellule solaire puisqu’elle devrait permettre de moduler la gamme de longueurs d’ondes d’absorption sans modifier la valeur de VOC.

2.2.3. Propriétés structurales

Nous avons tout d’abord caractérisé le comportement thermique de nos matériaux par calorimétrie différentielle à balayage ou DSC (Differential Scanning Calorimetry) ; les thermogrammes ainsi obtenus sont donnés dans la figure 75. Le seul évènement thermique observable est une transition vitreuse qui révèle le caractère amorphe de nos matériaux. Les trois matériaux présentent une température de transition vitreuse (Tg) identique aux environs de 85°C.

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Figure 75 : clichés de diffraction RX sur poudre (gauche) et thermogrammes de DSC (droit) obtenus pour l’ensemble des molécules.

Pour confirmer le caractère amorphe, nous avons entrepris des mesures de diffusion des rayons X aux petits angles ou SAXS (Small Angle X-ray Scattering) (figure 75) sur poudre sur nos matériaux à température ambiante, après un recuit thermique préalable d’environs 2 heures à 110°C. Comme nous pouvons le voir, tous nos matériaux présentent les mêmes clichés. On n’observe pas de réflexion forte mais plutôt de larges bandes diffuses superposables d’un matériau à l’autre qui témoignent d’un caractère amorphe désorganisé.. Dans la région des grands angles, on distingue une large bande dont le maximum correspond à une distance de 4,4 Å (2θ ≈ 20°) qui caractérise la distance moyenne entre les chaînes alkyles. L’absence d’un second maximum entre 3,5 et 3,8 Å confirme l’absence de π-stacking dans ces matériaux. En effet, le π-stacking est gêné par les chaînes éthylhéxyles volumineuses, dont la section transverse dépasse largement la surface disponible pour un empilement face-à-face des TAT.169 Dans la région des petits angles (figure 75), la présence des deux bandes de diffusion témoigne cependant d’une certaine persistance de ségrégation des noyaux rigides (aromatiques) par rapport aux parties molles (chaînes aliphatiques). Le volume important des chaînes alkyles les poussent à remplir l’espace disponible autour des parties rigides. Il en résulte un arrangement désordonné des segments conjugués qui conduit à des interfaces irrégulières avec les domaines aliphatiques. Il est raisonnable ici de supposer que les deux bandes systématiquement observées à environ 11-12 Å et 20-22 Å (longueur corrélée de 2 à 3 molécules) correspondent respectivement à une organisation à l’échelle locale des motifs TAT et des molécules entières (TAT-chromophore-TAT). Pour conclure sur la caractérisation structurale, même si les systèmes présentent un caractère amorphe, ils sont cependant le siège d’une ségrégation à une échelle locale : les chaînes aliphatiques se nano-ségrègent en périphérie des domaines formés par les segments aromatiques. Il n’y a donc pas de π-stacking fort de ces segments aromatiques mais seulement un ordre local qui peut être suffisant pour créer un chemin de conduction pour le transport de charges.

Afin de résumer toutes les propriétés optiques, électrochimiques et structurales, le tableau 24 reprend les propriétés essentielles de ces matériaux.

140 Matériaux λmax (sol., nm) λmax (film, nm) Eg opt. (eV) HOMO (eV) LUMO (eV) Eg élec. (eV) Tg (°C) BZ(TTAT)2 547 571 1,8 -5,2 -3,6 1,6 83 PTD(TTAT)2 602 612 1,7 -5,3 -3,8 1,5 85 TTz(TTAT)2 747 761 1,4 -5,1 -3,9 1,2 85

Tableau 24 : résumé des propriétés optiques, électrochimiques et structurales des composés à base de TAT.

Pour conclure, un scénario original semble se dessiner à partir des premiers résultats d’analyses optiques, électrochimiques et structurales. En effet, les propriétés optiques et la LUMO de ces molécules sont clairement gouvernées par la nature du chromophore central, tandis que le TAT utilisé comme plateforme en extrémité de molécule, semble gouverner d’une part, les propriétés structurales et d’autre part leurs niveaux HOMO (dépendant du premier potentiel d’oxydation du TAT). Ces niveaux HOMO plutôt profonds laissent présager d’une VOC élevée.

Nous allons voir dans la suite, comment toutes ces propriétés affectent le transport de charge et les propriétés photovoltaïques dans nos matériaux.

2.3. Propriétés de transports de charges et photovoltaïques