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3. DIAGNOSTIC DES POLITIQUES AGROENVIRONNEMENTALES AU QUÉBEC

3.2 Examen des principaux instruments réglementaires de la période 1992 à 2010

3.2.5 Mécanismes d’écoconditionnalité

L’écoconditionnalité est un instrument économique qui subordonne l’octroi de certaines aides gouvernementales aux agriculteurs au respect de l’environnement fixé ou non par les lois et règlements

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(MDDELCC, 2015g). Cet instrument permet d’assurer une plus grande cohérence des actions gouvernementales en matière de DD et offre de nouvelles possibilités d’intervention publique pour améliorer la performance environnementale des entreprises tout en soutenant les différents secteurs économiques (ibid.). Cet incitatif économique repose principalement sur le principe de pollueur-payeur et de respect de la capacité de support.

Affirmée à travers la PNE en 2002, l’écoconditionnalité s’implante au Québec conformément aux orientations gouvernementales sur le DD de la production porcine en 2004 (MDDELCC, 2015g, p. 8). Depuis 2005, pour être admissibles au remboursement des taxes foncières du MAPAQ et au programme d’assurance de stabilisation du revenu agricole (ASRA) de la FADQ, les exploitations agricoles doivent démontrer qu’elles ont produit un bilan de phosphore au MDDELCC (CAAAQ, 2008 et MDDELCC, 2015g). Il s’agit là de la première mesure d’écoconditionnalité au Québec. Dans un premier temps, la mesure vise le respect d’un minimum de 50 % de la capacité de disposition de la charge de P et concerne uniquement les entreprises porcines. Elle sera graduellement ajustée, entre 2005 et 2010, pour atteindre le respect complet de disposition de la charge de P pour l’ensemble des 16 productions admissibles au programme d’ASRA (FADQ, 2015, p. 3).

Afin de donner suite aux recommandations des rapports du VGQ20 en décembre 2007 et de la CAAAQ en 2008, le MAPAQ, le MDDELCC et la FADQ ont convenu de la mise en œuvre de nouvelles mesures d’écoconditionnalité (MDDELCC, 2009a). De ce fait, la FADQ a introduit en 2008 deux nouvelles mesures d’écoconditionnalité à ses programmes portant sur le respect de la bande riveraine et l’interdiction d’augmenter des surfaces cultivées dans certaines municipalités du Québec énumérées dans les annexes II à V du REA (article 50.3 du REA) (FADQ, 2015, p. 3). Ainsi, la FADQ soustrait des unités assurées, toute unité qui se trouve à l’intérieur d’une bande riveraine de trois mètres telle que définie par la PPRLPI. Les unités ainsi soustraites ne font pas l’objet d’indemnisation ni de contribution tant en assurance-récolte (ASREC) qu’en ASRA (FADQ, 2015, p. 3). Aussi, 7 438 plans de ferme ont été mis à jour depuis 2008 afin d’identifier les adhérents qui possédaient des superficies en culture avoisinant un cours d’eau et aucune superficie n’a été assurée à l’intérieur des bandes riveraines délimitées pour l’ensemble de ces adhérents (FADQ, 2015). Pour la seconde mesure, la totalité des superficies en augmentation sans autorisation a été exclue des superficies assurées (ibid.). Ces deux nouvelles mesures d’écoconditionnalité sont qualifiées plus de « mesures de cohérence » par le MDDELCC du fait de

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Le commissaire au développement durable dresse des constats sévères à l’égard de la FADQ dont : « À ce jour l’application du principe

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l’absence de pénalité qui confère à ces mesures un caractère différent de celles usuelles d’écoconditionnalité (MDDELCC, 2015g, p. 9). En 2011, la transmission du bilan de phosphore à l’équilibre est assujetti à un nouveau critère d’écoconditionnalité, et ce, conformément au REA (MDDELCC, 2012b). Depuis 2012, c’est l’agronome mandaté par l’exploitant qui doit transmettre le bilan de phosphore annuel au ministre par voie électronique uniquement (MDDELCC, 2015g). Aussi, les exploitations dont le bilan phosphore est excédentaire sont doublement pénalisées, d’une part par le MDDELCC, qui appliquera des SAP, et d’autre part, par la FADQ qui réduira en proportion les sommes pouvant être obtenues des programmes de sécurité du revenu (UPA, 2010). Le système de pénalité est graduel avec des sanctions plus lourdes pour les producteurs récidivistes (MDDELCC, 2015g).

