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Chapitre 5 – Discussion générale

5.1. Synthèse des résultats

Le premier article inclus dans la thèse (Chapitre 3) visait à comparer, sur la base du RPDM, le processus d’anticipation des experts identifiés comme décideurs clés (passeurs) et celui des autres experts. Dans cette étude, les participants pouvaient expliquer verbalement comment ils répondraient à des situations issues de leur domaine d’expertise. Ainsi, au moment de l’interruption d’une séquence vidéo de volley-ball, les participants devaient répondre à quatre questions : (a) Que feriez-vous face à cette situation de jeu?, (b) Que regardiez-vous?, (c) À quoi pensiez-vous? et (d) Qu’est-ce qui vous a mené à prendre cette décision? Les

participants avaient l’occasion de s’entraîner à répondre aux questions à l’aide de dix séquences vidéo de soccer, pour lesquelles ils recevaient des rétroactions quant à la justesse de leurs verbalisations. Une fois toutes les verbalisations recueillies, elles ont été codifiées en fonction des sous-produits et des variations du RPDM et transformées en score de ressemblance avec ce modèle.

Les résultats révèlent que comparativement au processus d’anticipation des autres experts, celui des passeurs tend à se conformer davantage au RPDM et ce, face à des situations de réception, d’attaque et de contre. De plus, les passeurs et les autres experts se conforment davantage au modèle que les contrôles lors du visionnement de tous les types de séquences de jeu; la seule exception à cette règle concerne la comparaison, en réception, entre autres experts et contrôles. Étant donné les scores plus élevés des deux groupes d’experts par rapport aux contrôles, l’Étude 1 indique la pertinence du RPDM pour expliquer spécifiquement le processus d’anticipation d’experts. Les résultats corroborent ceux obtenus non seulement au volley-ball lorsque le participant est l’acteur principal des décisions prises (comparativement à l’anticipation de l’action d’autrui; Macquet, 2009), mais aussi dans d’autres sports comme le hockey sur glace (Bossard et al., 2010; Mulligan et al., 2012), le soccer (Kermarrec & Bossard, 2014) et le handball (Le Menn et al., 2019). Les résultats les plus importants de cette étude sont toutefois ceux en lien avec les différences entre les passeurs et les autres experts qui montrent la pertinence du RPDM pour expliquer spécifiquement le processus d’anticipation d’individus ayant une responsabilité décisionnelle. Outre l’étude de Klein (1989) ayant initialement permis d’élaborer le RPDM à la suite d’entretiens avec des pompiers commandants, l’étude incluse dans la thèse semble être la première à porter spécifiquement sur des individus ayant une responsabilité décisionnelle par rapport à leurs pairs. Les présents résultats ajoutent même à la qualité de la démonstration, tant en termes de modèle d’expertise qu’en termes de modèle de responsabilité décisionnelle spécifique, étant donné la quantité de participants recrutés et la présence d’un groupe contrôle. Le cas de figure du volley-ball peut donc servir à identifier des décideurs clés sur la base de leur responsabilité décisionnelle, du moins lorsqu’on leur présente des séquences vidéo.

Le second article inclus dans la thèse (Chapitre 4) avait aussi pour but de comparer des experts issus d’un même domaine sur la base de leur responsabilité décisionnelle, mais sur des mesures plus objectives d’attention sélective et d’efficacité d’anticipation. Encore une fois, le volley-ball a été choisi étant donné qu’il est possible d’y identifier des joueurs ayant une responsabilité décisionnelle (passeurs). Cette étude présente des résultats obtenus auprès des mêmes participants que ceux de la première étude lors du visionnement des mêmes séquences vidéo. Toutefois, les mesures présentées sont différentes, puisque l’attention sélective était mesurée à l’aide d’un appareil du suivi des mouvements oculaires, alors que l’efficacité d’anticipation était mesurée à l’aide du paradigme d’occlusion temporelle. Les mesures retenues pour quantifier les mouvements des yeux sont le nombre de fixations oculaires, la durée moyenne des fixations, l’endroit où se situent ces fixations et le moment où elles arrivent. L’efficacité d’anticipation renvoyait à la capacité des participants à prédire l’endroit, sur l’écran, où le ballon irait après l’occlusion.

Globalement, les résultats ont révélé que les passeurs effectuent moins de fixations oculaires que les contrôles, mais que la durée moyenne de leurs fixations est similaire. De plus, les passeurs font plus de fixations que les autres experts et ces fixations sont plus courtes. Ces résultats pourraient laisser croire que l’attention sélective des passeurs et celle des contrôles face à des situations de volley-ball se ressemblent, alors que les autres experts seraient dans une catégorie à part. Pourtant, les résultats montrent aussi que les passeurs et les autres experts sont aussi efficaces pour anticiper la direction du ballon et qu’ils sont tous les deux généralement meilleurs que les contrôles. La nouveauté principale issue de cette étude réside dans l’analyse dynamique des mouvements des yeux, soit le moment et l’endroit de chaque fixation. Ce type d’analyses ne semble pas encore très populaire auprès des chercheurs en sciences du sport (pour exceptions, voir Button et al., 2011; Vansteenkiste et al., 2014), même s’il s’agit d’une puissante méthode pour déterminer les chemins attentionnels qu’il est préférable d’emprunter pour en arriver à mieux anticiper ce qui suit. Cette stratégie a permis de mieux comprendre où se situent les différences entre les passeurs et les contrôles, puisque les

passeurs et les autres experts tendent à regarder les mêmes indices visuels au même moment, mais pas toujours les mêmes que les contrôles. Un exemple relève des séquences de passes, où les deux groupes d’experts ont accordé beaucoup d’attention au haut du corps du passeur adverse (probabilité d’environ 0,45), et ce, assez tôt dans les séquences. À l’inverse, les contrôles ne semblaient pas préférer une région visuelle plus qu’une autre. De tels résultats montrent que les passeurs constituent un groupe d’experts à part, ayant leur propre façon de traiter les informations visuelles, mais sans pour autant mieux ou moins bien anticiper la direction du ballon que les autres experts. Une intégration des résultats des deux études s’avère pertinente afin de bien comprendre dans quelle mesure les passeurs se distinguent des autres experts et de quelle façon ces distinctions pourraient aider les jeunes joueurs de volley-ball à avoir de meilleures performances.