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4.5 Applications sous l’hypoth`ese de non-torsion forte

4.5.4 Perversit´e et matrice de d´ecomposition

Pour clore ce chapitre, on observe que l’´equivalence induite par le complexe de cohomologie est perverse au sens de [22], donnant ainsi une preuve concep- tuelle de l’unitriangularit´e de la matrice de d´ecomposition du ℓ-bloc principal.

Donnons avant cela quelques pr´ecisions sur les notations intervenant dans la d´efinition. On rappelle qu’une sous-cat´egorie pleine B d’une cat´egorie ab´elienne A est une sous-cat´egorie de Serre si pour toute suite exacte

0 −→ A −→ B −→ C −→ 0

dans A . B est un objet de B si et seulement si A et C sont eux-mˆeme dans B. Au- trement dit, la cat´egorie B est stable par quotients et sous-modules quelconques, ainsi que par extensions par objets de B.

´Etant donn´e une telle cat´egorie, on notera Db

B(A ) la sous-cat´egorie pleine de

Db(A ) form´ee des complexes dont la cohomologie est constitu´ee d’objets de B et on pourra former les cat´egories quotient A /B et Db(A )/Db

B(A ).

efinition 4.90. Soient A et Adeux cat´egories ab´eliennes, S et Sl’ensemble des

classes d’isomorphismes d’objets simples de ces cat´egories. Une ´equivalence de cat´egories

Θ : Db(A )−→ D∼ b(A) est dite perverse s’il existe

• des filtrations ∅ = S0 ⊂ S1⊂ · · · ⊂ Sr = S et∅ = S0′ ⊂ S1′ ⊂ · · · ⊂ Sr′ =

S′des ensembles S et S,

• une fonction p : [[ 0 ; r ]] −→Zrepr´esentant la perversit´e,

telles que si Ai(resp. Ai′) d´esigne la sous-cat´egorie de Serre engendr´ee par Si (resp. Si′),

alors pour tout i

(i) Θ se restreint en des ´equivalences DAbi(A ) ≃ DAb′ i(A

(ii) le foncteur compos´e Ai/Ai−1 ֒→ DAbi(A )/DAbi −1(A ) Θ −→ Db A′ i(A ′)/Db A′ i −1(A ′)

se factorise selon le diagramme suivant

DAbi(A )/DAbi −1(A ) DAb′ i(A ′)/Db A′ i −1(A ′) Ai/Ai−1 A′ i/Ai−1′ Θ ∼ can [p(i )]

de sorte que Θ[−p(i)] induise une ´equivalence Ai/Ai−1≃ Ai′/Ai−1′ .

Dans la suite, on supposera que tous les objets des cat´egories ab´eliennes consid´er´ees ont des suites de composition de longueur finie, de sorte que la no- tion de facteur de composition ait un sens. Les propri´et´es (i) et (ii) se reformulent alors en partique en :

• pour L un module simple appartenant `a Si , les facteurs de composition de

Hn(Θ(L)) appartiennent `a S

i ; de plus, ils appartiennent mˆeme `a Si−1′ d`es

que n6= −p(i) ;

• si L ∈ Si r Si−1 alors H−p(i )(Θ(L)) a un unique facteur de composition

L′ appartenant `a Si′ et l’application L 7−→ L′ induit une bijection entre les

modules simples de Si r Si−1et ceux de Si′r Si′−1.

En des termes plus simples, Θ(L) est quasi-isomorphe `a L′[p(i )] « modulo des facteurs de composition dans Si−1».

Remarque 4.91. Si F est une ´equivalence perverse de perversit´e p, et G un fonc- teur inverse de F , alors G est une ´equivalence perverse de perversit´e−p.

Revenons maintenant au cas de l’´equivalence d´eriv´ee ´etudi´ee pr´ec´edemment. On a construit un complexe born´e D de (ΛG , ΛTcF ⋊ CW(cσ))-bimodules repr´e-

sentant la cohomologie de Yℓ, et dont les termes sont des modules projectifs de

type fini `a gauche et `a droite. En reprenant la d´emonstration du th´eor`eme [], on montre facilement que pour Sj un kG -module simple avec j ∈ [[ mζ; Mζ]], on a

D∨kGSj ≃ Nj[mζ− j − r] (4.92) avec Nj un kTcF ⋊ CW(cσ)-module v´erifiant

ReskTcF⋊CW(cσ)

kCW(cσ) Nj



≃ kj ⊕ kj+1⊕ · · · ⊕ kMζ.

