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Étude spectrale de la stabilité des dimères

5.2.1

Longueurs d’onde de résonance en fonction de la force

ionique

Pour chacune des chimies de surface, il est possible de tracer l’évolution des longueurs d’onde de résonance en fonction de la force ionique (5, 25, 50, 100, 200, 400 et 800 mM), comme sur la figure 4.5 du chapitre précédent. Les ligands comparés sur la figure 5.2 sont les deux ligands PEG (A6m et A16m) et les deux ligands alkyle-PEG possédant une terminaison en acide carboxylique (A11E6c et A6E3c). Comme nous le verrons plus tard dans ce chapitre, les courbes associées aux autres ligands alkyle-PEG courts sont très semblables à celle du ligand A6E3c et ont été retirées de la figure par souci de lisibilité.

Premièrement, nous remarquons que l’augmentation de la force ionique décale les réso- nances des dimères de nanoparticules d’or vers le rouge, correspondant à une réduction de la distance interparticule renforçant le couplage plasmon. Cette tendance se retrouve pour toutes les chimies de surface. Cela provient de l’écrantage des charges surfaciques qui diminue la répulsion électrostatique entre les particules, ainsi que de la diminution de la rigidité de l’échafaudage d’ADN à forte force ionique.

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Figure 5.2 – Évolution de la moyenne et de l’erreur-type de la longueur d’onde de résonance de dimères de particules d’or de 40 nm de diamètre, avec une tige-boucle d’ADN ouverte, en fonction de la chimie de surface des particules, après 10 minutes d’incubation à différentes concentrations en NaCl (A6m : rouge ; A16m : vert ; A11E6c : noir et

A6E3c : bleu).

ionique est fortement lié à la chimie de surface, témoignant de la grande influence de celle- ci sur les propriétés physico-chimiques des assemblages de nanoparticules. En particulier, nous voyons que la variation de longueur d’onde associée au ligand A11E6c est faible par rapport aux trois autres ligands. Ce résultat est particulièrement intéressant dans la conception de capteurs sensibles à une information chimique spécifique et utilisables sur une large gamme de forces ioniques.

Pour vérifier la reproductibilité de ce résultat, l’analyse de l’échantillon A11E6c a été effectuée à deux reprises, sur deux synthèses différentes de dimères, pour nous assurer que la faible sensibilité vis-à-vis de la force ionique en présence de ce ligand n’était pas liée à un problème de fabrication de l’échantillon ou de la chambre microfluidique.

Nous observons également que les deux ligands ’longs’ possèdent des longueurs d’onde de résonance plus petites que celles associées aux ligands courts présentant une même composition hydrophile ou amphiphile, ainsi que le même groupement terminal. Il semble donc que l’allongement du ligand entraîne un étirement des dimères.

Finalement, il y a une augmentation des erreurs-types avec la force ionique. Cette inhomogénéité croissante des réponses optiques des dimères ne peut être analysée quanti- tativement par des mesures de longueurs d’onde moyennes. Nous utilisons notre capacité à suivre l’évolution des fréquences de résonance de chaque dimère indépendamment pour analyser différents comportements morphologiques en fonction de la force ionique locale.

5.2.2

Mise en évidence de deux sous-populations de dimères

Pour s’affranchir en partie de l’inhomogénéité des tailles des particules, ainsi que de leur non-sphéricité, nous avons tracé la variation de la longueur d’onde de résonance

entre chaque force ionique et celle à 5 mM, plutôt que la longueur d’onde de résonance absolue. Les histogrammes obtenus sont présentés sur la figure 5.3a dans le cas de la chi- mie de surface A6E3c.

Figure 5.3 – a) Histogrammes de la différence entre la longueur d’onde de résonance à une concen- tration saline donnée et la longueur d’onde de résonance à 5 mM pour différentes concentrations en NaCl, pour des dimères de nanoparticules d’or de 40 nm de dia- mètre avec une chimie de surface en A6E3c. b) Histogrammes de la différence entre les longueurs d’onde de résonance à 800 et 5 mM pour différentes chimies de surface. Les histogrammes comportent deux distributions distinctes, représentées en bleu et en rouge (avec les ajustements gaussiens correspondants).

Comme attendu d’après la courbe de l’évolution des longueurs d’onde moyennes, nous observons des histogrammes centrés autour de valeurs positives de ∆λ, de plus en plus grandes lorsque la force ionique augmente. L’élargissement des distributions, lorsque la force ionique augmente, montre une plus grande dispersion des distances interparticules allant jusqu’à la formation de deux populations distinctes. En effet, à 800 mM en NaCl, l’histogramme comporte deux distributions gaussiennes de ∆λ centrées autour de 10-15 nm et 50-55 nm respectivement.

Afin de confirmer cette tendance, nous avons tracé, pour chacune des chimies de surface, l’histogramme des décalages des longueurs d’onde de résonance entre 800 et 5 mM en NaCl, comme représenté sur la figure 5.3b.

Nous remarquons que cinq des six chimies de surface présentent effectivement une dis- tribution de ∆λ en forme de double gaussienne centrée autour de valeurs similaires (15 et 50 nm environ). Le ligand en alkyle-PEG ’long’ A11E6c présente quant à lui une gaus- sienne unique centrée autour de 10-15 nm.

