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Syndrome clinique d’hyperactivité vésicale (SCHV)

Page 89 sur 355 2.2.4.3.2 Vitesse

2.3 Pathologies de la sensibilité vésicale

2.3.1 Syndrome clinique d’hyperactivité vésicale (SCHV)

Le syndrome clinique d’hyperactivité vésicale est défini par l’ICS en 2002 et traduit en français par un groupe d’expert, comme la présence d’une sensation vésicale anormale l’urgenturie associée plus ou moins à une pollakiurie et /ou une nycturie, sans préjuger du mécanisme physiopathologique sous jacent (5)(344). Par ailleurs, le terme de syndrome clinique d’hyperactivité vésicale suppose qu’il n’y ait pas d’infection urinaire ou une pathologie locale organique évidente.

L’urgenturie est le symptôme clé définissant ce syndrome. Ce terme a été introduit en 2004, par ce même groupe d’experts, afin de transcrire « urgency » en français : devant l’impossibilité de traduire par un seul mot la notion exprimée dans la langue anglaise par le terme « urgency », les auteurs ont décidé d’introduire un nouveau terme : “urgenturie”. L’urgenturie (Urgency) est un désir soudain, impérieux et fréquemment irrépressible d’uriner. C’est un besoin qui est anormal par sa brutalité et son intensité. Il ne s’accompagne souvent que d’une quantité urinée modérée voire faible. Il est différent de la progression normale du besoin qui passe d’une sensation de vessie remplie à une sensation d’envie d’uriner par vessie pleine.

En 2001 la prévalence du syndrome était estimée à 15.6 % pour les hommes et 17.4% chez les femmes selon Milsom (551) et 16.9% chez les femmes et 16.0% chez les hommes selon l’étude nationale américaine NOBLE (552). Selon la revue récente de la littérature menée par Milsom et al (553), la prévalence varie selon les études de 1.8 à 30.5% en Europe, 1.7 à 36.4% aux États-Unis, et 1.5 à 15.2% en Asie et pourrait atteindre 20,1% en 2018 selon Irwin et al.(7)

L’âge d’apparition des troubles est extrêmement variable mais la prévalence augmente avec l’âge (554). Il s’agit donc non seulement d’un syndrome fréquent, le plus souvent chronique, mais dont la sévérité des symptômes a tendance à s’amplifier dans le temps. Le retentissement sur la qualité de vie est important (555) (556)(557), en effet Mittman (558) montre en 1999 que les patients avec incontinence urinaire ont

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un score au Heath Utility Index 0.70 proche de celui des patients après accident vasculaire cérébral 0.68 et maladie d’Alzheimer 0.58.

Sa fréquence et le retentissement sur la productivité au travail (8)(9) en font un problème de santé publique. Plusieurs études se sont intéressées au coût économique de cette pathologie dans plusieurs pays. (559)(560)(561) Le coût direct total a été estimé par l’étude EPIC (562) dans 6 pays occidentaux et s’étendait de 333 millions de dollars pour la Suède par an à 1.2 billions de dollars par an pour l’Allemagne.

Ce syndrome dépend de multiples mécanismes physiopathologiques et étiologies différents. Des facteurs de risques (en dehors des lésions neurologiques et des lésions vésicales ont été identifiés notamment chez la femme comme la ménopause, la multiparité, la constipation, l’élévation de l’ index de masse corporelle, l’âge, les antécédents d’infections urinaires répétées, les antécédents d’hystérectomie, la présence d’un prolapsus, le diabète (563) (564)(565)(566)(567). Il est parfois sous-tendu par une hyperactivité du détrusor dans 45 à 65% des cas (568)(569) mais ne l’est pas dans de nombreux cas. En absence d’hyperactivité du détrusor (y compris en conditions facilitatrices), une des hypothèses est un dysfonctionnement de la voie afférente du contrôle mictionnel 2: sensibilité vésicale, atteinte urothéliale, voies afférentes périphériques, médullaires et intégration des informations au niveau cérébral.

