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2.2 D´ecomposition de Curtis-Deodhar

2.2.3 Sur l’adh´erence des cellules de Curtis-Deodhar

Nous examinons dans cette section le probl`eme de d´eterminer l’adh´erence d’une cellule de Curtis-Deodhar. En d´epit des apparences et des exemples trait´es pr´ec´edemment, on ne dispose pour l’instant d’aucune m´ethode g´en´erale pour r´esoudre cette question. On donnera deux contre-exemples g´en´eraux (voir les propositions2.25et2.26) qui attestent de la difficult´e de ce probl`eme. Ces com- plications ne constitueront pas pour autant des obstacles majeurs pour la suite du travail, puisque la propri´et´e de filtrabilit´e est tout de mˆeme v´erifi´ee (cf. lemme 2.20).

On reprend les notations pr´ec´edentes : w = s1... sr est une d´ecomposition

r´eduite de w et x est un ´el´ement quelconque de W . Rappelons que l’on peut plonger la vari´et´e BS dans un produit de vari´et´es de drapeaux via le morphisme ι : BS −→ (G/B)r, d´efini par

ι([p1, p2, ... , pr]) = (p1· B, p1p2· B, ... , p1p2· · · pr · B).

Soit γ ∈ Γ une sous-expression de w. Par construction de Cγ(x), on a

ι(Cγ(x)) ⊂ r

Y

i=1

Bxγi · B.

Puisque BS est une vari´et´e projective, le morphisme ι est ferm´e ; il envoie donc l’adh´erence d’une cellule Cγ(x) dans BS sur l’adh´erence de ι(Cγ(x)). L’ordre de

Bruhat, qui d´ecrit les relations d’inclusion entre vari´et´es de Schubert, induit un ordre naturel sur Γ d´efini par

δ  γ ⇐⇒ xδi ≤ xγi pour tout i = 1, ... , r et on obtient Cγ(x) ⊂ [ δγ Cδ(x) et Dγ(x) ⊂ [ δγ Dδ(x) (2.19)

o `u Dγ(x) d´esigne l’adh´erence de Dγ(x) dans la cellule de Schubert Bw · B. De ces

inclusions on peut d´eduire la filtrabilit´e de la d´ecomposition de Curtis-Deodhar : Lemme 2.20. Soient w , v , x ∈ W fix´es, et w = s1· · · sr une d´ecomposition r´eduite de

w. En num´erotant l’ensemble Γv(x) = {γ0, γ1, ... , γm} de fa¸con compatible `a l’ordre ,

les relations Fi \ Fi+1 = Dγi d´efinissent une filtration F0⊃ F1 ⊃ · · · ⊃ Fm ⊃ Fm+1 =

∅ de Bw · B ∩ Bv· B en sous-vari´et´es ferm´ees.

La propri´et´e de filtrabilit´e est en fait toujours v´erifi´ee pour les d´ecompositions de Białynicki-Birula de vari´et´es projectives [3]. En revanche, d’autres hypoth`eses sont n´ecessaires si l’on souhaite obtenir des stratifications (un crit`ere est donn´e dans [3]) ; pour les vari´et´es de Bott-Samelson, ces hypoth`eses ne sont en g´en´eral pas v´erifi´ees, ce qui ne laisse que peu d’espoir pour que la d´ecomposition de Curtis-Deodhar soit une stratification. Les deux questions suivantes r´esument les probl`emes qui peuvent se poser dans notre situation :

Question 2.21. L’adh´erence de Dγ(x) est-elle une union de cellules ? En d’autres

termes, est-ce que la partition (Dγ(x))γ∈Γ d´efinit une stratification de la vari´et´e

Bw · B ?

Question 2.22. Si δ est une sous-expression v´erifiant δ  γ, a-t-on n´ecessaire- ment Dγ(x) ∩ Dδ(x) 6= ∅ ?

S’il est possible de donner une r´eponse positive `a ces deux questions dans des cas particuliers− si w est un ´el´ement de Coxeter ou si γ est maximal (cf. la fin de la section2.2.2)− on montre dans les sections suivantes que ce n’est pas vrai en toute g´en´eralit´e.

