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Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables

3. DIAGNOSTIC DES POLITIQUES AGROENVIRONNEMENTALES AU QUÉBEC

3.2 Examen des principaux instruments réglementaires de la période 1992 à 2010

3.2.2 Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables

La volonté du gouvernement du Québec d’accorder une protection adéquate des cours d’eau et des plans d’eau s’est concrétisée par l’adoption de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (PPRLPI) en décembre 1987 versus une réglementation afin de respecter les pouvoirs des municipalités en matière d’aménagement du territoire (MDDELCC, 2015f, p. 15). Cette politique énonce un cadre et des normes minimales de protection devant être insérés dans les schémas d’aménagement et de développement (SAD) des municipalités régionales de comté (MRC), puis intégrés, par conformité, dans les règlements d’urbanisme de chacune des municipalités du Québec. Par conséquent, toute intervention sur une bande riveraine10 doit être en conformité avec la réglementation des municipalités. Ces dernières ont le pouvoir de protéger leurs cours d’eau et d’imposer des règles pouvant aller au-delà des exigences de la réglementation ou des politiques provinciales (Francoeur, 2011, 22 juin).

En milieu agricole, la culture du sol à des fins d’exploitation agricole est permise à la condition de conserver une bande minimale de végétation de trois mètres dont la largeur est mesurée à partir de la ligne des hautes eaux d’un lac ou d’un cours d’eau. De plus, s’il y a un talus et que le haut de celui-ci se situe à une distance inférieure à trois mètres à partir de la ligne des hautes eaux, la largeur de la bande de végétation à conserver doit inclure un minimum d’un mètre sur le haut du talus (Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, art. 3.2.f). La bande riveraine, bande de terre non labourée, censée être exempte de fertilisants et de pesticides et conservée sous une couverture végétale permanente, représente un élément important par son pouvoir de filtration, de stabilisation des berges et de maintien des habitats fauniques et de la biodiversité (MAPAQ et al., 2009).

27 Évaluation

Globalement, les données colligées dans les rapports des Consultants BPR inc. relatifs aux portraits agroenvironnementaux des fermes au Québec en 2003 et 2007 (BPR, 2005 et BPR- Infrastructures inc., 2008) indiquent (tableau 3.3) que l’accès des animaux aux cours d’eau s’est amélioré avec l’aménagement des sites d’abreuvement du bétail limitant ainsi la dégradation des rives et des berges. En 2007, 81 % du cheptel n’avait plus accès aux cours d’eau, comparativement à 49 % en 1998. En 2007, entre 94 % et 61 % des entreprises dont les terres sont traversées par un cours d’eau ont déclaré conserver respectivement une bande riveraine d’au moins un mètre et d’au moins trois mètres à partir de la ligne des hautes eaux ou d’un talus en bordure de ce dernier. La proportion des superficies en cultures annuelles pratiquant le travail réduit du sol est passée de 36 % en 1998 à 48 % en 2007. Tableau 3.3 Évolution de la conformité à la PPRLPI de 1999 à 2007(tiré de : MAPAQ, 2008, p. 8)

Les progressions en regard de la PPRLPI se traduisent par un travail réduit du sol qui évolue lentement mais sûrement et un accès contrôlé des animaux aux cours d’eau. À ce sujet, les résultats du suivi de la contamination bactériologique des petits cours d’eau en milieu agricole pour la période de 1997 à 2013 indiquent que la mise en œuvre des programmes d’appui (Prime-Vert) et règlements en agroenvironnement (RRPOA et REA), principalement orientés sur le P depuis 1997, a donné lieu à une certaine baisse des coliformes fécaux dans près de la moitié des 17 stations étudiées (Patoine et D’Auteuil-Potvin, 2015). Cependant, des efforts additionnels devront être consentis en vue d’améliorer la qualité bactériologique des cours d’eau en milieu agricole (ibid.).

En ce qui a trait aux bandes riveraines d’au moins trois mètres, les producteurs semblent plus réfractaires à maintenir une zone non labourée en permanence (tableau 3.3) malgré le fait que l’aménagement des bandes riveraines associé aux pratiques de gestion bénéfiques (PGB) par les producteurs agricoles soit financé en partie par le programme Prime-Vert du MAPAQ. En 2008, la FADQ a

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introduit une mesure d’écoconditionnalité à ses programmes portant sur le respect de la bande riveraine. En accord avec la PPRLPI, la FADQ exclut des superficies assurables des superficies cultivées comprises à l’intérieur d’une bande riveraine de trois mètres (FADQ, 2015). Cette mesure sera abordée plus en détail à la section 3.1.5 relative aux mesures d’écoconditionnalité.