En particulier, les facteurs de composition de Nj sont exactement les inflations

des modules simples kj, ... , kMζ.

De cette observation on va d´eduire que le foncteur Θ : D ⊗kG − induit une

´equivalence perverse. Rappelons d’abord qu’`a tout module simple S on peut associer sa hauteur dans l’arbre de Brauer, comme sa distance au sommet excep- tionnel. Avec les notations pr´ec´edentes, on a par exemple hΓ(Sj) = j −mζ. `A l’aide

Si = S ∈ Irr kG hΓ(S) ≤ r − i ainsi que leurs analogues

S′i =kj ∈ Irr kTcF ⋊ CW(cσ) Sj ∈ Si

o `u, par abus de notation, on notera toujours kj l’inflation du module kjde CW(cσ)

`a TcF ⋊ CW(cσ). Notons que Sr = Irr kG et Sr′ = Irr kTcF ⋊ CW(cσ) sont les

derniers ´el´ements de la filtration.

Enfin, l’image par Θ d’un module Sj ∈ SirSi−1poss`ede, par l’isomorphisme

4.92, un unique facteur de composition dans Si′r Si−1′ , `a savoir kj. Ce dernier

est concentr´e en degr´e r + j− mζ= r + hΓ(Sj) = 2r − i, de sorte que si on d´efinit

la fonction de perversit´e par p(i ) = i− 2r, on obtient finalement :

Th´eor`eme 4.93. Le foncteur Θ : D ⊗kG − muni du triplet (S•, S•′, p) induit une

´equivalence perverse entre les blocs principaux de kG et kTcF ⋊ C

W(cσ). La bijection

induite sur les modules simples par cette ´equivalence est Sj ←→ kj.

Pour les ´equivalences d´eriv´ees pr´edites par la conjecture de Brou´e, o `u l’une des deux alg`ebres apparaissant est du type D⋊ E avec D un ℓ-groupe ab´elien et E un ℓ′-sous groupe de Aut(D), l’existence d’une donn´ee perverse renseigne sur les matrices de d´ecomposition des blocs consid´er´es [22] :

Corollaire 4.94 (Chuang-Rouquier). On peut ordonner les KG -modules simples et les kG-modules simples de telle sorte que la matrice de d´ecomposition du bloc principal de

ΛG soit unitriangulaire.

D´emonstration. Il suffit de choisir un ordre sur les modules respectant la perver-

sit´e (ici donn´ee par la hauteur). Par semi-simplicit´e, le foncteur KΘ : Db(KG -mod) −→ Db(KTcF ⋊ C

W(cσ))

induit une bijection sur les simples appartenant aux blocs principaux, bijection qui, par d´efinition des modules Yj et kj (voir la notation4.21et l’exemple4.27),

envoie le module simple Yj sur un module d´ecal´e isomorphe `a un relev´e `a Λ de

kj.

Soit Θ∗ un foncteur inverse de Θ. Il induit aussi une ´equivalence perverse, pour les mˆemes filtrations, mais pour une fonction de perversit´e oppos´ee. La filtration sur les simples ´etant donn´ee par la hauteur, on trouve

d´ecG [Yj]K = Θ∗ [kj]k  = [Sj]k + X hΓ(Si)≥hΓ(Sj) ai,j[Si]k

pour certains entiers ai,j, ce qui traduit l’unitriangularit´e de la matrice de d´ecom-

position de ΛGb.

Bien s ˆur, on aurait pu v´erifier directement que l’ordre induit par la hau- teur dans l’arbre de Brauer donne une matrice de d´ecomposition unitriangulaire, mais la d´emonstration donn´ee dans [22] s’applique `a des situations o `u l’on ne dispose que de l’´equivalence perverse, et pas de la structure d´etaill´ee du bloc.

