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4. Pratiques sédatives en situation palliative terminale

4.3 Synthèse de la démarche décisionnelle médicamenteuse

Soulignons tout d’abord que, de manière générale, les auteurs soulignent un manque de preuves de qualité pour appuyer toute recommandation de médicament pour des sédations en situation palliative (265, 381, 382). La littérature existante suggère néanmoins globalement la démarche décisionnelle suivante.

Les caractéristiques des études sur les pratiques médicamenteuses pour les sédations en situation palliative terminale sont présentées en annexe 5.

4.3.1 Benzodiazépines : médicaments de première intention

De nombreuses recommandations fournissent des indications sur des médicaments pour une sédation en situation palliative (261, 265, 274, 279, 322, 361, 381, 383, 384).

Parmi elles, six indiquent le midazolam en première intention, parfois pour des situations spécifiques (265, 274, 279, 322, 361, 384).

Ces recommandations sont cohérentes avec les données de la littérature concluant à l’intérêt du midazolam pour la sédation en phase terminale (281, 319, 331, 369, 385). Les articles rapportent de fait globalement que le midazolam est la drogue la plus utilisée (261, 381).

Néanmoins, ces recommandations ne reposent pas sur des essais cliniques contrôlés comparant le midazolam avec d’autres médicaments. Du fait de sa large utilisation, certains auteurs soulignent de plus des mésusages quant aux doses et modalités d’administration du midazolam (386). Enfin, d’autres benzodiazépines à demi-vie plus longue telles que le diazépam, le lorazépam ou le clorazépate sont rapportées dans les articles (381, 387, 388). Le diazépam et le clorazépate en particulier ont été récemment envisagés pour la mise en œuvre des sédations profondes et continues maintenues jusqu’au décès en France, dans la mesure où dans ce contexte, un réveil n’est pas recherché (3).

La question d’un échec du midazolam y est à discuter à tout moment mais il existe deux seuils posologiques repères qui doivent susciter la discussion : 5 mg/h et 10 mg/h. Une augmentation de la posologie de midazolam peut alors être envisagée. Les autres causes d’agitation (douleur, constipation, globe vésical) doivent être éliminées ou traitées (347).

4.3.2 Traitements symptomatiques associés recommandés

L’association de plusieurs médicaments, en particulier des benzodiazépines avec un opioïde en cas de syndrome douloureux ou de détresse respiratoire (297), ou avec un neuroleptique ou barbiturique en cas d’agitation, est fréquemment rapportée (276, 389, 390). L’association de morphine et de diazépam a ainsi été décrite dans un contexte de sédation profonde et continue pour arrêt de ventilation mécanique chez des patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (391). Les sédations pour prémédication de soins chez des patients grands-brûlés associent plus fréquemment des perfusions d’opioïdes à celles de benzodiazépines du fait du syndrome douloureux sous-jacent (392). Comme pour les benzodiazépines, un besoin d’augmentation des doses d’opioïdes en cours de sédation est parfois observé, en particulier à l’approche du décès (295, 393).

L’utilisation des opioïdes seuls n’est pas recommandée à visée sédative (394, 395). Cette pratique persiste néanmoins, notamment à domicile (396, 397). Les opioïdes doivent néanmoins être

poursuivis chez des patients sédatés et précédemment traités par ces médicaments (288, 293, 383).

4.3.3 Neuroleptiques sédatifs et phénobarbital : options médicamenteuses en deuxième intention

Pour le collège des médecins du Québec, l’ajout d’un agent de deuxième ligne est recommandé en cas de besoins de doses élevées de midazolam (20 mg/24 h) (288)(14). Les recommandations françaises précisent en outre qu’il n’est pas logique de remplacer une benzodiazépine par une autre en cas d’échec d’une première (373). Une potentialisation des effets des benzodiazépines et des opioïdes par les neuroleptiques est alors souvent proposée (347).

Les neuroleptiques sédatifs (chlorpromazine, levomépromazine, méthotriméprazine) sont ainsi proposés en seconde intention en cas d’insuffisance d’une benzodiazépine. Les neuroleptiques antipsychotiques tels que l’halopéridol ne sont globalement pas recommandés pour une sédation dans la littérature, bien qu’ils soient généralement poursuivis chez des patients sédatés et précédemment traités par ces médicaments (383, 395).

Les neuroleptiques sont néanmoins parfois décrits en première intention, notamment en cas d’états d’agitation délirante (261, 265, 274, 279, 361, 381, 383, 384, 398). Ils ne sont pas recommandés en cas d’antécédents ou de risques épileptiques (288)(14).

Les barbituriques sont également suggérés en tant que médicaments alternatifs dans six recommandations en cas d’inefficacité du midazolam seul (261, 265, 274, 279, 322, 361, 381, 383).

Cependant, globalement, la littérature ne recommande plus les barbituriques à l’exception du phénobarbital. Du fait de ses effets anti-convulsivants, ce médicament est adapté aux situations d’états de mal épileptiques réfractaires aux benzodiazépines ou autres traitements anti-convulsivants, situation dans laquelle les neuroleptiques sont contre-indiqués (265, 288).

4.3.4 Anesthésiques : médicaments de dernière intention

Les anesthésiques généraux sont réservés aux cas réfractaires aux agents précédents, donc en troisième intention. Le propofol est mentionné dans quatre recommandations en tant que médicament sédatif de dernier recours (261, 265, 381, 384). Son utilisation en sédation palliative est en croissance dans certaines structures de soins palliatifs en cas de tolérance aux benzodiazépines et antipsychotiques (347, 399, 400).

Le propofol a été évoqué comme médicament pour la réalisation des sédations profondes et continues (283). Cependant, les études récentes en situation palliative ont été réalisées pour des sédations transitoires, en prémédication de soins douloureux, sur le modèle de son utilisation pour les sédations pré-endoscopiques. Les modalités d’utilisation dans le contexte de sédations prolongées en situations palliatives ne sont donc pas encore établies (340) et les doses recommandées très variables d’une référence à l’autre (3).

Malgré ses limites, la littérature soutient la possibilité pour un soignant non anesthésiste d’utiliser cette molécule sédative chez des patients non ventilés mécaniquement après formation et en respectant des dosages définis (343). À ce jour, dans une enquête belge récente, aucun médecin généraliste ne déclarait l’utiliser (363).

Le gammahydroxybutyrate de sodium IV est aussi proposé. Il expose cependant au risque de réveil brutal, notamment en cas d’interruption de l’administration. En cas de sédation SC, la kétamine est aussi décrite, ainsi que la dexmédétomidine, malgré un manque de recul pour cette dernière (347).

4.3.5 Éléments organisationnels à prendre en compte

Le lieu de prise en charge conditionne les produits utilisables, les capacités de surveillance et donc la démarche décisionnelle médicamenteuse. La formation et l’expérience des médecins référents soins palliatifs et de l’équipe soignante interviennent également.

Dans une unité hospitalière comportant ou non des lits de soins palliatifs, toutes les voies sont utilisables mais le choix des produits est conditionné par leur disponibilité, l’expérience de l’équipe médicale et soignante, la collaboration avec d’autres équipes formées à l’usage de certaines molécules. Enfin, en institution ou à domicile, la voie sous-cutanée est la voie d’administration la plus accessible.