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d) Objectifs de notre étude

C. Synthèse et perspectives

À l’issue de cette étude, il apparaît donc que l’utilisation de la parataxonomie en tant qu’outil de suivi devrait rester limitée au cas particulier des milieux requérant la mise en place rapide de suivis et pour lesquels on ne dispose pas d’observateurs compétents. Dans tous les cas, ce type d’approche ne devrait être employé que comme méthode d’appoint durant le délai nécessaire à la formation d’observateurs compétents et à la mise en place d’un encadrement scientifique adéquat. En effet, comme il a été montré dans la publication, les données issues de tels suivis ne peuvent, dans le meilleur des cas, fournir que des estimations de la richesse locale en espèces. L’estimation du turn-over d’espèces, mesure primordiale dans le cadre d’un suivi, s’avère en revanche plus aléatoire et peut varier fortement entre observateurs.

Cette étude a aussi été l’occasion d’une réflexion générale sur un certain nombre de difficultés à prendre en compte dans la mise en place d’un suivi. Nous conclurons ainsi ce chapitre par les deux points suivants :

1. Nécessité de l’honnêteté scientifique dans l’emploi de la

parataxonomie…et de toute autre méthode d’inventaire.

Cette étude souligne l’importance de tester la robustesse des méthodes utilisées dans le cadre de suivis, en termes de reproductibilité et de répétabilité. Nous avons ainsi été amenés à évoquer les limites de la parataxonomie qui ne répond pas à ces critères. Il serait toutefois trompeur de considérer que les méthodes de suivis et d’inventaires habituelles sont exemptes de ce type de défaut. Ces biais méthodologiques ne sont que rarement évalués, et les données issues d’inventaires sont souvent interprétées sans en tenir compte. Ainsi les rares études s’intéressant à la reproductibilité des relevés botaniques montrent que les variations entre observateurs peuvent être telles qu’elles génèrent des phénomènes de pseudo turnover, pouvant gravement compromettre la qualité d’un suivi (Kercher, Frieswyk, & Zedler, 2003; Leps, 2004; Oredsson, 2000; Rich & Woodruff, 1992). Ainsi, bien que notre étude tende à montrer que les méthodes parataxonomiques sont plus sensibles à ce type de biais, il convient de faire preuve des mêmes exigences à l’égard des méthodes d’inventaires et de suivis

habituelles en appliquant des protocoles standardisés et en testant régulièrement la robustesse de ces protocoles.

Dans un article où il évoque le caractère non scientifique de la parataxonomie, Krell (2004) reproche à cette méthode, outre son manque de reproductibilité, de ne pas répondre au critère scientifique de falsifiabilité. L’auteur souligne ainsi qu’il est impossible d’invalider l’attribution d’un organisme à un morphotype donné en raison du caractère subjectif de ce processus. Par opposition, un taxonomiste faisant appel, lors d’une identification, à une clé de détermination publiée, et conservant le spécimen déterminé (en herbier par exemple) pourra confronter son identification à une infirmation éventuelle. Or, cette faiblesse des méthodes parataxonomiques peut se retrouver dans la plupart des inventaires et suivis conventionnels effectués par des botanistes. Lorsque ce n’est pas dans le cadre d’un travail de taxonomie, il est peu courant que des naturalistes appliquent systématiquement l’ensemble des précautions décrites ci-dessus, de sorte que d’un point de vue falsificationniste, nombre d’études de biodiversité ne devraient pas être considérées comme scientifiques. Ici encore il est donc indispensable de faire preuve de la même exigence envers les méthodes de suivis classiques qu’envers la parataxonomie. Ainsi, n’importe quelle étude d’écologie ayant à collecter des données et identifier des organismes devrait considérer cette phase comme essentielle, et s’efforcer de garantir le maximum de rigueur à cette étape, même si elle n’est pas une fin en soi. À défaut de remplir des critères de falsifiabilité stricte, trop lourds à mettre en œuvre dans le cadre de suivis à grande échelle, il est nécessaire de garantir un minimum de soin au processus d’identification, en s’assurant d’une certaine homogénéité dans les méthodes utilisées entre observateurs (clés de détermination et référentiel taxonomique), en constituant des herbiers, au moins pour les spécimens les plus difficiles à identifier, et en prévoyant, sur la durée de l’étude, un temps suffisant réservé à la détermination.

2. Nécessité de maintenir et renouveler les savoirs naturalistes

Même si la parataxonomie ne peut être envisagée comme une alternative robuste au manque de naturalistes, il est probable que l’on assiste tôt ou tard à l’émergence de méthodes permettant de passer outre ce problème, telles que les méthodes de reconnaissance de taxons informatisées (Gaston & O'Neill, 2004) ou encore le barcoding (Kress, Wurdack, Zimmer, Weigt, & Janzen, 2005). Toutefois, ces méthodes souffrent encore actuellement de biais (Do, Harp, & Norris, 1999; Will & Rubinoff, 2004) qui devraient les empêcher d’être opérationnelles à court ou moyen terme dans la cadre d’une utilisation à large échelle. Il

Partie III : Test d’une méthode alternative : la parataxonomie

73 apparaît donc que la meilleure solution à l’heure actuelle est d’avoir recours à des naturalistes compétents, ce qui implique une revalorisation des savoirs naturalistes, et la formation de personnels qualifiés pour mener à bien des suivis de biodiversité. Le succès de programmes de suivis de l’avifaune basés sur la participation de naturalistes amateurs bénévoles (Newson, Woodburn, Noble, & Baillie, 2005), ne doit pas faire oublier que de tels suivis constituent des cas particuliers ciblant des groupes taxonomiques « populaires » (Battersby & Greenwood, 2004; Bell et al., in press) comprenant un nombre d’espèces relativement restreintes (280 espèces nicheuses en France métropolitaine). La situation est toute autre dans le cas de groupes taxonomiques moins emblématiques comme les insectes (35270 espèces en France métropolitaine) (Hopkins & Freckleton, 2002) ou les plantes (4900 espèces indigènes en France métropolitaine3) pour lesquels la mise en place de suivis souffre d’un manque de naturalistes qualifiés (Malengreau, 2006). Rappelons qu’en signant la stratégie mondiale de conservation des plantes la France s’est engagée à augmenter le nombre de personnes formées travaillant avec des moyens appropriés à la conservation des plantes (article 5.1). La mise en place d’un suivi des communautés de plantes communes répondant à des critères scientifiques de standardisation n’est possible qu’à ce prix.

IV. Effet des pressions humaines sur les

communautés de plantes communes à large échelle :