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A - Une mission héritée des années 1960 dont la définition et les instruments n’ont pas évolué

La loi de modernisation de l’économie de 200860 a confié à La Banque Postale une mission d’accessibilité bancaire s’exerçant au travers du livret A et reprenant, pour l’essentiel, les obligations spécifiques qui incombaient aux réseaux historiques61 auparavant, à savoir l’obligation d’ouvrir un livret A à toute personne qui en fait la demande et de permettre la réalisation gratuite d’un certain nombre d’opérations sur ces livrets62.

Les sujétions spécifiques de La Banque Postale en matière de livret A

Alors qu’aux termes de l’article L. 221-1 du code monétaire et financier, le livret A peut être proposé par tout établissement de crédit habilité à recevoir du public des fonds à vue et qui s’engage à cet effet par convention avec l’État, l’article L. 221-2 du même code fait obligation à La Banque Postale d’ouvrir un livret A à toute personne qui en fait la demande.

L’article R. 221-3 du code monétaire et financier prévoit en outre que le montant minimal des opérations individuelles de retrait ou de dépôt en espèces sur un livret A de La Banque Postale est fixé à 1,50 €, alors qu’il prévoit un montant minimal de 10 € pour les livrets A ouverts auprès des autres établissements de crédit.

60 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, article 145.

61 Caisses d’épargne et Banque Postale pour le livret A, Crédit mutuel pour le livret bleu.

62 Les articles L. 221-6 et R. 221-8-1 du code monétaire et financier posent le principe du versement d’une compensation proportionnée aux missions du SIEG confiées à La Banque Postale. L’arrêté du 26 février 2015 fixe le montant de cette compensation pour les années 2015 à 2020.

De même, si l’article R. 221-5 du code monétaire et financier prévoit que chaque établissement de crédit distributeur du livret A précise au sein du contrat conclu avec son client, dans ses conditions générales de vente, celles des opérations figurant sur la liste dressée par arrêté ministériel qu’il autorise aux titulaires d’un livret A ouvert dans ses livres, La Banque Postale est tenue d’autoriser la totalité de ces opérations. Aux termes de l’arrêté du 4 décembre 2008 modifié, ces opérations sont :

- le prélèvement de l’impôt sur le revenu, de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle ; des factures d’eau, de gaz, d’électricité ; des loyers dus à un organisme HLM ;

- le virement des prestations sociales versées par les collectivités publiques et les organismes de sécurité sociale ; des pensions des agents publics ;

Enfin, la convention signée entre l’État et La Banque Postale prévoit :

- la gratuité des opérations imposées à La Banque Postale au titre de la mission d’accessibilité bancaire ;

- ainsi que la gratuité de certains services complémentaires : la délivrance de chèques de banque tirés au profit du titulaire du livret A (de son représentant légal ou du titulaire d’une procuration sur le livret) ; la mise à disposition d’une carte de retrait utilisable dans les distributeurs automatiques de billets et aux guichets de La Poste.

Bien que récemment définie par la loi, la mission d’accessibilité bancaire de La Banque Postale est issue d’une vocation très ancienne de la Caisse nationale d’épargne de permettre l’accès du plus grand nombre à un instrument d’épargne populaire et d’une fonction apparue dans les années 1960, à une période où les comptes courants étaient encore peu développés, consistant à faire du livret A un support de bancarisation par défaut (voir historique en annexe n° 9)63. Le livret A est néanmoins demeuré, dans ses fonctionnalités, très en-deçà d’un compte courant, en l’absence, notamment, de tout moyen de paiement autre que le retrait d’espèces et de toute facilité de gestion de trésorerie, en raison de l’impossibilité d’être à découvert. Pour les personnes ayant des difficultés à gérer leur budget, cette limite peut néanmoins constituer un cadre très sécurisant, d’autant plus qu’aucun frais d’incident n’est appliqué en cas de rejet d’un prélèvement pour cause d’indisponibilité des fonds64.