(i) Formules de Chevalley pour le type Bn. `A partir de maintenant et jusqu’`a

la fin de cette partie, G d´esignera un groupe quasi-simple de type Bn (on peut

par exemple choisir pour G le groupe orthogonal SO2n+1(k)). Le groupe de Weyl

W = Wnet son syst`eme de racines correspondent donc au diagramme de Dynkin

suivant :

t1 t2 t3 t4 tn−1 tn

On notera S = {t1, ... , tn} l’ensemble des r´eflexions simples et ∆ = {β1, ... , βn}

les racines simples associ´ees. Rappelons que Φ est form´e de n2racines positives, dont l’expression en termes des racines simples est donn´ee par [11, planche II] :

• βi + βi+1+ · · · + βj pour 1≤ i ≤ j ≤ n ;

• 2β1+ · · · + 2βi + βi+1+ · · · + βj pour 1≤ i < j ≤ n.

Afin de pouvoir effectuer des calculs explicites, on choisit une famille d’iso- morphismes (uα)α∈Φ v´erifiant la formule des commutateurs de Chevalley (cf.

[21, th´eor`eme 5.2.2]). Autrement dit, si α, β ∈ Φ sont des racines lin´eairement ind´ependantes, et x, y ∈Fdes scalaires quelconques, on a :



uα(x) ; uβ(y )



= uα(x)uβ(y )uα(−x)uβ(−y) =

Y

i,j>0

uiβ+jα(Cijβα(−y)ixj)

o `u le produit est calcul´e sur les couples (i , j) tels que i β + jα∈ Φ, dans un ordre croissant pour i + j. On donne ici les cas particuliers dans lequels cette formule sera appliqu´ee par la suite :

Formules 2.23. Soient x, y ∈F. Pour α, β ∈ Φ

et i = 2, ... , n− 1, on a

(i) si α + β /∈ Φ alors

uα(x)uβ(y )uα(−x) = uβ(y ) ;

(ii) si α = −βi et β =−βi+1− · · · − βn alors

uα(x)uβ(y )uα(−x) = uα+β(±xy)uβ(y ) ;

(iii) si α = −2β1− β2− · · · − βn−1 et β =−β2− · · · − βn alors

(iv) si α = −βi − · · · − βn−1et β =−βn alors uα(x)uβ(y )uα(−x) = uβ(y )uα+β(±xy) ; (v) si α = −β1− · · · − βn−1 et β =−βn alors  uα(x) ; uβ(y )  = u2α+β(±x2y)uα+β(±xy).

Remarque 2.24. Les valeurs des constantes Cijβα peuvent ˆetre d´etermin´ees par

[21, section 4.3]. Les signes de ces constantes d´ependent d’un choix sur certains ´el´ements de la base de Chevalley de l’alg`ebre de Lie de G (`a savoir les paires extra-sp´eciales, cf. [21, section 4.2]). N´eanmoins, ces choix ne seront pas signifi- catifs dans nos calculs et nous utiliserons la notation±.

Dans un soucis de simplicit´e, on s’attachera uniquement au cas o `u x = w0

dans les exemples suivants. Toutes les sous-expressions x-distingu´ees seront sim- plement distingu´ees, les cellules de Curtis-Deodhar seront not´ees Dγet les suites

de racines apparaissant dans l’´ecriture canonique de leurs ´el´ements Φγ(cf. nota-

tions2.15).

(ii) Obstruction `a la stratification. On commence par donner une r´eponse n´e- gative `a la question2.21. Pour cela, on consid`ere l’´el´ement w de Wnd´efini par la

d´ecomposition r´eduite suivante :

w = tntn−1· · · t2t1t2· · · tn−1tntn−1· · · t2t1t2· · · tn−1

et on d´efinit les sous-expressions distingu´ees γ, δ∈ Γ par :

et

γ = (1, tn−1, tn−2, ... , t2, 1, t2, ... , tn−1, 1, tn−1, ... , t2, 1, t2, ... , tn−1)

δ = (1, tn−1, tn−2, ... , t2, t1, 1, 1, ... ... ... ... ... ... ... , 1, t1, t2, ... , tn−1).

La dimension des cellules associ´ees `a ces sous-expressions est donn´ee par le th´eor`eme2.13. On peut facilement v´erifier que dim Dγ = 2n et dim Dδ = 3n − 3,

bien que les deux sous-expressions v´erifient δ  γ. Par cons´equent, pour n ≥ 4, l’adh´erence de la cellule Dγ ne peut contenir enti`erement la cellule Dδ, ce qui

force au moins l’une des deux questions `a avoir une r´eponse n´egative. On va en fait prouver le r´esultat suivant :

Proposition 2.25. L’adh´erence de Dγdans la cellule de Schubert double Bw·B∩B−·B

contient une sous-vari´et´e de Dδde dimension n.

