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3. DIAGNOSTIC DES POLITIQUES AGROENVIRONNEMENTALES AU QUÉBEC

3.3 Programmes de mesures incitatives et plans d’action axés sur l’agroenvironnement

3.3.1 Programme Prime-Vert

Cette sous-section abordera principalement le financement lié aux CCAE, agents de changement, du fait de leur impact sur la modification des pratiques en agroenvironnement auprès des agriculteurs.

L’Entente pour le financement des CCAE est conclue en 1997 entre le Conseil pour le développement de l’agriculture du Québec21 (CDAQ) et le MAPAQ qui finançait ces regroupements par l’entremise du Programme d’aide à l’investissement en agroenvironnement (PAIA), remplacé depuis par le programme Prime-Vert (CCAE, 2007). L’Entente CDAQ-MAPAQ sur le financement des CCAE, signée en 1998, visait l’adhésion des agriculteurs à la formule des clubs pour bénéficier d’un service-conseil de groupe. La contribution du CDAQ aux activités des clubs représentait le tiers du financement puisque le MAPAQ et les producteurs membres des CCAE assument leur part de financement (ibid.). Dans ce premier modèle de soutien, le financement provient de trois sources : le gouvernement fédéral (AAC via le CDAQ), le gouvernement provincial (MAPAQ) et les producteurs membres des CCAE (ibid.).

C’est en 1999 que le programme de soutien financier Prime-Vert du MAPAQ, principal programme agroenvironnemental au Québec, voit le jour sous l’égide du Cadre stratégique de la politique agricole fédérale (CSA) (MMDELCC, 2003, p. 70). Au départ, Prime-Vert visait principalement la conformité réglementaire (REA) des exploitations agricoles. Les enjeux, orientations et objectifs ayant évolué par la suite, les différents programmes Prime-Vert ont ciblé la promotion et la diffusion des BPA auprès des agriculteurs en favorisant des pratiques de conservation des ressources et de protection de l’environnement (MAPAQ, 2016a).

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Le CDAQ a été créé à la suite d’une entente intervenue entre l’UPA et AAC. Sa mission consiste à appuyer des initiatives favorisant le développement d’une agriculture québécoise durable, en partenariat avec les regroupements de producteurs et les organismes agricoles. Le Conseil administre et redistribue, par le biais de ses programmes, les sommes qui lui sont confiées (CCAE, 2007, p. 5).

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Les CCAE étaient financés sur la base du nombre de membres adhérant. En effet, pour chaque nouvelle adhésion, un CCAE recevait une aide financière à la fois du gouvernement fédéral (CADAQ) et provincial (MAPAQ) pour l’ensemble des actions liées aux aspects réglementaires (PAEF, bilan de phosphore) et favoriser l’adoption des BPA. L’objectif de départ est de former un nombre élevé de regroupements d’agriculteurs et les rendre les plus performants possible à travers la prise en charge des enjeux agroenvironnementaux par les agriculteurs (V. Bouthillier-Grenier, communication personnelle, 15 août 2016). Avec cette formule de financement, les mesures réglementaires pouvaient représenter jusqu’à la moitié des revenus d’un club (ibid.).

