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1.1 Points quantiques colloïdaux

1.1.3 Synthèse et phase colloïdale

Comme la synthèse des QDs dicte directement leurs propriétés, il est important de s’attarder à celle-ci avant de discuter de ces propriétés. Les points quantiques utilisés dans le projet ont une forme sphérique et un rayon autour de 3 nm à 4 nm. Ils sont composés d’un coeur de CdSe et de coquilles de CdS, Cd0.5Zn0.5S et de ZnS comme représenté à la figure 1.5. Leur synthèse colloïdale se fait en deux temps : les coeurs de CdSe sont d’abord produits et les

coquilles sont rajoutées successivement monocouche par monocouche. Après chacune des deux étapes, les QDs sont caractérisés par spectroscopie pour obtenir leur efficacité quantique de luminescence, leur longueur d’onde du pic d’émission et leur bande d’absorption. Les points quantiques issus de cette synthèse sont qualifiés de colloïdaux (cQDs) puisqu’ils se retrouvent en suspension dans un solvant.

Figure 1.5 – figure

Exemple d’une distribution approximative des composés du coeur et des coquilles des QDs. À noter que les interfaces réelles ne sont pas aussi bien clairement délimitées.

Production des coeurs

L’approche utilisée pour produire les coeurs de CdSe fait intervenir la nucléation et la crois- sance des nanocristaux dans une solution liquide chauffée à haute température (avoisinant les 300°C) composée de précurseurs, notamment d’oléate de cadmium et de séléniure de tributyl- phosphine. On qualifie cette technique de synthèse par précipitation contrôlée [16,17]. Il s’agit d’une approche bottom-up puisque les cQDs sont créés à partir d’entités encore plus petites que ceux-ci, les atomes. Cette technique permet notamment de mieux contrôler la taille des cQDs, une caractéristique clé de ces nanocristaux.

Pour que la nucléation des nanocristaux se produise, il faut que la solution de précurseurs soit sursaturée. En effet, si la concentration de soluté est inférieure à la concentration de saturation, le soluté sera complètement dissous dans la solution et aucun solide ne sera formé. Si la concentration de soluté est égale à la concentration de saturation, il y aura équilibre et il n’y aura pas de gradient net vers la création de cristaux dans la solution. Si la solution est sursaturée, il y aura une réaction spontanée de précipitation qui fera débuter la nucléation. Le diagramme de LaMer, présenté à la figure1.6, représente les différentes étapes de synthèse par précipitation contrôlée. La première phase de la synthèse des nanocristaux est une phase de pré nucléation durant laquelle la concentration de soluté est augmentée jusqu’à ce que la rayon critique de nucléation soit atteint. Durant cette phase, les précurseurs sont présents dans la solution, mais pas les nanoparticules. Ce n’est qu’une fois le rayon critique atteint que les nanoparticules commencent à se former. C’est alors la phase de nucléation durant

laquelle la concentration de soluté augmente encore un peu jusqu’à atteindre un maximum avant de diminuer. Finalement, la dernière partie de la synthèse consiste en la croissance des nanocristaux, une étape durant laquelle la concentration diminue continuellement jusqu’à atteindre le seuil de solubilité de la solution. C’est durant cette phase qu’il faut profiter d’une période de temps restreinte pour contrôler la monodispersion en taille de l’échantillon. Il y aura également de la diffusion des particules durant cette dernière étape, de même que de la coalescence ou de la maturation d’Ostwald. La coalescence se produit lorsque deux petites particules vont s’agglomérer en vue d’optimiser leur surface sous l’effet de la tension superficielle atteignant ainsi un minimum d’énergie (figure1.7a). Dans le cas de la maturation d’Ostwald, les plus petites particules dépensent leur grande énergie de surface en se dissolvant au profit de leur redéposition sur des particules de plus grande taille (figure 1.7b) [18].

Figure 1.6 – Diagramme de LaMer représentant les phases de la synthèse de nanoparticules par précipitation contrôlée

Figure 1.7 –Processus se produisant à la suite de la nucléation et de la croissance de nanocristaux. La coalescence (a) résulte de l’agglomération de deux petites particules alors que la maturation d’Ostwald (b) découle d’un phénomène de resolubilisation des petites particules et de leur redisposition sur de plus grandes particules.

À la fin de la synthèse, les cQDs sont lavés dans un mélange de méthanol et d’éthanol par centrifugation et sont redispersés dans l’hexane. À noter que les cQDs sont en suspension dans le solvant et non pas dissous, c’est pourquoi le terme dispersion de cQDs sera préféré au terme solution. La dispersion de cQDs dans l’hexane est ensuite à nouveau centrifugée afin d’enlever les déchets de synthèse. La production des cQDs est effectuée dans un solvant donné, l’hexane dans notre cas, mais il y a une possibilité de redisperser les cQDs dans d’autres solvants comme le toluène, l’alkylbenzène et l’eau. Parfois, cela nécessite un échange de ligands pour que les cQDs demeurent en suspension colloïdale dans le nouveau solvant, comme c’est le cas pour l’eau.

Les ligands sont des molécules organiques qui se lient aux liaisons réactives à la surface des cQDs. Ils créent une interface avec le milieu, permettent de changer la fonctionnalité chimique de la surface et de garder les cQDs en suspension colloïdale. Le tableau 1.1 regroupe des ligands pertinents dans le cadre de la thèse. Deux d’entre eux, l’acide oléique et le TOPO, sont notamment utilisés dans la majorité des synthèses faites pour obtenir les échantillons testés dans le projet. Les ligands sont des entités labiles, c’est-à-dire que la création des liens avec les atomes de la surface du point quantique est réversible. En effet, il existe un équilibre thermodynamique entre les états liés et libres qui permet l’attachement des ligands à la surface. Une redispersion de cQDs dans un solvant, après que ceux-ci aient été précipités, peut par exemple causer une perte de ligands à la surface des cQDs et résulter en une diminution de leur stabilité colloïdale et de leur rendement quantique.