Évaluation

Un premier bilan des mesures d’écoconditionnalité relatif au bilan de phosphore indique qu’en 2005, les entreprises non conformes pouvaient se prévaloir d’un Plan d’accompagnement agroenvironnemental leur permettant alors d’échelonner l’atteinte de l’équilibre des charges de P jusqu’en 2010. Le tableau 3.6 présente les impacts monétaires relatifs au bilan de phosphore pour les mesures d’écoconditionnalité.

Tableau 3.6 Impacts monétaires de la mesure d’écoconditionnalité relative au bilan de phosphore (tiré de : FADQ, 2015, p. 7)

Années Nombre de clients touchés Impacts monétaires

2005

Aucun Nul en raison du plan d’accompagnement agroenvironnemental

(PAA) 2006 2007 5 62000$ 2008 3 15000$ 2009 2010 Aucun Nul 20111 12 109 325$ 20121 17 182 684$ 20131 15 349 448$ 2014 52 9 668$2 1

Lorsque le MDDELCC a signalé à La Financière agricole pour les années 2011, 2012 et 2013 que la situation d’un lieu est non conforme au REA relativement au bilan de phosphore, toutes les entreprises concernées se sont vu refuser l’accès aux programmes de financement agricole et n’ont pu bénéficier des avantages liés aux contributions du paiement de l’intérêt sur un prêt. En raison des faibles taux d’intérêt en vigueur à cette période, aucune conséquence monétaire n’a été appliquée.

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Il en ressort que très peu d’exploitations sont non conformes et semblent respecter les mesures d’écoconditionnalité, particulièrement depuis l’entrée en vigueur de la condition d’équilibre du bilan de phosphore. Pour les deux autres mesures d’écoconditionnalité, les informations n’étaient pas disponibles.

Est-ce que les mesures d’écoconditionnalité au Québec concourent à la protection de l’environnement? Les constats en lien sont nombreux. On s’interroge sur le fait que le bilan de phosphore soit la seule exigence réglementaire retenue comme mesure d’écoconditionnalité compte tenu des ambitions du gouvernement du Québec à vouloir récupérer les usages de l’eau par la poursuite de l’assainissement des cours d’eau à l’échelle de BV. De plus, la FADQ serait ouverte à mettre en œuvre un mécanisme d’écoconditionnalité pour le bien-être animal en concertation et collaboration avec le MAPAQ (FADQ, 2015, p. 2). Par ailleurs, le commissaire au développement durable, dans son plus récent rapport sur les pesticides, recommande au MDDELCC et au MAPAQ la mise en place de mesure d’écoconditionnalité afin de favoriser l’usage responsable des pesticides (VGQ, 2016). Cependant, il faut considérer que l’application de l’écoconditionnalité requiert l’existence d’un programme d’appui financier pouvant servir de levier économique efficace et facilitant l’inclusion de critères environnementaux (MDDELCC, 2015g, p. 12). À cela, le MDDELCC précise :

« Il est important que les responsables des programmes financiers auxquels on ajoute des exigences environnementales considèrent l’effet qu’un tel ajout aura sur le marché, notamment sur le comportement des prix. Si l’objectif est de réaliser des gains environnementaux supplémentaires, il faut évaluer la pression que l’instrument impose sur la rentabilité de l’activité de production afin d’assurer l’adhésion des bénéficiaires et de susciter leur collaboration dans les étapes de contrôle et de suivi. » (MDDELCC, 2015g, p. 12).

Au Québec, les mesures actuelles d’écoconditionnalité sont décriées par certaines organisations. Pour la Coalition Eau Secours, l’écoconditionnalité dans sa forme actuelle offre une porte de sortie aux producteurs agricoles afin qu’ils puissent recevoir le financement, même s’ils ne respectent pas la réglementation en vigueur (Coalition Eau Secours, 2007). Pour Équiterre et Nature Québec (2012), il est impératif d’élargir les mesures d’écoconditionnalité afin d’améliorer de manière substantielle la performance environnementale de l’agriculture. Pour Leblanc (2010, p. 129) les moyens de contrôle des mesures d’écoconditionnalité, notamment la bande riveraine et la superficie utilisée et autorisée pour la culture des végétaux, ne s’effectuent pas physiquement sur le terrain par un professionnel. Malgré ces constats, l’écoconditionnalité n’est pas le seul instrument économique pour améliorer l’état de l’agroenvironnement. Le gouvernement du Québec gagnerait à élargir les mesures d’écoconditionnalité

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à d’autres pratiques agricoles dommageables à l’environnement et à explorer d’autres instruments économiques, selon une approche intégrée, pour fixer ses exigences environnementales.