Chapitre

5

Cohomologie des vari´et´es de

Deligne-Lusztig associ´ees `a

d’autres ´el´ements r´eguliers

Contexte

Au cours de cette th`ese, l’´etude de la cohomologie des vari´et´es de Deligne- Lusztig a ´et´e essentiellement conduite dans deux directions diff´erentes :

• pour identifier une certaine classe de repr´esentations modulaires appa- raissant dans la cohomologie des vari´et´es Y( ˙w) et X(w ) associ´ees `a n’im- porte quel ´el´ement du groupe de Weyl, ceci grˆace `a des d´ecompositions g´eom´etriques de ces vari´et´es ;

• pour comprendre toutes les repr´esentations donn´ees par la cohomologie des vari´et´es de Deligne-Lusztig associ´ees `a des ´el´ements particuliers de W (les ´el´ements de Coxeter).

Ce dernier chapitre est un travail effectu´e avec l’aide de Jean Michel, qui ouvre des perspectives de recherche o `u se mˆelent les diff´erents points de vue adopt´es dans les chapitres pr´ec´edents.

Les ´el´ements de Coxeter ´etudi´es pr´ec´edemment sont des ´el´ements r´eguliers particuliers. La version g´eom´etrique des conjectures de Brou´e, telle qu’elle est pr´ecis´ee dans [17], fait intervenir les vari´et´es de Deligne-Lusztig associ´ees `a d’au- tres ´el´ements r´eguliers dans le but de d´ecrire tous les ℓ-blocs principaux pour diff´erents nombres premiers ℓ `a partir de la cohomologie des vari´et´es associ´ees.

La premi`ere ´etape dans la g´en´eralisation des r´esultats du chapitre pr´ec´edent `a d’autres ´el´ements r´eguliers est le calcul explicite de la cohomologie de ces vari´et´es. On s’inspire pour cela des m´ethodes utilis´ees dans les travaux r´ecents de Digne, Michel et Rouquier [34], [35] en y ajoutant les ingr´edients du chapitre 2. Le lien entre les deux points de vue est d´etaill´e dans les deux premi`eres parties, o `u on d´eveloppe une m´ethode g´en´erale permettant de calculer la cohomologie du quotient des vari´et´es de Deligne-Lusztig `a partir de vari´et´es plus petites, re- group´ees selon certaines cellules de Deodhar. On observe ensuite que pour des

´el´ements r´eguliers de petite longueur, tr`es peu de vari´et´es interviennent, ce qui permet de mener `a bien quelques calculs dans les groupes de type F4, E6, E7 et

E8. La traduction modulaire de ces r´esultats est donn´ee dans une derni`ere partie,

sous la forme de deux arbres de Brauer d´ecrivant conjecturalement le Φ14-bloc

principal d’un groupe de type E7et le Φ24-bloc principal d’un groupe de type E8.

Une inspection plus approfondie de la torsion dans la cohomologie modulaire de ces vari´et´es devrait, comme dans le cas des ´el´ements de Coxeter, donner assez d’informations pour mener `a bien cette ´etude.

5.1

Quotient de vari´et´es de Deligne-Lusztig

On cherche `a calculer la cohomologie de certaines vari´et´es de Deligne-Lusztig de mani`ere inductive. Rappelons que lorsque w est un ´el´ement de Coxeter, le quotient de X(w ) par le sous-groupe unipotent UI s’exprime en fonction d’une

autre vari´et´e de Deligne-Lusztig, elle-mˆeme associ´ee `a un ´el´ement de Coxeter du sous-groupe parabolique WI. C’est en grande partie sur ce ph´enom`ene que re-

posent les travaux de Lusztig [62] que nous avons utilis´es au chapitre pr´ec´edent. Nous donnons dans cette premi`ere partie une m´ethode g´en´erale permettant de g´en´eraliser ce r´esultat. La philosophie du chapitre4est conserv´ee : la d´ecom- position de Curtis-Deodhar permet d’exprimer le quotient UI\X(w) pour n’im-

porte quel ´el´ement w ∈ W `a l’aide de vari´et´es de Deligne-Lusztig « plus petites ». Chaque vari´et´e apparaissant correspond `a une certaine cellule de Deodhar, ex- pliquant ainsi le fait qu’une seule vari´et´e apparaisse dans le cas d’un ´el´ement de Coxeter. En pratique, on commencera par regrouper les pi`eces de X(w ) en sui- vant [34], de mani`ere `a obtenir une d´ecomposition du quotient en sous-vari´et´es stables par l’action de LI. On d´ecomposera `a nouveau ces derni`eres en utilisant

les outils introduits aux chapitre2, afin de faire apparaˆıtre les vari´et´es de Deligne- Lusztig associ´ees aux ´el´ements de WI.