• Aucun résultat trouvé

4. Pratiques sédatives en situation palliative terminale

4.1 Contexte

4.1.3 Classification

Les indications sont donc bien décrites dans la littérature. Les pratiques sédatives peuvent néanmoins varier, y compris pour une même indication. Afin de pouvoir classer ces pratiques, la durée des sédations est souvent utilisée. Les caractères intermittent ou continu, proportionnel ou soudain et profond ou léger des sédations sont ainsi régulièrement utilisés pour différencier les pratiques sédatives (301-303). La définition de la sédation par la SFAP reprend également la caractéristique de durée de la sédation, possiblement « intermittente, transitoire ou continue » (1).

Récemment, un groupe de travail national de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs a défini une typologie des sédations à visée palliative en phase terminale, appelée SEDAPALL (304). Cette classification caractérise la sédation selon trois composantes :


la durée prescrite de la sédation : transitoire, indéterminée, ou maintenue jusqu’au décès (codées respectivement D1, D2, D3). Ce paramètre conditionne la nature de la réversibilité de la sédation ;

20 Cf. article 37-3 (article R.4127-37-3 du Code de la santé publique), disponible sur le site du Conseil national de l’Ordre des médecins :

https://www.conseil-national.medecin.fr/code-deontologie/devoirs-patients-art-32-55/article-37-3-sedation-profonde

la profondeur attendue : proportionnée ou d’emblée profonde (codées respectivement P1, P2) ;

le consentement : non obtenu, obtenu de manière anticipée, obtenu au moment de la sédation ou sous forme de demande expresse de la part du patient (codés respectivement C0, C1, C2, C3).

Réalisée à la suite de la loi ouvrant le droit à la SPCMD en France, cette classification ne caractérise pas les sédations en fonction du résultat effectif mais en fonction de l’intention initiale.

Ainsi, les sédations souhaitées réversibles (de durée indéterminée) comme celles souhaitées non réversibles (maintenues jusqu’au décès) peuvent l’une et l’autre donner lieu dans les faits à des sédations continues jusqu’au décès, un décès pouvant en effet survenir au cours d’une sédation initialement réversible.

Ces données de la littérature invitent à appuyer le travail de recommandations des pratiques médicamenteuses relatives aux sédations en situation palliative terminale sur les éléments de durée, de proportionnalité et de profondeur. Le caractère intermittent interrogeant l’utilisation de doses d’induction et/ou d’entretien, la notion de proportionnalité étant liée à la réalisation ou non d’une titration et la profondeur renvoyant aux médicaments utilisés et leurs doses ainsi qu’à l’évaluation du niveau de vigilance.

Durée

La littérature décrit le caractère potentiellement transitoire ou continu (réversible ou non) d’une sédation en phase terminale (265, 266). Le terme de sédation intermittent est également utilisé. La distinction entre sédations intermittentes et transitoires n’est pas toujours évidente dans les articles. En français, le terme transitoire, contrairement à celui d’intermittent, n’implique pas de notion de répétition.

Sédation transitoire

Les sédations transitoires sont souvent associées à la prémédication de soins anxiogènes et/ou douloureux. Cette sédation correspond alors à la réalisation d’un bolus de médicament(s) à visée hypnotique, induisant une altération de la vigilance de fait transitoire en l’absence de dose d’entretien.

La classification SEDAPALL associe de plus le terme « transitoire » aux sédations pour soulagement d’insomnies réfractaires. Leur distinction avec des sédations intermittentes peut devenir délicate si ces sédations tansitoires sont répétées chaque nuit.

De plus, certains auteurs qualifient aussi de transitoires des sédations pour souffrances psycho-existentielles ou pour arrêts de suppléance vitale avec risque de symptômes aigus (305). Ces types de sédations impliquent pourtant le plus souvent une dose d’entretien et paraissent alors plutôt correspondre à des sédations continues.

La classification SEDAPALL qualifie de sédations « réversibles » les sédations d’urgence pour symptômes intenses (304), suggérant ainsi qu’elles sont forcément continues. En pratique, ces sédations peuvent donner lieu à des titrations sans dose d’entretien, donnant juste le temps aux soignants de réadapter les traitements symptomatiques de fond pour assurer le soulagement du patient à son réveil.

