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b) Utilité et limites des données d’inventaires 2

2. L’intérêt des suivis quantitatifs des espèces communes

2. L’intérêt des suivis quantitatifs des espèces communes

Une limite à l’utilisation des inventaires en tant qu’outils exclusifs de suivis, est l’absence d’informations sur l’abondance des espèces à l’échelle d’un territoire. Les inventaires sont avant tout conçus pour obtenir des informations qualitatives sur la biodiversité d’une région. Ainsi, même lorsqu’ils répondent à des critères de standardisation élevés, ils ne peuvent fournir des informations que sur la présence d’une espèce dans un secteur donné (même si l’abondance locale est renseignée), le grain de l’information obtenue étant variable selon la taille de la région d’étude. Ainsi, des atlas nationaux auront tendance à employer un maillage de taille importante (100 km2 pour l’atlas du Royaume-Uni (Preston et al., 2002b)) tandis que des atlas régionaux ou départementaux pourront se permettre un grain plus fin ; 25 km2 pour l’atlas de la région Auvergne (Antonetti, Brugel, Kessler, Barbe, & Tort, 2006), ou encore 1 km2 pour celui des Hauts-de-Seine (Muratet, 2006). Dans tous ces cas, des changements affectant une espèce, comme une baisse de ses effectifs en réponse à une modification de l’environnement, ne pourront être détectés qu’une fois que l’espèce aura commencé à disparaître de plusieurs unités d’échantillonnage. Or, avant d’en arriver à ce stade, une espèce passe nécessairement par une phase où ses populations subissent des extinctions locales. Cette phase, qui peut être longue, passera inaperçue avec des inventaires qui continueront à répertorier des populations de cette espèce dans leurs unités d’échantillonnage (Leon-Cortes et al., 1999; Preston, 2003).

Ainsi a émergé l’idée de coupler les inventaires à des observatoires quantitatifs de la biodiversité, afin de détecter les fluctuations d’abondance de certaines espèces. De tels observatoires ont d’ores et déjà été mis en place dans certains pays (Encadré 4), ils fonctionnent sur le principe suivant : Des placettes d’observation permanentes de surface relativement faible sont tirées au sort à travers le territoire d’étude. L’ensemble des espèces se trouvant dans ces placettes est alors relevé périodiquement. Le fait d’utiliser de nombreux petits relevés dispersés, par rapport à une plus grande surface d’inventaire d’un seul bloc, présente plusieurs avantages :

(1) Cela permet d’évaluer simplement l’abondance d’une espèce dans une région, en comptabilisant le nombre de placettes dans lesquelles elle est présente.

Encadré 4 (suite)

des placettes permanentes dont la taille (de 4 m2 à 200 m2) et la localisation sont fonction des différents types de milieux se trouvant dans la maille. Grâce aux campagnes de terrain régulièrement effectuées depuis 20 ans (la dernière en 2007), des changements ont déjà pu être observés. Il a ainsi été montré une raréfaction des plantes stress-tolérantes et une extension des plantes généralistes, suite à une eutrophisation généralisée des milieux (Smart et al., 2005).

Le Monitoring de la biodiversité Suisse (MBD) (Weber, Hintermann, & Zangger, 2004)

est un programme de suivi lancé en 1995 par l’office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage. Une partie de ce dispositif s’est fixé comme objectif l’obtention d’indicateurs d’état sur les espèces de plantes communes. La stratégie d’échantillonnage correspond à un dispositif systématique qui peut se décomposer en deux réseaux emboîtés. (1) Un premier réseau est constitué d’un ensemble de 1600 placettes fixes de 10 m2 réparties régulièrement sur l’ensemble du territoire (Figure 4a) dans lesquelles l’ensemble des plantes sont relevées. Afin de prendre en compte les plantes répandues sans être forcément abondantes (par exemple les plantes vivant dans des écotones) un deuxième dispositif consiste en un ensemble de 520 mailles d’1 km2 disposées selon un maillage plus lâche que précédemment (Figure 4b). Un transect de 2,5 km est alors réalisé dans chaque maille le long duquel toutes les plantes vasculaires sont notées. La première phase de collecte du terrain du MBD s’étant achevée en 2005 il n’a pas encore généré de résultats.

Figure 4 : Dispositif d’échantillonnage du MBD montrant ; (a) les 1600 placettes de 10 m2 réparties régulièrement sur l’ensemble du territoire, (b) les 520 mailles d’1 km2 à l’intérieur desquelles est effectué un transect de 2,5 km. Tiré de Hintermann et al. (2002).

Partie II : matériel et méthode

27 (2) Ce type de dispositif est plus à même de détecter des extinctions locales d’espèces qui passeraient inaperçues à plus large échelle. De plus, on peut raisonnablement postuler qu’une espèce qui n’est plus retrouvée sur une petite surface où elle avait été observée auparavant a réellement disparu de cette surface. Être sûr qu’une espèce a disparu d’une zone de grande taille (de l’ordre d’un hectare ou plus) est beaucoup plus difficile (Walker, 2003).

(3) Enfin, le fait de mener des inventaires sur de petites surfaces est souvent considéré comme un moyen de limiter certains biais, en assurant une homogénéité de la pression d’échantillonnage sur l’ensemble de la surface à inventorier. Ainsi les petits relevés sont souvent considérés comme un moyen de prospecter plus efficacement la zone d’inventaire et de manquer moins d’espèces que dans un plus grand relevé (Hintermann et al., 2002). Une étude récente remet toutefois en cause cet argument (Archaux, Bergès, & Chevalier, 2007).

Afin de disposer d’informations fiables sur les fluctuations d’effectifs d’une espèce donnée, il est nécessaire que cette espèce se trouve dans un nombre important de relevés. C’est pourquoi les suivis quantitatifs de la biodiversité n’ont vocation qu’à suivre l’abondance des espèces les plus communes du territoire étudié. Bien que limitée en nombre d’espèces, cette fraction d’espèces communes joue un rôle essentiel dans les écosystèmes, comme nous l’avons déjà évoqué dans le chapitre précédent. Dans le cadre de monitorings de la biodiversité, les suivis quantitatifs d’espèces communessont donc des outils essentiels, complétant utilement les inventaires floristiques et les suivis d’espèces emblématiques, qui permettent eux d’obtenir des informations sur les espèces plus rares.

Dans la suite de ce chapitre, nous allons décrire les deux observatoires quantitatifs de la flore que nous avons mis en place. Dans les deux cas, les protocoles retenus ont été choisis afin de satisfaire à des critères de standardisation scientifique, tout en restant simples à mettre en œuvre. La mise en pratique de ces protocoles a été faite dans la région Île-de-France, qui fait l’objet d’une description dans la section suivante.