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Modalités spécifiques de l’utilisation à domicile des médicaments de l’antalgie des douleurs

3.1 MEOPA

Le MEOPA est sortie de la réserve hospitalière depuis 2009 avec comme indications (AMM) :

analgésie lors de l’aide médicale d’urgence : traumatologie, brûlés, transport de patients douloureux ;

analgésie des actes douloureux de courte durée chez l’adulte et l’enfant, notamment ponction lombaire, myélogramme, petite chirurgie superficielle, pansements de brûlés, réduction de fractures simples, réduction de certaines luxations périphériques et ponction veineuse ;

sédation en soins dentaires, chez les enfants, les patients anxieux ou handicapés.

Un plan de gestion de risque a été mis en place pour accompagner la sortie de la réserve hospitalière avec17 :

la réalisation d’une surveillance de pharmacovigilance et de pharmacodépendance renforcée avec :

l’incitation des professionnels de santé à notifier les effets indésirables, les cas d’abus, de pharmacodépendance, d’usage détourné et de mésusages liés à l’utilisation du MEOPA,

pendant les 2 premières années, la transmission semestrielle à l’Afssaps des rapports périodiques actualisés de pharmacovigilance accompagnés de la synthèse française des cas rapportés, du bilan des consommations et des conditions d’utilisation du produit ;

la sécurisation et la traçabilité de la distribution et de la récupération, avec notamment la vérification à la commande de la qualité et de la formation du demandeur* ;

la sécurisation et traçabilité de l’utilisation : volumes des bouteilles limités à 5L et sécurisation des bouteilles ;

la réalisation d’un plan de formation des professionnels : médecins, pharmaciens et personnel soignant ;

la mise à disposition d’un document d’information destiné aux patients (en cas de stockage à domicile).

Le suivi du Comité technique des centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance18 de l’ANSM rapporte l’évolution du MEOPA entre 2013 et 2016, à savoir une nette augmentation d’utilisation intra-hospitalière mais également hors hopital (respectivement + 30 % et + 230 %). Les ventes en ville semblent s’accélérer depuis 2017 avec une hausse de près de 25 % vers les dentistes et de plus de 120 % vers les médecins de ville. Douze cas d’abus ou de dépendance ont été remontés. Cependant, l’utilisation dans le cadre du cancer n’est pas spécifiée. La plupart des utilisations semblent être la drépanocytose.

Une étude prospective menée par Gatbois en 2011 est disponible sur le site Internet du CNRD (253). Il y est exposé l’utilisation du MEOPA sur 275 gestes douloureux dans neuf HAD. Soixante-seize pour cent des patients ont été satisfaits ou très satisfaits.

Une thèse d’exercice menée par Verrat en 2012 fait un état des lieux de l’utilisation du MEOPA dans le 11e arrondissement de Paris (254). Sur les 145 médecins généralistes contactés, 49 ont répondu au questionnaire téléphonique ; sur les 99 IDE, 38 ont répondu. Pour la présence de

17 Cf. médicaments à risque d’usage détourné ou de dépendance : MEOPA : ANTASOL, ENTONOX, KALINOX, OXYNOX. ANSM, 2012.

https://www.ansm.sante.fr/Activites/Surveillance-des-stupefiants-et-des-psychotropes/Medicaments-a-risque-d-usage- detourne-ou-de-dependance/Medicaments-a-risque-d-usage-detourne-ou-de-dependance/MEOPA-ANTASOL-ENTONOX-KALINOX-OXYNOX

18 https://www.ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/ce8ce8158f1d0a7427961adc5d9bc54b.pdf

soins douloureux, avec un traitement antalgique insuffisant (situation rencontrée pour 76 % des interrogés), plus de 89 % estimaient le MEOPA utile en libéral. Les freins retrouvés pour les médecins généralistes sont : l’évolution de l’activité libérale (moins d’acte de petites chirurgies etc), peu de temps pour suivre des formations et surtout pas de tarification de l’acte. La thèse pointe du doigt l’approvisionnement et le stockage de bouteille (qui l’achète, qui la stocke ?),l’absence de dérogation tarifaire en ville.

Capriz, en 2012, souligne le grand intérêt du MEOPA pour une utilisation en EPHAD chez le sujet âgé (255). Il est utilisé pour le nursing, les mobilisations, les pansements et les ponctions. L’étude explore les connaissances, les craintes et les freins à son utilisation en structure d’hébergement pour personnes âgées. Les freins principaux identifiés sont :

les besoins en formation pratique ;

l’absence d’indication au sein de la structure de soins ;

l’absence de médecin formé sur place ou l’indisponibilité du MEOPA dans l’unité ;

les craintes à son utilisation.