Une poursuite de la réflexion sur les liens entre les pratiques médicamenteuses (induction +/- dose d’entretien) et les typologies de sédation transitoire et intermittente est nécessaire.

Sédation réversible

Dans la littérature, les sédations dites réversibles sont souvent associées aux sédations dites de répit contre les souffrances psycho-existentielles réfractaires. Inspirées des pratiques issues de la psychiatrie, ces sédations sont destinées à interrompre un cycle de peur, fatigue et/ou insomnie et à récupérer suffisamment de force psychologique pour rendre à nouveau supportable les difficultés existentielles (306).

Les recommandations indiquent que la période sans sédation permet de ré-évaluer avec le patient et ses proches l’efficacité et la technique de la sédation au-delà des explications théoriques (1).

Elle est aussi l’occasion d’estimer la souffrance psycho-existentielle résiduelle et le besoin de nouvelles périodes de sédation (307).

Cette technique de sédation ne se limite pas dans la littérature aux symptômes psycho-existentiels. Les sédations réversibles sont ainsi recommandées pour tout type de symptômes réfractaires en phase terminale. Comme pour la sédation transitoire, le temps de sédation intermittente permet l’adaptation des traitements symptomatiques par les soignants et donne du répit au patient, diminuant ainsi la souffrance psychique intriquée. Les symptômes réfractaires peuvent ainsi parfois redevenir accessibles à des traitements après une sédation réversible (transitoire ou intermittente) et ce, même si les causes du symptôme sont toujours présentes. Les sédations pour symptômes réfractaires ne sont donc pas toujours continues jusqu’au décès dans la littérature (1).

Sédation maintenue jusqu’au décès (irréversible)

Les sédations continues, maintenues jusqu’au décès, ont été décrites dans la littérature avant la promulgation de la loi définissant la SPCMD. Dans la littérature, ces sédations se caractérisent par l’intention, dès l’initiation, qu’elles soient poursuivies jusqu’au décès et sont souvent décrites sous le terme de sédations profondes et continues (266). Contrairement aux sédations intermittentes, la ré-évaluation du besoin de sédation n’est pas possible.

Elles diffèrent ainsi des sédations transitoires et intermittentes (réversibles), y compris en cas de décès intercurrent. Pour ces raisons, avant la promulgation de la loi Claeys-Leonetti de 2016, les auteurs soulignaient l’importance que ce type de sédation soit exceptionnelle, en dernier recours, et réservé aux patients à risque vital à court terme (308-311).

Profondeur

La littérature décrit habituellement trois niveaux de sédation : légère, intermédiaire et profonde.

Une sédation légère permet au patient d’être conscient, le niveau de vigilance étant diminué jusqu’à un état de somnolence avec communication verbale ou non verbale possible. Une sédation de niveau intermédiaire rend le patient endormi ou stuporeux, il peut alors être réveillé pour communiquer brièvement. Le niveau de sédation profond consiste à rendre le patient inconscient sans communication verbale ou non verbale possible (265, 279).

L’induction du niveau souhaité de sédation peut être progressive à l’aide d’une titration. Ces sédations proportionnelles constituent la pratique d’administration médicamenteuse la plus courante et reste la plus recommandée en situation palliative terminale (312). La diminution du niveau de vigilance décrite lors de ces sédations proportionnelles est comprise entre -1,2 et -1,7 point sur l’échelle de Richmond (RASS) (313).

Dans certaines situations, une sédation profonde d’emblée est délibérément recherchée (293, 295, 314, 315). Ces sédations soudaines induisent une perte rapide de vigilance (301). La diminution du niveau de vigilance àl’induction décrite lors de ces sédations profondes d’emblée est comprise entre -1,4 et -3,7 points sur l’échelle de Richmond (RASS) (313).

L’inconscience est alors l’objectif. Elle n’est plus considérée comme un effet indésirable qui serait toléré mais à limiter (notion de double effet). Comme pour la durée, certains auteurs soulignent l’importance que ce type de sédation soit réservé aux patients avec risque vital à court terme (dont les situations d’arrêt de traitement de maintien en vie) afin de préserver l’équilibre entre bénéfices et risques. Certains auteurs soulignent l’attention particulière à porter aux pratiques médicamenteuses associées à ces sédations, afin d’aider à la distinction entre sédation palliative, suicide-assisté et euthanasie (288, 308, 309, 316-318).