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triées en fixant une valeur seuil de ∆λ. Les dimères présentant un fort décalage spectral (colonnes rouges) correspondent à la "population 1", tandis que les structures présentant une plus faible variation de fréquence de résonance (colonnes bleues) sont dans la "popu- lation 2". Le tableau 5.2 récapitule la proportion de dimères appartenant à chacune de ces populations et les valeurs de seuil choisies pour chaque chimie de surface. Les dimères de la population 2, à part dans le cas particulier du A11E6c, sont moins nombreux que ceux de la population 1.

L’observation de deux populations dans ces mesures n’est pas contradictoire avec les résultats du chapitre précédent. En effet, l’étude du vieillissement rapide d’un dimère ouvert, en E6m, du chapitre précédent prenait en compte uniquement les fréquences de résonance moyennes avec un échantillon statistique plus petit qu’ici. Dans la suite, nous distinguerons et traiterons indépendamment les dimères des deux populations.

Table 5.2 – Tableau récapitulatif pour les six chimies de surface étudiées du nombre (Nb) de dimères utilisés, du pourcentage des dimères appartenant à chacune des populations 1 et 2, de la valeur du seuil définissant les deux populations et de la concentration Cmax entrainant

l’agrégation des suspensions.

Nom Nb utilisés Population 1 (%) Population 2 (%) Seuil (nm) Cmax (mM)

E6m 110 62 38 25 50 E16m 87 67 33 20 75 A6E3m 91 81 19 25 75 A6E3c 95 69 31 30 125 A6E4a 88 55 45 30 75 A11E6c 72 0 100 NA > 500

5.2.3

Longueurs d’onde de résonance en fonction de la force

ionique pour les deux sous-populations

Pour plus de clarté, nous ne représentons pas toutes les réponses optiques correspondant à chacune des chimies de surface sur un même graphique. Nous étudions tout d’abord les chimies de surface en PEG (E6m : rouge et E16m : vert) et celles en alkyle-PEG avec une terminaison en acide carboxylique (A11E6c : noir et A6E3c : bleu), et dans un deuxième temps, nous comparons les trois ligands en alkyle-PEG de même longueur, mais avec des chimies terminales différentes (A6E3c : bleu, A6E4a : cyan et A6E3m : magenta).

Nous étudions tout d’abord la moyenne et l’erreur-type de la longueur d’onde de réso- nance en fonction de la force ionique pour la population 1 (figure 5.4a-b) et la population 2 (figure5.4c-d). Nous vérifions bien que, quelle que soit la chimie de surface, les réso- nances se décalent vers le rouge lorsque la force ionique augmente et ce de manière plus importante pour la population 1 que pour la population 2. Par exemple, les résonances à 800 mM se situent entre 585 et 600 nm pour la population 1 alors qu’elles se situent entre 562 et 571 nm pour la 2. De plus, au sein-même des groupes, les courbes ont des allures assez similaires.

Figure 5.4 – Évolution de la moyenne et de l’erreur-type de la longueur d’onde de résonance des dimères de la population 1 (a et b) et 2 (c et d) en fonction de la force ionique, pour différentes chimies de surface. (Dans a et c : E6m en rouge, E16m en vert, A6E3c en bleu et A11E6c en noir. Dans b et d : A6E3c en bleu, A6E4a en cyan et A6E3m en magenta.

Cependant, on remarque à nouveau que les résonances des dimères possédant des chi- mies de surface longues (E16m et A11E6c) sont en-dessous de celles des dimères possédant une chimie de surface courte. Une explication possible est que les ligands plus longs ont ten- dance à s’aligner les uns avec les autres (comme dans les monocouches auto-assemblées), ce qui les étire et qui étire aussi le groupement trithiol (décrit dans le chapitre 1) assurant la liaison entre l’ADN et la particule. Cela entraîne alors un éloignement des particules et donc, un léger décalage vers le bleu.

Par ailleurs, la figure 5.4b montre une quasi-superposition des trois courbes pour les dimères de la population 1 stabilisés par les courts ligands alkyle-PEG, mais présentant des groupements chimiques terminaux différents. Cela signifie que ce groupement terminal n’a qu’un rôle secondaire dans la stabilité des dimères en chambre microfluidique, pour ce type de ligand. Ceci est assez étonnant car nous avions vu dans le chapitre 3, qu’en suspension, les particules recouvertes des ligands A6E3m et A6E4a s’agrégeaient vers 75 mM en NaCl, contre 125 mM pour A6E3a (les valeurs Cmax sont rappelées dans le

tableau 5.2) Il semble qu’à l’échelle d’un dimère unique, les répulsions électrostatiques dues aux charges négatives de la particule d’or soient dominantes par rapport à celles dues au ligand.

Nous observons donc une grande reproductibilité des réponses optiques des dimères ap- partenant aux deux sous-populations mises en évidence. Les différences nettes observées dans la figure 5.2 pour les fréquences de résonance moyennes en variant les chimies de sur- face correspondent donc principalement à l’importance relative des deux sous-populations.