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III. LES RESULTATS

III.5 La chemise extérieure ou fausse-braie

III.5.3 Synthèse

Les recherches menées à la Bibliothèque Nationale nous ont permis de consulter des fascicules éditées lors de la prise de la ville par les troupes royales en 1621, lors de la lente mise au pas des protestants rochelais par Louis XIII et son ministre Richelieu. Certes ces documents visant à montrer la suprématie des troupes royales ne sont pas rédigés sans arrières pensées et l’amplification de la force des ennemis vaincus est aussi là pour démontrer la vaillance des assaillants vainqueurs. Le fascicule nommé « La réduction de la ville de Pons en l'obéïssance du roy avec la nouvelle deffaicte des compagnies de La Rochelle & poursuitte du sieur de Favas par Messieurs les Duc de Luxembourg et le maréchal de Praslin », publié à Paris en 1621, soit peu de temps après la chute de Pons est intéressant à plus d’un titre 123. La ville est qualifiée de petite,

mais bien située au sommet d’une montagne. « Ce chasteau est très beau, & et des plus forts qui se puissent trouver en France, son assiette est placée tout au plus haut de la montagne & est entouré de très fortes & et hautes murailles, qui sont de l'espoisseur de dix pieds ou environ, telles que sur icelles l'on y pourroit fort aysement mener le canon dessus ». Ces murailles pourraient être la fausse-braie. Ensuite, il est question des fossés : « Au pieds d'icelles murailles, y a de très

profonds & larges fossez, fort bien accomodez & entretenus, la deffence d'iceluy sont quatre fortes & grosses tours, & un donjon au milieu, qui battent de toutes parts ». Si les tours ont disparu, et nous ingorons tout de leur emplacement, le donjon subsiste ainsi que le fossé qui ceint la globalité du château et non pas seulement le donjon. Malgré une description ne collant pas entièrement avec la réalité, c’est probablement un des uniques témoignages sur ce que pouvait être l’enceinte médiévale du château de Pons et de ces fortifications ou tours, dont il ne subsiste aujourd’hui strictement rien. Tout au plus pouvons-nous signaler sur le plan du château de Cl. Masse la mention d’un mur à contrefort percés de probables petits jours (pl. 06, lettre Y 124). Plus loin, il est

aussi question des « fortes terrasses » à gagner, placées devant les murailles et « qui les mettent à couvert du canon ». C’est là toute la définition de cette fausse-braie qui ceint le donjon. Les écrits de La Popelinière accentue la puissance du lieu : « Le chasteau est fort et placé au plus haut de la montagne ; bien fossoyé d’un costé, de bonne estoffe et bien accommodé 125».

Pourtant, le récit que fait Agrippa d‘Aubigné de la prise de la ville par les protestants en 1568 n’est guère flatteur pour le château. Il témoigne d’une ville « qui ne valoit rien » et d’un château « mal fortifié » 126.

Les opinions, pour un même site et une époque proche, varient considérablement d’un auteur à l’autre. Cette variété rend délicate l’utilisation des avis issus de cette littérature, à laquelle il est possible de faire dire ce que l’on veut.

En 2006, cette grande phase d’aménagement, au remarquable état de conservation, flottait entre la fin du Moyen Age (XIIIe-XVe siècle) et la fin du XVIe siècle. Un des objectifs de cette

campagne était de dater cette campagne de construction. Sans reprendre tous les éléments contradictoires, faisons le point sur les indices en notre possession :

¾ Le calage stratigraphique est très lâche. La construction se pose entre la construction du second donjon et les aménagements modernes du château (glacière, communs fouillés en 2006). Elle ne peut pas être contemporaine du second donjon (trop de différences techniques).

¾ Les sources écrites (principalement les notices de Claude Masse). Dans son manuscrit contemporain des plans, Claude Masse identifie clairement l’ensemble comme étant une « fausse braye » 127. La légende du n° 33 de la feuille 48 (pl. 09),

illustrant les remblais installés entre le donjon et le mur de soutènement indique : « terre plein de l’enveloppe de la tour ou donjon qui a été bâtie aux ordres de la reine Margueritte de Navarre, mère d’Henri IV. Les murs de l’enveloppe sont presque tous revêtus de pierre de taille de provenance des démolitions des églises, ce qu’assure le public 128». Il y a une première erreur sur la mère d’Henri IV qui est Jeanne III D’Albret

(marié à Antoine de Bourbon). Margueritte de Navarre, sœur de François Ier, est en fait la grand-mère d’Henri IV. Si nous retenons la personne, plus que la filiation proposée par Masse, la fausse-braie serait antérieure à 1559. Si nous retenons comme juste la filiation, l’ensemble aurait été bâti avant 1572. Cela correspondrait à la prise de la ville par les réformés en 1570 et les destructions d’églises mentionnées 129. L’absence de réemplois évidents dans la maçonnerie de la fausse-braie, contrairement à la « contrescarpe » 130, contredit cependant les propos de Claude Masse. Les maçonneries de cette contrescarpe diffèrent en tout de celles de la chemise, tant par l’appareillage que par le mortier utilisé (à base d’argile rouge). Il s’agit donc de deux campagnes de chantier différentes. Il serait tentant de voir dans la construction de la 124 Il s’agit au XVIIIe siècle des grandes écuries. On distingue parfaitement que la partie Est de ce bâtiment est bien plus épaisse que la partie Ouest. L’élévation de la feuille 49 (pl. 10) ne donne en revanche aucune information.

