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Synthèse avec contrôle du nombre de brins d’ADN

cules utilisées pour former les dimères. Nous retrouverons dans ce chapitre de nombreux éléments de chimie de surface détaillés dans la partie précédente. Les protocoles expéri- mentaux détaillés se trouvent en annexe.

3.2

Synthèse avec contrôle du nombre de brins d’ADN

3.2.1

Fonctionnalisation contrôlée des nanoparticules d’or

Figure 3.2 – a) Schéma d’accrochage d’un court brin d’ADN C hybridé avec deux brins allongeurs LC1 et LC2. b) Purification électrophorétique de nanoparticules d’or de 8 nm de diamètre seules (colonne 1) et après incubation avec un ADN de 100 bases C hybridé avec 0 à 4 brins allongeurs LC (colonnes 2 à 6).

Cette section s’appuie sur les résultats des travaux de Mickaël Busson et Sébastien Bidault obtenus récemment à l’Institut Langevin. Nous allons voir comment le contrôle précis du nombre de brins d’ADN attachés à une particule a été développé [19, 155] et optimisé pour des particules de diamètre supérieur à 20 nm [20]. Tout d’abord, il est nécessaire que la différence de volume hydrodynamique entre la particule seule et la particule sur laquelle est greffé un unique brin d’ADN soit suffisamment importante pour qu’elles puissent être séparées par électrophorèse.

Dans le cas d’un ADN simple brin de 100 bases accroché sur une particule de 40 nm de diamètre, la différence de volume n’est pas suffisante. La technique consiste donc à augmenter temporairement la taille (et donc le volume) des brins S ou C en les hybridant successivement avec plusieurs autres brins appelés "allongeurs", comme schématisé sur la figure 3.2a. Les billes utilisées dans la figure ne mesurent que 8 nm de diamètre mais permettent de visualiser plus clairement l’augmentation de volume hydrodynamique induit par la présence d’allongeurs successifs. Ces différents brins allongeurs Li sont des ADN

simples brins de 100 bases. Connaissant les séquences de S et C, il est possible de composer des séquences LS1 et LC1, longues de 100 bases, qui s’hybrident uniquement sur les 15 bases de S et C placées à l’opposé de la fonction trithiol.

Nous avons utilisé un logiciel commercial permettant de déterminer toutes les énergies d’interactions, spécifiques et non spécifiques, entre les différents brins considérés (Vector

NTI Advance 10). Les 15 premières bases de LS1 sont donc déterminées par la séquence de S et les 15 dernières bases sont choisies pour se lier à LS2. Les 70 autres bases sont des thymines pour que seule l’hybridation sur les 15 bases choisies soit stable à température ambiante (température de fusion typiquement entre 40 et 50oC). La même procédure est

utilisée pour définir les séquences de LS2 à LS5.

Cette technique permet ainsi d’hybrider de nombreux brins successifs afin de fabriquer une longue chaîne de plusieurs centaines de bases. Par ailleurs, les séquences de 15 bases permettant l’hybridation de deux brins successifs sont incompatibles les unes avec les autres pour maîtriser parfaitement la longueur du brin formé. Cela implique que tous les allongeurs s’hybrident dans le même ordre à chaque fois. De plus, un excès progressif est ajouté pour chaque allongeur afin d’éviter une distribution de brins d’ADN LS1→LSn de différentes longueurs dans l’échantillon. Finalement, pour minimiser le coût de la pro- cédure et compte tenu de la position de la fonction trithiol sur S (en 50) et C (en 30), nous

avons conçu ces séquences telles que LS3 et LC2 soient les même brins d’ADN.

Stabilisation colloïdale spécifique. La fonctionnalisation des nanoparticules d’or est obtenue, comme dans le chapitre précédent, en greffant des brins d’ADN thiolés sur des particules d’or stabilisées par la BSPP en présence de NaCl et d’un faible excès de BSPP. Une particularité par rapport au chapitre précédent est que chaque particule est ensuite stabilisée avec une chimie de surface différente. Dans le but d’étudier les propriétés op- tiques de dimères individuels en chambre microfluidique, on choisit les chimies de surface telles que seulement l’une des deux particules du dimère puisse se greffer sur une surface de silice fonctionnalisée, comme détaillé dans le chapitre 4.

La particule devant rester en suspension est stabilisée, comme précédemment, avec un oligomère d’éthylène glycol thiolé et méthylé (E6m) dont la formule topologique est rappelée sur la figure 3.3a. L’autre particule est couverte d’un mélange de E6m et d’un autre court oligomère de PEG thiolé à une extrémité et possédant une biotine à l’autre extrémité, que nous nommerons biotine-PEG (figure 3.3b). Ce mélange (bio-E6m) est obtenu avec un excès de E6m (x 8,3 par rapport à la quantité de biotine-PEG). Dans toute la suite, la particule d’or sur laquelle est greffé l’ADN possédant la tige-boucle S sera recouverte du bio-E6m, tandis que l’autre, associée à C, sera recouverte de E6m.

