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1 - Une mise en œuvre récente, des modes d’accompagnement divers selon les établissements

La charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement, dite charte AFECEI (du sigle de l’association qui en est à l’origine), est entrée en vigueur en novembre 2015. Elle traduit l’engagement des établissements financiers, d’une part, de favoriser l’accès aux services bancaires et services de paiement et d’en faciliter l’usage et, d’autre part, de développer des mécanismes de détection et de traitement précoces des difficultés de leurs clients152. Dans la mesure où les aspects relatifs à l’accès et l’usage des services bancaires ont été examinés dans le chapitre II, la présente partie s’attache aux mesures visant à prévenir le surendettement.

L’analyse des éléments transmis à la Cour par les établissements de crédit consultés a montré que de nombreux établissements ont saisi cette opportunité pour mettre en place des mécanismes de détection précoce des clients en situation de fragilité financière153, ou revoir et parfois restructurer les approches existantes. Ainsi, parmi les sept établissements de crédit teneurs de compte consultés par la Cour, l’un d’entre eux avait mis en place, dès 2003, un tel mécanisme de détection précoce, trois d’entre eux ont mis en place un tel score à la suite de l’entrée en vigueur de la Charte et trois autres n’ont pas mis en place de score prédictif. Au sein des sept établissements financiers spécialisés consultés par la Cour, la plupart d’entre eux

152 Voir l’article L312-1-1 du code monétaire et financier. Le contrôle du respect de la charte est assuré par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

153 Ce sont des mécanismes de détection, reposant sur des outils statistiques (scores ou systèmes experts), qui visent à identifier des clients en situation de fragilité potentielle, avant même l’apparition d’un incident de paiement.

avaient mis en place un tel mécanisme de détection précoce (ou étaient sur le point d’en mettre en place), dont, pour deux de ces établissements, avant même l’entrée en vigueur de la Charte.

Les modalités de suivi après cette phase de détection sont diverses et sont, pour beaucoup, encore en cours d’élaboration ou en phase de montée en puissance. Une prise de contact avec le client est organisée par courrier, courriel ou téléphone. Le premier contact peut être pris par une équipe ou une structure dédiée, mais celle-ci peut n’intervenir que dans un second temps.

L’entretien avec le client est l’occasion d’établir un diagnostic de sa situation personnelle et financière et de définir un plan d’action (offre spécifique pour la clientèle fragile, adaptation du montant de l’autorisation de découvert et des moyens de paiement associés au compte, report de mensualités, etc.). Il peut être aussi proposé des solutions d’accompagnement telles que la mise en relation avec la cellule dédiée, lorsqu’elle existe, et/ou avec une structure partenaire.

Parmi les sept établissements de crédit teneurs de compte consultés par la Cour, six d’entre eux ont mis en place des structures dédiées : pour trois établissements, ces structures datent de bien avant la charte AFECEI. Ces dispositifs d’accompagnement, chargés de gérer les clients en situation de fragilité financière potentielle ou avérée ou d’appuyer les conseillers clientèle pour les clients restés en agence, sont, dans la plupart des cas, des plateformes à distance (accessibles par téléphone ou internet). Un seul établissement a mis en place un dispositif d’accompagnement qui repose sur un contact physique avec les clients, et dont le périmètre d’intervention comprend non seulement la mise en place de solutions financières, mais aussi de solutions dites « sociales » (suivi budgétaire, médiation sociale avec un réseau de partenaires : retour à l’emploi, logement, précarité énergétique, mobilité, santé, alimentation, etc.)154. Les sept établissements financiers spécialisés consultés par la Cour ont mis en place des structures internes spécialisées dans l’accompagnement des clients en difficultés.

2 - Les apports de la charte AFECEI

Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de la mise en œuvre de cette nouvelle charte en termes de prévention du surendettement. En effet, un certain nombre de dispositifs ont été mis en place par les établissements de crédit de manière récente (ou étaient sur le point d’être mis en place) et sont encore en phase de montée en puissance. Par ailleurs, la formation des réseaux, qui est essentielle pour l’appropriation de la charte, n’a, le plus souvent, été déployée qu’à partir de 2015 et surtout 2016. Les modes d’accompagnement mis en œuvre sont cependant très divers selon les établissements, certains ayant poussé assez loin la professionnalisation de leur fonction de conseil en créant des services chargés d’assurer un accompagnement global de leurs clients en situation de difficultés financières.