63 Entre 1961 et 1971, plusieurs textes réglementaires mais également de simples décisions ministérielles ont ainsi autorisé les réseaux collecteurs à déroger au code des caisses d’épargne pour réaliser sur les livrets A un nombre limité d’opérations de débit (prélèvement pour le règlement de quittances d’eau, de gaz, d’électricité, de la redevance audiovisuelle, de l’impôt sur le revenu) ou de crédits (domiciliation des traitements et salaires des fonctionnaires, des pensions et retraites, des prestations familiales).

64 Aux termes de l’article R. 221-3 du code monétaire et financier, aucune opération ne peut avoir pour effet de rendre le compte débiteur.

En dépit de la généralisation de l’accès à un compte courant et de l’évolution des pratiques financières des Français, les fonctionnalités attachées au livret A de La Banque Postale ont été maintenues nonobstant la création, en 1984, du droit au compte et de la suppression, en 2008, des droits spéciaux de distribution du livret A consentis aux réseaux des caisses d’épargne et à La Poste, qui aurait pu constituer l’occasion de reconsidérer cette fonction de bancarisation65.

La mission d’accessibilité bancaire repose en outre sur une contradiction inhérente au double objectif qui lui est assigné : être un outil universel d’accès à l’épargne en même temps qu’un instrument spécifique de bancarisation de certaines populations.

Définie par la loi de manière universelle, la mission d’accessibilité bancaire ne s’adresse pas spécifiquement aux personnes fragiles financièrement ou dépourvues de compte bancaire66. En revanche, ses modalités de mise en œuvre ciblent de fait plutôt les personnes bénéficiaires de minima sociaux ou ayant de faibles revenus et des besoins de trésorerie contraints. Aucune condition (en termes de ressources ou de situation d’exclusion bancaire) n’est toutefois requise tant pour ouvrir un livret A à La Banque Postale que pour recourir (de manière illimitée et gratuite) à l’ensemble des opérations qui y sont autorisées, sachant qu’il n’est en outre pas exclu que d’autres opérations (par exemple, le versement d’un salaire), puissent y être réalisées faute de procédure de contrôle67. En effet, si depuis octobre 2007, une vérification de l’origine des prélèvements arrivant sur livret A est systématiquement mise en œuvre lors de la présentation d’un nouveau prélèvement afin de vérifier qu’il correspond bien à la liste des destinataires autorisés68, aucun contrôle de ce type n’est réalisé sur les virements69.

De cette définition large de la mission d’accessibilité bancaire et des modalités qu’elle recouvre découle une diversité forte de ses utilisations, sans que les besoins auxquels elle répond, ne soient toujours précisément identifiés. Il en résulte également un coût élevé pour La Banque Postale, et, au-delà, pour la collectivité, qui finance cette mission.

65 Le rapport de la mission sur la modernisation de la distribution du livret A et des circuits de financement du logement social présidée par Michel Camdessus (décembre 2007) avait notamment recommandé que la généralisation de la distribution du livret A s’accompagne d’un renforcement de l’engagement de l’ensemble de la profession bancaire dans la mise en œuvre d’une mission d’accessibilité bancaire ne s’exerçant plus via le livret A, redevenu simple instrument d’épargne, mais au travers d’un certain nombre d’engagements comprenant l’accès à un compte courant et à des moyens de paiement adaptés, mais portant également sur les conditions d’accueil en agence, les prix des services d’entrée de gamme, les prêts aux emprunteurs atypiques, le microcrédit ou encore l’éducation financière et l’accompagnement social.

66 Les articles L. 221-2 et L. 221-3 du code monétaire et financier imposent à La Banque Postale d’ouvrir un livret A à toute personne physique, à certaines associations, aux organismes d’habitation à loyer modéré et aux syndicats de copropriétaires qui en font la demande.

67 Le numéro de compte d’un livret A est identique à celui d’un compte bancaire classique. Et les relevés d’identité bancaire correspondant peuvent être obtenus très facilement par divers canaux, sans passer par un conseiller financier (au guichet, via l’espace client sur la Banque En Ligne, en appelant le 3639 ou par courrier adressé au centre financier).

68 Si le créancier ne figure pas sur la liste des organismes autorisés, l’opération est automatiquement rejetée.

69 Un dispositif de contrôle serait toutefois à l’étude, qui devrait être mis en place en 2017.

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