L’actuel programme Prime-Vert 2013-2018 résulte de l’accord bilatéral Canada-Québec «Cultivons l’avenir» (CA) 2 en vigueur depuis août 2013 jusqu’à fin mars 2018. Il comporte divers programmes totalisant 293 M $, dont près du tiers des fonds alloués sont dédiés à l’accompagnement des entreprises agricoles et agroalimentaires et à l’appui à l’offre de services-conseils (Coordination services-conseils [CSC], 2016, p. 11). CA2 appuie, à travers les CCAE, les exploitations agricoles engagées dans une démarche de gestion intégrée basée sur le PAA (MAPAQ, 2016a). Le programme Prime-Vert 2013-2018 vise la diminution des risques liés à l’usage des pesticides, l’adoption de pratiques efficaces de conservation des sols et la conservation de la biodiversité (ibid.). Le cinquième volet du programme a trait à la coordination et financement des CCAE dont l’objectif est complètement modifié par rapport aux versions précédentes. En effet, c’est « à l’acte » et au rendement que sont dorénavant payé les CCAE, suite à l’entente de principe signé entre le MAPAQ et l’UPA en 2013 (V. Bouthillier-Grenier, entrevue, 15 août 2016). Plus spécifiquement, elle vise à « soutenir en accordant une aide financière dégressive les CCAE qui existaient au 31 mars 2013 afin qu’ils puissent offrir des services " à l’acte " » (MAPAQ, 2013, p. 10). Le taux de l’aide financière passe de 90 % à 40 % au terme de la cinquième année du programme et, est assujetti à des conditions particulières (ibid.). Les actions reliées aux mesures réglementaires (production de PAEF, bilan de phosphore) ne sont plus soutenues financièrement avec la nouvelle formule et sont reléguées aux firmes privées qui facturent aux producteurs. Depuis, de nombreux CCAE ont abandonné la facturation des mesures réglementaires pour non-compétitivité face aux firmes privées (V. Bouthillier-Grenier, entrevue, 15 août 2016).

Avec les services « à l’acte », le MAPAQ vise ainsi à multiplier les actions sur le terrain auprès des producteurs par le biais des CCAE, mais aussi des agronomes autonomes. D’ailleurs, tous les conseillers sont maintenant désignés par le MAPAQ comme des dispensateurs de services-conseils. La gestion des subventions est faite à travers le réseau Agriconseils mandaté par le MAPAQ. La Coordination services-

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conseils assiste les conseillers et les administrateurs dans la transition vers cette nouvelle forme de prestation (V. Bouthillier-Grenier, entrevue, 15 août 2016).

Évaluation

L’aide financière consentie par le programme Prime-Vert depuis 1997 à 2001 s’élève à 162,1 M $, dont 41,6 M $ alloués au financement des CCAE (MDDELCC, 2003, p. 70). Ce financement concernait particulièrement les problématiques de pollution agricole localisée (notamment à l’égard des structures d’entreposages des fumiers et lisiers, entre autres) (ibid.). Le volet financement de mesures ciblant la réduction de la pollution diffuse n’est entré en vigueur qu’en 2002-2003, visant notamment à réduire l’érosion et à protéger la bande riveraine (ibid.). En 2002-2003, le MAPAQ par le biais du programme Prime-Vert, aurait engagé pour plus de 70 M $ qui représente un gros investissement pour des dépenses consenties à la protection de l’environnement en milieu agricole (Boutin, 2004). En 2007-2008, le programme Prime-Vert a permis la réalisation de 1 414 projets d’implantation de BPA. De ces projets, environ 1 115 exploitations agricoles ont été appuyées pour effectuer des interventions de réduction de la pollution diffuse favorisant la cohabitation harmonieuse (MDDELCC, 2009a).

Le nouveau programme de financement « à l’acte » ne risque-t-il pas de précariser certains CCAE, particulièrement ceux situés en zone excédentaire de fumier et dont la principale source de financement était les mesures réglementaires? La formule de départ lors de la création des CCAE qui était d’encourager au maximum l’adhésion des producteurs au sein des clubs n’est plus de mise. En effet, les CCAE ne reçoivent plus de financement lié aux nouvelles adhésions et les producteurs soucieux de réaliser des actions en lien avec les BPA ont tendance à se retourner vers les dispensateurs autonomes (V. Bouthillier-Grenier, entrevue, 15 août 2016). Selon Benoit (2015) :

« Ce renforcement des exigences agroenvironnementales est justifié par le fait que la période de mise en conformité réglementaire a maintenant suffisamment duré et que le soutien public doit désormais être dirigé vers une amélioration tangible du bilan environnemental de l’agriculture, s’inscrivant au-delà du seuil réglementaire. » (Benoit, 2015, p 290).