Ainsi, aucune donnée spécifique sur l’utilisation du MEOPA dans le cadre de la douleur liée au cancer n’est spécifiquement rapportée au domicile. Malgré une ouverture d’accès, et une augmentation de vente en ville, des freins à l’utilisation sont retrouvés. Ce type de traitement trouve toute sa place, notamment pour les patients au domicile ou en EPHAD nécessitant des soins d’hygiène devenus douloureux.

Avis du groupe de travail

Malgré son intérêt en première intention, les contraintes actuelles de transport, de stockage et d’administration freinent son utilisation à domicile et en établissement médico-social. En situation palliative, pour respecter le souhait des patients concernant le maintien à domicile et éviter les hospitalisations inadéquates, l’accès au MEOPA devrait être facilité.

3.2 Kétamine

Peu d’éléments permettent de juger l’efficacité de la kétamine au domicile. Son utilisation reste possible dans le cadre d’une hospitalisation à domicile (HAD), avec rétrocession hospitalière de la kétamine. Une étude rapporte un cas clinique d’utilisation en intraveineux (256).

Ainsi, au vu des données présentées dans le chapitre 1.4.1., l’instauration sera préférable en milieu hospitalier avec une surveillance adéquate par une équipe spécialisée. En fonction de la réponse, le traitement pourra être poursuivi au domicile via une HAD.

Avis du groupe de travail

Le suivi peut être réalisé à domicile, en EHPAD ou autre établissement médico-social, par un professionnel de santé expérimenté, en lien avec une structure douleur et/ou soins palliatifs et le recours éventuel à une HAD. Le médecin généraliste est partie prenante et doit être informé.

3.3 Méthadone

Selon le RCP de la méthadone11, le renouvellement de la méthadone, une fois stabilisée dans le dosage, est réalisé par n’importe quel médecin en lien avec l’équipe hospitalière spécialisée l’ayant instaurée.

Pour l’instauration ambulatoire, des études descriptives de cet usage sont disponibles.

Sept études soutenant l’instauration ambulatoire, trois prospectives, dont deux contrôlées, et quatre rétrospectives, réunissant 845 patients, ont été retrouvées.

En 1996, De Conno propose une étude rétrospective monocentrique menée chez 196 patients avec 55 % des patients améliorés à plus de 35 % (138).

En 1998, Mercadante a réalisé une étude prospective randomisée sur 40 patients traités par morphine ou méthadone en première ligne d’opioïde fort, les traitements étant instaurés en ambulatoire (141). Il n’y avait pas de différences sur l’antalgie dans les deux groupes, mais moins d’escalades de dose ont été observées dans le groupe méthadone.

En 1999, Mercadante expose des résultats pour 45 patients en prospectif ouvert (137). Chez ces patients naïfs d’opioïdes, il a essayé d’identifier les facteurs pouvant influencer la réponse à la méthadone. Aucun facteur confondant n’a été identifié. Malgré l’absence de plus d’information, les auteurs décrivent une utilisation sûre et efficace de la méthadone lors d’une titration prudente.

En 1999, Hagen explore par une analyse rétrospective 29 patients (115). Le changement pour la méthadone en ambulatoire est un succès pour 18 patients. Seuls deux patients avaient une analgésie insuffisante, cinq ont été limités par des EI, et quatre par la progression du cancer (cf.

tableau 8).

En 2010, Parsons publie un article rétrospectif monocentrique sur 189 patients recevant de la méthadone (14) : 100 (53 %) initiations de traitement et 89 (47 %) changements d’opioïdes. Le taux de succès est de 85/100 (84 %) et 82/89 (92 %) respectivement.

En 2013, Mercadante explore rétrospectivement les changements au domicile pour 201 patients (49) : 14 ont eu un changement pour la méthadone, dix sont considérés comme un succès.

En 2016, Porta-Sales publie une étude prospective ouverte monocentrique sur 145 patients ambulatoires avec une évaluation en consultation à J7-14-28 et téléphonique à J3-9-21.

L’efficacité est objectivée sur l’EN maximale par 24 h diminuée significativement (de 9 à 6/10). Sur les 90 patients sortis d’étude à J28, il y a eu 11 analgésies invasives, 14 changements d’opioïdes, les autres patients ayant une évolution de la maladie et/ou de la radiothérapie (120).

Il semble donc possible d’instaurer la méthadone en ambulatoire. Néanmoins, l’AMM de la méthadone indique que l’instauration et la titration du traitement nécessitent l’hospitalisation du patient. Une fois que la posologie optimale a été obtenue, le traitement peut être poursuivi à domicile.

Avis du groupe de travail

Le traitement par méthadone doit être instauré en hospitalisation par une équipe spécialisée dans la prise en charge de la douleur ou des soins palliatifs.

L’instauration nécessite une surveillance particulière, notamment en raison du risque de surdosage retardé jusqu’à 7 jours après le début du traitement.

Le renouvellement du traitement pourra être effectué par un médecin généraliste.