Figure 3.3 – Formules topologiques du E6m (a) et du biotine-PEG (b)

Stabilisation colloïdale non-spécifique. Comme indiqué dans les chapitres précé- dents, une certaine quantité de sel doit être présente dans la solution pour pouvoir greffer de l’ADN sur des nanoparticules d’or compte tenu de leurs charges négatives respectives.

3.2. Synthèse avec contrôle du nombre de brins d’ADN 61

Cependant, il a été démontré qu’un large excès d’ADN simple brin en solution augmentait la stabilité colloïdale des nanoparticules en présence de sel [100, 169]. Cette stabilisation est due à une adsorption non-spécifique des bases hydrophobes de l’ADN à la surface des particules d’or. La partie hydrophile chargée de l’ADN stabilise alors les nanoparticules.

En pratique, dans le protocole expérimental utilisé, le greffage d’ADN se fait par incu- bation dans une solution à 30 mM en NaCl pendant 12 heures. En l’absence d’allongeurs, des nanoparticules de 40 nm stabilisées par le BSPP ont tendance à s’agréger sur ce long temps d’incubation. Les purifications électrophorétiques donnent alors plusieurs bandes correspondant à une agrégation des nanoparticules en dimères, trimères et autres struc- tures plus larges.

En présence des allongeurs qui stabilisent les particules, l’agrégation en présence de sel est négligeable. Par conséquent, afin d’éviter une telle agrégation, un excès d’ADN simple brin est toujours ajouté pendant l’incubation en absence d’allongeurs. Cet ADN est non hybridant, c’est-à-dire que sa séquence ne reconnaît pas celles des brins thiolés se greffant à la particule, ou celles d’autres brins s’hybridant à ces derniers (comme le brin T).

Figure 3.4 – a) Purification électrophorétique de particules de 40 nm monoconjuguées avec S (co- lonne centrale) ou C (colonne de droite) et leurs allongeurs respectifs. La bande cen- trale correspond à la référence (particules seules). b) Purification électrophorétique des dimères résultant de l’hybridation des particules montrées en a).

La figure 3.4a montre la purification électrophorétique des particules de 40 nm de dia- mètre monoconjuguées par un unique brin d’ADN hybridé par ses allongeurs. Dans cette image, les bandes d’intérêt, désignées par des flèches, sont repérées car elles sont plus sombres que le reste de la bande. Les particules monoconjuguées sont ensuite extraites du gel et reconcentrées par centrifugation.

3.2.2

Formation des dimères

La formation des dimères s’effectue en mélangeant des particules fonctionnalisées en surface par les brins d’ADN complémentaires S et C ou S+T et C. Ces brins s’hybrident sur 50 bases et leur formation est donc thermodynamiquement favorisée par rapport à la séparation de S et C de LS1 et LC1. Il est possible de faire un traitement thermique à 50oC pour favoriser l’élimination des allongeurs. Dans les deux cas, la formation des

Les dimères sont ensuite purifiés par électrophorèse comme montré sur la figure 3.4b. La colonne de gauche correspond à une référence de particules non hybridées, tandis que celle de droite représente les particules après incubation. La bande la plus basse correspond aux monomères, le décalage avec la référence étant sans doute causé par l’adsorption non- spécifique d’ADN non hybridant sur les particules. La bande située au-dessus, et désignée par une flèche, correspond aux dimères et les fines bandes plus lentes correspondent à des structures plus larges (trimères, quadrimères, etc) formées par des nanoparticules résiduelles possédant plusieurs brins d’ADN à leur surface.

Après extraction de la bande correspondant aux dimères, une étude par microscopie élec- tronique cryogénique permet d’imager les dimères (figure 3.5). Une telle étude a confirmé la bonne pureté de notre synthèse, au vu des nombreux dimères imagés. Toutefois, il n’a pas été possible d’estimer précisément cette pureté à l’aide des images de cryo-EM. En effet, la densité totale de structures (monomères, dimères, trimères, etc) étant faible lors de l’expérience, nous avons préférentiellement capturé des images montrant des dimères, objet de notre étude, entraînant ainsi une surévaluation de la pureté. Toutefois, la pureté sera estimée au cours des mesures optiques en chambre microfluidique dans les chapitres 4 et 5.

Figure 3.5 – Images cryo-EM indiquant la fabrication préférentielle de dimères de 40 nm (barre d’échelle = 100 nm).