Table 1.1 – Exemples de quelques ligands utilisés dans la synthèse de nanocristaux

Nom Formule chimique Particularités

Acide oléique CH3(CH2)7CH=CH(CH2)7COOH Efficace à la fois dans les

solvants polaires et non polaires

Oxyde de trioctylphosphine [CH3(CH2)7]3PO Ligand compatible avec les

(TOPO) solvants organiques

Possède un haut point d’ébullition

Trioctylphosphine (TOP) [CH3(CH2)7]3P Peut être utilisé en combinaison

avec le TOPO pour obtenir

une meilleure passivation de surface

Acide dihydrolipoïque (DHLA) C8H16O2S2 Permet de disperser les cQDs

dans l’eau

Croissance des coquilles

Les ligands peuvent être utilisés pour passiver la surface des cQDs, cependant ce sont des composés labiles et leur stabilité dépend de la force de liaison avec les atomes de surface des nanocristaux et de leur stabilité dans le solvant même. Un autre moyen d’obtenir une passivation de surface plus efficace est de rajouter des coquilles de semi-conducteurs autour du coeur du point quantique. Les ions de semi-conducteurs se lient de façon plus permanente à la surface du point quantique que les ligands. Les ligands sont tout de même utilisés en combinaison avec les coquilles de semi-conducteurs afin de profiter de leurs autres rôles comme la stabilisation des cQDs en suspension et la fonctionnalisation de leur surface.

L’ajout d’une ou plusieurs coquilles modifie la distribution du confinement quantique des porteurs de charge dans les différents matériaux du système coeur/coquille dépendamment de l’alignement de la structure de bande des semi-conducteurs. Trois types distincts de sys- tème sont répertoriés. La figure 1.8 montre une représentation schématique de l’alignement de bandes pour chaque type. Le type I présente des barrières de confinement qui permettent de contraindre la position de l’électron et du trou dans le coeur même du point quantique puisque la largeur de bande de la coquille est plus grande que celle du coeur. De cette façon, le coeur est physiquement séparé du milieu environnant ce qui permet de mieux préserver les propriétés optiques du point quantique. L’ajout d’une coquille dans un tel système déplace le pic excitonique d’absorption et la longueur d’onde d’émission de 5 à 10 nm vers le rouge dû à une fuite partielle de la fonction d’onde de l’exciton dans le matériau de la coquille. Les cQDs utilisés dans le cadre de cette thèse font partie de cette catégorie. Dans le cas du type II, l’électron et le trou se trouvent dans différentes régions, les barrières de confinement de la coquille n’arrivant pas à couvrir complètement l’étendue du potentiel présenté par les niveaux d’énergie du coeur. Cela se traduit par la localisation du bord de la bande de valence ou de la bande de conduction de la coquille dans la bande interdite du coeur. La croissance d’une coquille dans ce système amène un déplacement important de la longueur d’onde d’émission vers le rouge. Pour ce qui est du dernier cas, le type I inversé, l’électron et le trou sont partiel- lement ou complètement confinés dans la coquille puisque la largeur de bande de la coquille est plus petite que celle du coeur. Le degré de confinement dépend de l’épaisseur de la coquille. Cette dernière détermine ainsi la longueur d’onde d’émission du point quantique [20].

Coeur Coquille Électron Trou E E

Type I Type I inversé

Type II Type II

Figure 1.8 – Schéma des alignements de bande dans les divers systèmes coeur/coquille

Pour obtenir une passivation efficace à l’aide d’ions de semi-conducteurs, il est nécessaire de bien contrôler l’épaisseur de la coquille, car si celle-ci est trop mince, la passivation sera in- efficace. À l’opposé, si la coquille est trop épaisse, il y aura une dégradation des propriétés optiques à cause de la pression induite par la discordance des paramètres de maille des maté- riaux du coeur et de la coquille (pression communément appelée strain dans les publications scientifiques). De plus, il est possible qu’il y ait création d’états de piège résultant des défauts dans le réseau cristallin, ce qui viendrait réduire le rendement quantique des cQDs.

Un moyen de réduire l’effet de la pression de discordance des paramètres de réseau consiste en l’utilisation de plusieurs coquilles composées de matériaux aux paramètres de maille similaires permettant une transition plus continue des paramètres du coeur vers celui des coquilles. Les coquilles placées directement après le coeur serviront donc à adapter plus graduellement le pas du réseau et la coquille externe conservera le rôle de passivation de surface. Toutefois, il est important de considérer également l’alignement de la bande interdite entre les cristaux ce qui résulte souvent en un compromis sur l’adaptation des paramètres de maille [21,22]. La technique utilisée pour faire la croissance des multiples coquilles se somme SILAR, un acronyme pour successive ion layer adsorption and reaction. La croissance des coquilles se fait à l’aide d’injections de précurseurs des éléments qui les composeront. Chaque coquille est créée une monocouche (une seule couche de molécules ou d’atomes) à la fois, c’est un des principes fondamentaux de la technique SILAR. Les injections alternent entre précurseurs cationiques et anioniques afin que les monocouches « collent » les unes aux autres par adsorption, c’est-à-dire par la fixation d’atomes ou de molécules sur une surface solide. La quantité de précurseurs à ajouter est calculée connaissant la surface que les atomes ont à recouvrir, dans ce cas-ci l’aire d’une sphère, en une monocouche. L’épaisseur de chaque coquille peut alors être déterminée

par le nombre de monocouches apposées [23].

1.1.4 Luminescence