De manière générale, comme pour la détection de la clientèle fragile, la plupart des établissements estiment que la charte n’a pas apporté de changement fondamental, dans la mesure où, bien souvent, des mécanismes de détection et de traitement précoces des difficultés de leurs clients existaient déjà en leur sein, même si cela pouvait être sous des formes différentes. Les établissements relèvent, cependant, que la charte a permis de mieux formaliser

154 Ce dispositif s’est porté volontaire en tant que PCB 2 pour participer à l'expérimentation Point Conseil Budget (pour les clients de l’établissement) ; plusieurs de ses structures ont été labellisées PCB 2.

les pratiques de détection et d’accompagnement, de structurer les démarches existantes et d’améliorer leur pilotage.

Au-delà, plusieurs constats se dégagent d’ores et déjà, qui témoignent de la difficulté intrinsèque à mettre en œuvre une démarche de détection précoce et d’accompagnement des clients en situation de fragilité financière :

- Il n’est, en premier lieu, pas évident de repérer les fragilités financières potentielles. Ce constat revêt une acuité particulière s’agissant des établissements financiers spécialisés qui disposent, en général, de beaucoup moins d’informations sur la situation financière de leurs clients que les établissements de crédit teneurs de compte.

- La démarche d’accompagnement implique, par ailleurs, une adhésion forte de la part du client, qui est loin d’être toujours acquise. L’établissement peut ainsi rencontrer des difficultés pour contacter son client, et ce dernier peut ne pas donner suite à la proposition d’accompagnement. Les modalités de contact des clients, qui diffèrent selon les établissements, peuvent avoir une influence. Par exemple, au sein de l’échantillon des établissements financiers spécialisés consultés par la Cour, il semblerait que lorsque les clients sont contactés par courrier pour leur proposer de réaliser un diagnostic budgétaire, seule une faible proportion d’entre eux acceptent l’accompagnement155 ; certains établissements financiers spécialisés ont donc mis en place une approche plus proactive et ciblée : au lieu d’adresser des courriers, l’entité d’accompagnement dédiée appelle directement les clients par téléphone lorsqu’elle détecte un évènement susceptible d’avoir un impact sur la vie du contrat156.

Les démarches de détection précoce et d’accompagnement des clients en situation de fragilité financière, dont l’utilité est indéniable, ne peuvent, par conséquent, concerner qu’un nombre limité de clients, et les résultats à en attendre en termes de prévention du surendettement ne doivent pas être surestimés.

Au-delà de la prévention du surendettement, la Cour avait déploré, dans son rapport annuel 2010, l’absence de suivi des personnes surendettées et recommandé un meilleur accompagnement de ces personnes157. Depuis lors, s’agissant des établissements de crédit, l’arrêté du 24 mars 2011158 est venu préciser les mesures que doivent prendre les banques à l’égard de leurs clients en situation de surendettement (informer les clients des conséquences de la procédure de surendettement sur la gestion du compte bancaire ainsi que sur les moyens et opérations des paiements afférents ; fournir une documentation et proposer à leurs clients un

155 Dans l’un des établissements consultés par la Cour, la structure dédiée d’accompagnement a adressé aux clients, sur une période de quatre ans, 300 000 courriers pour leur proposer un diagnostic budgétaire. 79 000 clients ont contacté l'entreprise ; 29 000 clients ont accepté de faire un diagnostic budgétaire ; 12 800 se sont avérés être en réelle difficulté ; 7 clients sur 10 ont accepté un accompagnement par la structure, soit 9 000 clients en 4 ans (représentant 3 % seulement des clients contactés par courrier).

156 Au sein de l’un des établissements consultés par la Cour, la structure dédiée d’accompagnement avait traité 14 048 dossiers en 2016, établi 6 870 contacts (soit 49 % de taux de contact) et 2 805 bilans, soit 40,8 % des clients qui acceptent d'être accompagnés par rapport aux contacts ou 20 % par rapport à la totalité des dossiers.

157 Cour des comptes, Rapport public annuel 2010, Première partie : Observations des juridictions financières. La lutte contre le surendettement des particuliers : une politique publique incomplète et insuffisamment pilotée, p. 461-494. La Documentation française, février 2010, 666 p., disponible sur www.ccomptes.fr

158 Cet arrêté porte homologation de la norme professionnelle sur les relations entre les établissements teneurs de compte et leurs clients concernés par le traitement d’un dossier en commission de surendettement.

rendez-vous ; maintenir pendant la durée de l’instruction et la durée du plan de redressement la domiciliation du compte de revenus chez elle ; proposer une gamme de services adaptées pour permettre le fonctionnement du compte ; etc.). Les démarches d’accompagnement mises en place par certains établissements de crédit en application de cet arrêté sont positives. Au-delà des engagements pris, les contrôles menés par l’ACPR ont cependant montré que les établissements bancaires pouvaient progresser dans la mise en œuvre pratique des dispositions de cet engagement professionnel.

B - Les initiatives en cours en matière de conseil, d’information et

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