De nombreuses études évoquent un mécanisme lié à une modification des fonctions urothéliales dans le SCHV idiopathique. Plusieurs récepteurs et neuromédiateurs sont exprimés en concentrations plus importantes les sujets SCHV comme l’augmentation de la libération de l’Acétylcholine (Ach) par l’urothélium (570). L’Ach non neuronale pourrait agir sur les récepteurs muscariniques urothéliaux et du détrusor, activant ainsi des afférences vésicales et déclenchant une activité contractile myogénique du détrusor. Ces deux actions déclencheraient une modulation des afférences et secondairement une initiation du réflexe mictionnel (571). D’autres auteurs décrivent également un rôle inhibiteur de l’Ach et des récepteurs muscariniques sur l’activité afférente vésicale en réponse à la distension vésicale, réduisant ainsi la compliance vésicale (572). Ainsi une augmentation de l’Ach dans le SHV idiopathique pourrait altérer la modulation de l’activité afférente vésicale ayant pour objectif une relaxation

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détrusorienne et un maintien d’une compliance élevée. Par ailleurs il existerait des modifications également de l’expression des récepteurs purinergiques P2X2 ainsi qu’une augmentation du taux de NGF urinaire chez les femmes SHV idiopathique (509)(496). L’élévation des taux de NGF pourrait entraîner une modification de l’expression des différents phénotypes de canaux Na, avec pour conséquence d’abaisser le seuil d’activation des mécanorécepteurs des afférences primaires et donc également le seuil d’activation du réflexe mictionnel. Les traitements du SCHV comme les antimuscariniques (499) et l’administration intradétrusorienne de toxine botulinique A (573) ont pour conséquence de réduire les taux de NGF Une autre hypothèse repose sur l’implication d’une population de fibres C dans la modification des afférences vésicales étant donnée l’efficacité partielle de la résinifératoxine, une neurotoxine spécifique des fibres C, décrite dans le SHV idiopathique (471). Les tachykinines pourraient jouer un rôle dans l’émergence des fibres C « capsaïcine sensibles» au niveau des voies afférentes du SHV idiopathique puisqu’une augmentation de la densité du sous urothélium en nerfs peptidergiques de la famille des tachykinines (150). Ces tachykinines, plus particulièrement la neurokinine A et B, sont responsables de l’inflammation neurogène, et pourraient participer au phénomène de sensibilisation des afférences, dont ces fibres C « capsaïcine sensibles». Les récepteurs TRPM8 seraient également surexprimés (240). Un autre mécanisme pourrait reposer sur une augmentation de l’activité contractile autonome rythmique du detrusor qui pourrait être liée à l’augmentation des cellules interstitielles (574) décrite dans le SCHV avec hyperactivité détrusorienne. Mais l’urètre et les afférences urétrales pourraient également jouer un rôle dans le symptôme urgenturie notamment lorsqu’il survient au passage à l’orthostatisme (575).

Des altérations du système nerveux autonome sont également supposées depuis la mise en évidence de l’association entre syndrome métabolique, syndrome clinique d’hyperactivité vésicale sur hypertrophie bénigne de prostate et altérations végétatives centrales (576). Plusieurs études retrouvent des altérations de la fonction végétative dans le SCHV (577) (578) (579) (580)(458)(581)(582). L’ensemble de ces études suggère un dysfonctionnement du SNA dans le SHV de la femme, mais la disparité des résultats ne permet pas de conclure.

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L’intégration cérébrale de la sensation de besoin diffère aussi chez les sujets atteints de SCHV. Griffiths et al. en 2005 (75) retrouvent une activation des zones cérébrales impliquées dans la sensation de besoin plus faible chez les sujets SCHV lors des petits volumes vésicaux, suivie d’une activation plus importante de ces mêmes aires à volume vésical plus important excepté pour le cortex orbitofrontal. Komesu et al. (583) retrouvent une activation plus importante chez les sujets SCHV du gyrus cingulaire antérieur et de l’insula à fort besoin d’uriner que chez les sujets sains.