D´emonstration. (i) Soit Ψ le sous-ensemble du syst`eme de racines Φ d´efini par

Ψ = {−2β1−· · ·−2βn−1−βn; −β2−· · ·−βn; −β3−· · ·−βn; ... ; −βn−1−βn; −βn}.

Puisque la somme de deux ´el´ements de cet ensemble n’est jamais une racine, les sous-groupes `a un param`etre associ´es commutent entre eux. Consid´erons l’en- semble Ω suivant :

Ω = Y

β∈Ψ

Par la remarque pr´ec´edente et la formule2.23.(i), ce produit ne d´epend pas de l’ordre dans lequel on le calcule. On va montrer que son image dans G/B, not´ee V = Ω · B, est incluse `a la fois dans Dγet Dδ, ce qui prouvera la proposition.

(ii) `A l’aide de [11, section V.4.1], on peut calculer explicitement les ´el´ements de la suite Φδd´efinie en2.15; leur oppos´e est donn´e par

−Φδ = βn; 2β1+ β2+ · · · + βn−1; β2; β3; ... ; βn−2;

βn−1+ βn; βn−2; ... ; β3; β2; 2β1+ β2+ · · · + βn−1;

β1+ · · · + βn−1; β2+ · · · + βn−1; ... ; βn−1

 .

En reprenant les notations donn´ees en2.15, chaque ´el´ement de Dδ s’exprime en

fonction des variables (xβ)β∈Φδ, qui appartiennent `a Gm ou Ga selon la valeur

du δi correspondant. Ici, on peut v´erifier que les (2n − 2) premi`eres variables

correspondent `a des variables dans Gmtandis que les (n−1) derni`eres parcourent

Ga. Si bien que pour y = (y1, ... , yn) ∈ (Ga)n, on peut construire l’´el´ement de Dδ

associ´e `a la sp´ecialisation suivante :

(xβ)β∈Φδ = (y1, y2, ... , yn−1, yn, −yn−1, ... , −y3, −y2, 0, ... , 0).

Le repr´esentant uy∈ U−correspondant s’´ecrit

uy = uβ∗n(y1)u ∗ 2β1+β2+···+βn−1(y2) vyu ∗ 2β1+β2+···+βn−1(−y2) avec vy = uβ∗2(y3) · · · u ∗ βn−1+βn(yn) · · · u ∗ β2(−y3)

en notant uα∗ = u−αle sous-groupe `a un param`etre correspondant `a la racine−α.

On adoptera cette convention jusqu’`a la fin de cette section afin de rendre les calculs plus lisibles. Par applications successives des formules2.23.(i) et2.23.(ii), l’expression de vyse simplifie en

vy = uβ2+···+βn(±y3· · · yn) · · · u∗βn−2n−1n(±yn−1yn)uβn−1n(yn).

En r´einjectant cette expression dans la d´efinition de uyet en utilisant les formules

2.23.(i) et2.23.(iii), on obtient

uy = uβn(y1)u1+···+2βn−1n(±y2· · · yn) vy = u∗ βn(y1)u ∗ 2β1+···+2βn−1+βn(±y2· · · yn)u ∗ β2+···+βn(±y3· · · yn) · · · u ∗ βn−1+βn(yn).

Puisque tout ´el´ement de Ω peut s’´ecrire sous cette forme, on en d´eduit que Dδ

contient la vari´et´e V , qui est bien s ˆur de dimension n.

(iii) Comme pr´ec´edemment, il est facile de d´eterminer la suite des racines ap- paraissant dans l’expression canonique des ´el´ements de Dγ (cf. notations 2.15).

L’oppos´e de cet ensemble est donn´e par

−Φγ = βn; β1+ · · · + βn−1; β2+ · · · + βn−1; ... ; βn−1;

βn; β1+ · · · + βn−1; β2+ · · · + βn−1; ... ; βn−1

 .

Pour z = (z1, · · · , zn, t) ∈ (Gm)n+1, on peut consid´erer le repr´esentant uz∈ U−de

l’´el´ement de Dγassoci´e au choix de variables suivant :

(xβ)β∈Φδ = (zn, z1t, z2t

2, z

Puisque chacune de ces variables est suppos´ee non nulle, il est ici inutile de v´erifier quelle racine correspond `a une variable de Ga ou Gm. De plus, on peut

changer l’ordre de certains termes de cette suite en utilisant la formule2.23.(i) et ainsi obtenir uz = u∗βn(zn)u ∗ β1+···+βn−1(z1t) vzu ∗ β1+···+βn−1(−z1t). avec vz = uβ∗2+···+βn−1(z2t 2) · · · u∗ βn−1(zn−1t 2)u∗ βn(t −2)u∗ βn−1(−zn−1t 2) · · ·

Par applications successives des formules 2.23.(i) et 2.23.(iv), l’expression de vz

se simplifie en vz = u∗βn(t −2)u∗ β2+···+βn(±z2)u ∗ β3+···+βn(±z3) · · · u ∗ βn−1+βn(±zn−1).