125 La Popelinière 1581, T. II, f. 68 v°.

126 D’Aubigné éd. 1995, p. 30 (livre V) et p. 37 (livre VI). 127 AHSA 1881b, p. 362.

128 Bibliothèque du Génie, Vincennes, ms folio 131, feuille 20, légende du n° 33.

129 Il la cite dans son histoire de la ville comme étant à l’origine des destructions d’églises (AHSA 1881b, p. 361). 130 Champagne, Mandon 2007, p. 21-22.

contrescarpe, une campagne postérieure à la fausse-braie et associée à ses fameuses destructions des protestants suite à la prise de 1570. Il faut noter que l’aspect de ce mur correspond parfaitement à la description faite par Claude Masse en évoquant la fausse- braie (« murs de l’enveloppe […] presque tous revêtus de pierre de taille de provenance des démolitions des églises »). Une date de construction dans la 2e moitié du XVIe siècle pour la contrescarpe peut parfaitement être envisagée (confortée par les quelques fragments de céramique retrouvés en 2006).

¾ D’un point de vue architectural, la construction de la chemise apparaît adaptée pour résister à l’artillerie de l’époque. L’iconographie montre bien la présence d’importants remblais, montant presque jusqu’au chemin de ronde de la chemise qui permet l’installation de pièces d’artillerie, protégées par un parapet percé d’ouvertures. La présence de contreforts paraît toutefois étonnante, d’autant qu’ils se terminaient sous le parapet, sans porter de structures en encorbellement. Ils peuvent n’avoir eu qu’une fonction architectonique (aux angles de la courtine). Une échauguette est signalée par Claude Masse à l’angle nord-ouest de la chemise (pl. 09). En encorbellement, elle est indépendante des contreforts, décalés de part et d’autre de l’angle et on peut se demander si elle n’a pas été rajoutée. Les contreforts émergeant du glacis ne sont pas sans rapport avec ceux de la tour maîtresse de Château-Gaillard, quoique de forme différente, mais l’espacement et la faible saillie des contreforts de la chemise semble exclure la présence de mâchicoulis sur arcs. La physionomie de l’ensemble fait penser à certaines réalisations de la fin du XIVe siècle (Vincennes, Palais des Papes d’Avignon),

sans que ce rapprochement soit réellement probant. On ne peut pas exclure une datation haute, peut-être durant la guerre de Cent Ans (fin XIVe siècle ?). On retrouve

une courtine assez semblable à l’abbaye de Maillezais : le front oriental du site renforcé vers 1600 par Agrippa d’Aubigné possède une portion de courtine ayant une physionomie proche 131. Située sous le palais épiscopal, cette reprise vient doubler

l’ancienne courtine et possède un glacis d’où émergent trois contreforts, surmontés de guérites en saillie par rapport au chemin de ronde. Cette disposition n’apparaît toutefois pas à Pons. L’analogie la plus intéressante se fait avec la courtine trouvée sous les jardins du carrousel du Louvre à Paris et datée de la 1ère moitié du XVIe siècle : le profil

et la pose très particulière des blocs de parement y sont en tous points identiques 132.

¾ Cette année, la découverte d’un peu de mobilier du comblement du premier fossé médiéval peut difficilement servir à la datation. A contrario, la présence de mobilier de la fin du Moyen Age - XVIe siècle sur les niveaux médiévaux de l’ancienne annexe

extérieure de la 1ère turris, et, sauf situation plus complexe, nécessairement sous les

remblais de la fausse-braie, constitue l’élément le plus instructif 133. L’US 8149, en lien

avec l’utilisation des latrines du donjon, contenait de la céramique liée aux concrétions des rejets de latrines, plutôt datable du XVIe siècle. On peut difficilement imaginer que l’ancienne annexe extérieure a été maintenue en élévation et servait de fosse- réceptacle en pied de latrines, au cœur des remblais de la fausse-braie, mais ces derniers atteignaient la cote d’environ 45 m NGF, alors que l’on n’avait assurément plus de traces de cette annexe à partir de la cote 41,5 m NGF, correspond à la base du parement de l’actuel donjon. On peut donc selon toute vraisemblance retenir ce mobilier comme marqueur chronologique, confortant une datation de la fausse-braie dans le XVIe siècle.

Il est encore bien difficile de conclure sur ce chantier, aussi resterons-nous prudent.

131 Barbier 2005, p. 221-228. 132 Van Ossel 1998, p. 161-163. 133 Cf supra, partie III.3.3.2.

III.6 La fin du Moyen Age, les niveaux modernes et l’époque contemporaine