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5. ANALYSE DES BESOINS POUR DES POLITIQUES AGROENVIRONNEMENTALES DURABLES

5.1 Acteurs clés d’une cohabitation harmonieuse

5.1.2 Syndicat agricole et agriculteurs

L’UPA, à titre de représentant syndical agricole unique au Québec, est un acteur incontournable puisqu’une grande majorité d’agriculteurs au Québec sont membres, nonobstant ceux ralliés à l’Union paysanne. Selon une étude menée par ÉcoRessources (2016) pour le compte de l’UPA, parmi les principaux obstacles qui pourraient freiner le développement des entreprises agricoles, on retrouve la concurrence étrangère (38 %), l’absence d’un filet de sécurité adéquat (36 %), les normes environnementales (36 %), les capacités de gestion ou les contraintes de temps (32 %), et l’absence de relève (28 %). En ce qui a trait aux priorités en matière d’intervention gouvernementale, l’amélioration des programmes de soutien du revenu devrait figurer en haut de la liste des priorités gouvernementales (28 %), suivie par la diminution de la lourdeur administrative et des contraintes réglementaires (23 %) (ibid.). Parmi les investissements prévus par les entreprises agricoles au cours des trois prochaines années, l’amélioration de l’efficacité énergétique et la mise aux normes environnementales sont mentionnées par plus de 20 % des répondants du secteur agricole (ÉcoRessources, 2016). L’environnement semble être perçu comme un frein par les agriculteurs malgré les nombreux efforts (Stratégies environnementales de l’UPA) mis en place par l’UPA ces dernières années pour améliorer la santé environnementale du secteur agricole (référence aux études de BPR), particulièrement la gestion des fertilisants à la ferme. Au chapitre trois, on a vu que les agriculteurs n’étaient pas toujours tenus par des objectifs de résultats mais juste de moyens, ce qui n’améliore pas les problématiques de pollution en général. Pour l’UPA, l’amélioration de la rentabilité à la ferme constitue une priorité pour la grande majorité (87 %) des secteurs du secteur agroalimentaire agricole (ÉcoRessources, 2014). Pour Benoit (2015, p. 331-332), « l’UPA négocie les changements mis en œuvre de façon à ce que la politique agroenvironnementale positionne avantageusement son organisation et ses membres et surtout qu’elle ne remette pas en question le référentiel productiviste agricole ». Les élus doivent prendre conscience qu’au-delà de la rentabilité économique des entreprises agricoles, il est de leur devoir de passer un message clair et rassembleur aux agriculteurs à savoir que « faire » de l’environnement c’est rentable à tous les niveaux : à la ferme pour les agriculteurs (référence à la gestion de la fertilisation et économies d’engrais) et pour les avantages publics qui peuvent être tirés de part et d’autre (transferts de bénéfices environnementaux), car un secteur agricole durable qui génère moins d’impacts environnementaux assure une cohabitation harmonieuse des usages et de ses usagers.

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En ce qui touche les agriculteurs, ils sont souvent, et à tort, montrés du doigt comme des pollueurs par la société et les groupes environnementaux. Certes, les activités agricoles génèrent des externalités environnementales, mais le modèle agricole productiviste soutenu par les pouvoirs publics ces dernières années a induit des façons de faire peu durables auprès des agriculteurs. Les agriculteurs éprouvent ainsi des difficultés à atteindre à la fois leurs objectifs économiques et environnementaux, les deux étant en constante opposition. Au chapitre quatre (section 4.3.1), on a vu que les obligations environnementales sont un des facteurs de stress qui viennent miner la santé psychologique des agriculteurs, couplées au manque de reconnaissance sociale qui peut les dévaloriser, ce qui interfère ainsi dans les processus d’acquisition de connaissances.

L’éducation, la formation et l’accompagnement peuvent constituer les clés de voûte pour permettre aux agriculteurs de s’atteler à de nouveaux défis environnementaux et au renforcement de leur compétitivité (OCDE, 2015). En ciblant les enjeux prioritaires sur leur territoire (BV) et en prenant en charge collectivement la gestion d’une problématique environnementale difficile de circonscrire, les agriculteurs feraient preuve de proactivité et renforceraient la confiance du public à leur égard. L’éducation et la formation des agriculteurs sont primordiales si l’on veut s’assurer que les résultats environnementaux soient probants. Pour l’UPA à l’égard des politiques agroenvironnementales :

« Il faut être cohérent quand on se donne des objectifs et se questionner sur les moyens associés aux objectifs mesurables, réalistes avec des échéanciers et s’assurer que les agriculteurs y adhèrent avec confiance et qu’ils peuvent atteindre les résultats. Si on les abandonne dans les champs seuls, ils vont continuer avec les mêmes pratiques. »

(D. Bernier, entrevue, 4 juillet 2016).

Pour l’OCDE (2015), la faible adoption des pratiques durables peut être attribuée, entre autres, à un manque de diffusion d’informations claires et fiables. Il existe souvent un écart entre, d’une part, la nécessité de changer et le consentement des agriculteurs à s’adapter, et d’autre part, un manque de capacité des organismes chargés de l’innovation et des services-conseils pour apporter un soutien à ce changement (Knickel, Brunori, Rand et Proost, 2009). Ces auteurs rapportent que les institutions, les administrations publiques et les services de vulgarisation, dont la mission est de soutenir les changements, peuvent devenir des obstacles à l’innovation s’ils ne reconnaissent pas que les besoins des agriculteurs et de la société ont changé (Knickel et al., 2009).

Autre entrave, l’aversion des producteurs aux risques et aux échecs est un fait réel d’où l’intérêt de documenter l’aspect économique des PGB à la ferme, mais aussi pour les avantages publics pour s’assurer de leur pleine adhésion. En effet, parmi les facteurs influant sur le changement de

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comportement environnemental, on retrouve les facteurs économiques, le souci de se conformer à la réglementation environnementale, de bonnes connaissances scientifiques concrètes, l’expérience et les connaissances locales pratiques, la sensibilisation des propriétaires, la capacité de démontrer des résultats et le degré d’aversion au risque (OCDE, 2015). C’est exactement le constat fait au Québec relativement à la GIEC (Belzile, Gauthier et West, 2014). De plus, il faut aussi améliorer la circulation de l’information entre les agriculteurs et les chercheurs (ibid.) et pour cela le syndicat agricole et le MAPAQ ont un grand rôle à jouer.