On utilise alors les formules2.23.(i) puis2.23.(v) pour obtenir uz = uβn(zn)  uβ∗ 1+···+βn−1(z1t) ; u ∗ βn(t −2)v z = uβn(zn)u1+···+2βn−1n(±z12)uβ∗1+···+βn(±z1t −1)v z.

Cette expression admet donc une limite en t =∞, donn´ee par lim t→∞uz = u ∗ βn(zn)u ∗ 2β1+···+2βn−1+βn(±z 2 1)uβ∗2+···+βn(±z2) · · · u ∗ βn−1+βn(±zn−1). `

A nouveau, on observe que chaque ´el´ement de Ω peut ˆetre ´ecrit sous cette forme, ce qui prouve que la vari´et´e V = Ω· B est aussi contenue dans l’adh´erence de la cellule Dγ.

En r´esum´e, on a construit, pour tout entier n ≥ 4, deux sous-expressions distingu´ees γ, δ∈ Γ1 v´erifiant

• δ  γ ; • Dδ* Dγ;

• dim Dγ∩ Dδ ≥ n.

En particulier, la r´eponse `a la question2.21est n´egative, contrairement `a ce qui est d´emontr´e dans [90].

(iii) Disjonction des cellules. On s’int´eresse maintenant au probl`eme pos´e par la question2.22. Le groupe G est toujours suppos´e de type Bn, mais dans le cas

particulier o `u n = 3. Dans cet exemple, on consid`ere deux sous-expressions de w0associ´ees `a la d´ecomposition r´eduite w0= t3t2t1t2t3t2t1t2t1:

et

σ = (1, t2, 1, t2, 1, t2, t1, 1, t1)

τ = (1, t2, t1, 1, 1, t2, 1, t2, t1).

Ces sous-expressions v´erifient τ  σ, et les cellules associ´ees sont des sous- vari´et´es de B−t2· B de dimension 6. Pourtant,

Proposition 2.26. L’adh´erence Dσ de Dσ dans la cellule de Schubert Bw0· B est dis-

D´emonstration. `A l’aide de [11, section V.4.1], on peut d´eterminer tous les sous- groupes `a un param`etre apparaissant dans l’expression canonique des ´el´ements de Dσet Dτ (cf. notations2.15). Les racines correspondantes sont donn´ees par les

suites : et −Φσ = β3; β1+ β2; β2; β3; 2β1+ β2; β1+ β2 −Φτ = β3; 2β1+ β2; β2+ β3; β1; 2β1+ β2; β1+ β2  .

Par d´efinition, chacune des deux cellules est contenue dans B−t2·B, mais puisque

la racine−β1n’apparaˆıt pas dans l’ensemble Φσ, la cellule Dσest en fait contenue

dans (B−∩t1B)t

2· B. Cette derni`ere vari´et´e ´etant ferm´ee dans B−t2· B, on en

d´eduit que l’adh´erence de Dσdans la cellule de Schubert double Bw0·B∩B−t2·B

est aussi contenue dans (B−∩t1B)t

2· B.

D’un autre c ˆot´e,−β1n’apparaˆıt qu’une seule fois dans Φτ, et la variable cor-

respondante appartient `a Gm. Plus pr´ecis´ement, pour i = 7 on a :

• τi = t2t1t2et τi = 1 si bien que i /∈ Iτ correspond `a une variable dans Gm;

• τi(−α

i) = τi(−β1) = t2t1t2(−β1) = −β1;

ce qui entraˆıne que l’intersection de la cellule Dτ avec (B−∩t1B−)t2· B (et donc

avec l’adh´erence de Dσ) est vide.

Remarque 2.27. La situation de disjonction n’est pas sp´ecifique `a la dimension 3. L’exemple pr´ec´edent s’´etend facilement au type Bnen concat´enant σ et τ avec la

sous-expression distingu´ee de v = tn· · · t2t1t2· · · tnd´efinie par :

η = (1, 1, ... , 1, t2, 1, t2, 1, ... , 1).

Les cellules de Curtis-Deodhar associ´ees aux sous-expressions ˜σ = η·σ et ˜τ = η·τ sont alors de dimension 2n+2, et satisfont pour autant la proposition pr´ec´edente.