Les bandes riveraines font aussi l’objet d’un suivi environnemental par le MDDELCC (2016b) afin d’en évaluer la qualité et les fonctions écologiques, ainsi que d’en déterminer les secteurs les plus dégradés dans le but d’apporter des mesures correctives. La qualité de la bande riveraine est évaluée à l’aide d’un protocole dont l’application vise la protection de la vie aquatique et se mesure par l’indice de qualité de la bande riveraine (IQBR). Ce dernier permet de caractériser la bande riveraine. À ce jour, il ne semblait pas exister un rapport global faisant état de la conformité des bandes riveraines au Québec. Cependant, des rapports portant sur l’application de l’IQBR par zone géographique ou portant sur l’inspection des bandes riveraines dans certaines MRC ou certains BV sont toutefois disponibles.

Quels sont les facteurs qui influencent la protection des rives, du littoral et des plaines inondables? Plusieurs constats peuvent être dégagés en regard de la conformité de la PPRLPI. Voilà bientôt 30 ans que le gouvernement du Québec a la volonté d’accorder une protection de ses rives et plaines inondables à travers la PPRLPI, pouvoir délégué aux municipalités. Ces dernières ont toute la latitude réglementaire et le devoir de veiller au respect de l’application de la réglementation relative à la protection des bandes riveraine qui, pour la plupart du temps, peut être variable selon les territoires et de ce fait peut créer des distorsions entre municipalités limitrophes.

La première enquête11 sur l’application de la PPRLPI menée en 2003 par Sager, révèle que les municipalités ont de la difficulté à satisfaire les exigences de base de la Politique et que cette dernière est très peu appliquée en milieu agricole (Sager, 2004). En effet, près de 65 % des municipalités considéraient que les agriculteurs ne respectaient pas les prescriptions de la Politique (ibid.). De plus, près de 85 % des MRC ou municipalités questionnées affirmaient n’être jamais intervenus pour s’assurer du respect de la PPRLPI en milieu agricole (ibid.). L’application de la PPRLPI incombant aux municipalités, ces dernières doivent consacrer plus de ressources financières et humaines pour assurer une protection adéquate de ces milieux, ce qui n’est pas toujours le cas (ibid.). À l’échelle d’une MRC, il est intéressant de citer l’étude menée par Choquette en collaboration avec Robichaud, Paillart et Goyette Noël (2009) qui a permis de colliger les différents règlements municipaux dans le BV de la rivière Saint-François ainsi

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L’enquête fut menée conjointement par le ministère de l’Environnement et le ministère des Affaires municipales, du Sport et du Loisir en 2003 (Sager, 2004).

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que d’estimer la pertinence de toute intervention législative et réglementaire en matière environnementale. Il appert qu’en milieu agricole, les municipalités ont intégré à 74 % les trois mètres de protection riveraine de la PPRLPI, contre 26 % qui exigeaient des bandes riveraines de 5 ou 10 mètres (Choquette et al., 2009). Selon Choquette et al. (2009), la bande riveraine de trois mètres n’est pas illégale, puisqu’elle est malheureusement définie par la Politique, mais elle accuse un net déficit de légitimité. En effet, sa justification semble être influencée davantage par des facteurs politique et économique que scientifique (Choquette et al., 2009, p. 326).

Est-ce un manque de volonté ou de leadership politique de la part des élus? Les agriculteurs soucieux de la rentabilité économique de leurs fermes en exploitant la moindre superficie de champ disponible même en bordure des cours d’eau sont la plupart du temps réfractaires à l’entretien des bandes riveraines. Ils les associent souvent à des pertes de revenus et ne perçoivent pas les bénéfices environnementaux et économiques que cela pourrait procurer. Le gouvernement du Québec ne devrait- il pas penser à dédommager les pertes de productions encourues par les producteurs, ce qui pourrait augmenter le respect de ces derniers envers la réglementation?