On va maintenant pouvoir entrer dans le vif du sujet, `a savoir ´etudier le lien entre la cohomologie de la vari´et´e Y( ˙w) et les modules de Gelfand-Graev g´en´eralis´es ΓN. Vu la nature de ces objets, ce lien sera repr´esent´e par le complexe
RHom•ΛG ΓN, RΓc(Y( ˙w), Λ)
∈ Db(ΛG -Mod).
Comme dans le chapitre pr´ec´edent, on va utiliser la d´ecomposition de la vari´et´e de Deligne-Lusztig Y( ˙w) en pi`eces, et esp´erer ainsi ramener le probl`eme au calcul des morphismes entre ΓN et la cohomologie de Yx( ˙w) pour chaque ´el´ement x de
W. Il faut cependant noter que les sous-vari´et´es Yx( ˙w) ne sont pas stables par
l’action de G en g´en´eral, mais seulement par U ; puisque les modules ΓN sont
d´efinis `a partir de ce sous-groupe unipotent, cela ne posera pas de probl`eme en pratique.
Dans une premi`ere section, on appliquera les r´esultats de la section2.3.2afin de construire explicitement le quotient de chaque pi`ece par le groupe unipotent U3associ´e `a N. Grˆace `a cette description, on sera en mesure de prolonger les ac-
tions de certains groupes `a un param`etre sur Yx( ˙w) `a un groupe connexe. Enfin,
la traduction cohomologique de ce r´esultat donnera un crit`ere sur x permettant de dire si les morphismes qui nous int´eressent peuvent ˆetre non triviaux (voir corollaire3.25).
3.2.1 Expression du quotient de eYx( ˙w) par U3
Soit O une orbite nilpotente de G stable par F , et d le diagramme de Dynkin pond´er´e associ´e. On va se concentrer sur un groupe unipotent particulier dans la filtration (Ui) d´efinie par d : il s’agit du groupe U3, engendr´e par les sous-groupes
`a un param`etre Uα pour d(α) ≥ 3. Par les formules de Chevalley et la lin´earit´e
de d, c’est un sous-groupe distingu´e de B et on notera π3 : B −→ U3\B le mor-
l’application ϕ : b∈ B 7−→ (b−1F(b), π
3(b)) ∈ B × (U3\B) induit l’isomorphisme
B-´equivariant de vari´et´es suivant : U3\B ≃ (¯b, h) ∈ B × (U3\B) π3(¯b) = h−1F(h) .
Si x et w sont deux ´el´ements du groupe de Weyl, on dispose d’un fibr´e en espaces affines eYx( ˙w) au dessus de la pi`ece Yx( ˙w), d´efini en section2.4.1, et pour lequel
la restriction de cet isomorphisme donne : U3\eYx( ˙w) ≃ (¯b, h) ∈ B × (U3\B)
π3(¯b) = h−1F(h) et ¯b ∈ x(U ˙w U)F (x)−1 .
Rappelons qu’avec cette identification, un ´el´ement de U agit par l’interm´ediaire de sa classe dans U3\B sur l’´el´ement h.
3.2.2 Sur certaines composantes isotypiques de la cohomologie des pi`eces Yx( ˙w)
Fixons maintenant un ´el´ement nilpotent N ∈ OF∩ u
2. Il d´efinit un module de
Gelfand-Graev g´en´eralis´e qui s’´ecrit ΓN = IndGU1,5ΛN. On cherche alors `a d´etermi-
ner le complexe
RHom•ΛG ΓN, RΓc(Y( ˙w), Λ)
afin d’obtenir des informations pr´ecises sur la contribution de ΓN dans la coho-
mologie de la vari´et´e de Deligne-Lusztig Y( ˙w). Par la formule de r´eciprocit´e de Frobenius, ce dernier est quasi-isomorphe aux complexes
RHom•ΛU1,5 ΛN, RΓc(Y( ˙w), Λ)
≃ eNRΓc(Y( ˙w), Λ)
o `u eN d´esigne l’idempotent de ΛU1,5associ´e au caract`ere lin´eaire eψN. On va don-
ner dans cette section des conditions sur x pour que la contribution de la pi`ece associ´ee `a x, repr´esent´ee par le complexe eNRΓc(Yx( ˙w), Λ), soit nulle dans la
cat´egorie d´eriv´ee Db(Mod-TwF).
(i) Prolongement d’actions. La description du quotient de la pi`ece eYx( ˙w) par
U3 donn´ee dans la section pr´ec´edente va nous permettre d’´etendre l’action de
certains groupes `a un param`etre. Plus pr´ecis´ement, on montre :
Proposition 3.24. Soit α une racine positive v´erifiant les trois conditions suivantes : (i) α est de poids 2 (i.e. d(α) = 2) ;
(ii) x−1(α) est une racine positive ;
(iii) α est maximale pour son poids, i.e. pour toute racine simple β de poids 0, on a α + β /∈ Φ.
Alors l’action de Vαsur la vari´et´e quotient U3\eYx( ˙w) s’´etend en une action du groupe
D´emonstration. On utilise la description de la vari´et´e quotient U3\eYx( ˙w) donn´ee pr´ec´edemment : U3\eYx(w ) ≃ (¯b, h) ∈ B × (U3\B) π3(¯b) = h−1F(h) et ¯b∈ x(U ˙w U)F (x)−1 .
Par l’application quotient U3\B −→ T, tout caract`ere du tore T s’´etend de
fac¸on triviale en un caract`ere lin´eaire du groupe U3\B. Pour α une racine simple,
on notera ˜α : U3\B −→ Gm l’extension correspondante ; pour h ∈ U3\B on a
alors, grˆace `a l’hypoth`ese (iii) :
huα(ζ)h−1 = uα(˜α(h)ζ).
`
A l’aide de cette relation, on va montrer que l’on peut d´efinir une action du groupe connexe Vαsur la vari´et´e quotient U3\eYx( ˙w) par :
∀ ζ ∈F vα(ζ) · (¯b, h) = uα α(h˜
−1)(ζqα − ζ)¯b, v
α(ζ)h
.
Il suffit de v´erifier que la vari´et´e quotient est bien stable par cette action : con- sid´erons (¯b, h) ∈ U3\eYx(w ) et (¯b′, h′) = vα(ζ) · (¯b, h) le couple image par ζ. En
utilisant la formule vα(ζ)−1F(vα(ζ)) = uα(ζqα − ζ) (voir section2.3.2), on peut
calculer : h′−1F(h′) = h−1vα(ζ)−1F(vα(ζ))F (h) = h−1u α(ζqα− ζ)h h−1F(h) h′−1F(h′) = uα α(h˜ −1)(ζqα− ζ) h−1F(h)
si bien queL∆(h′) = ¯b′∆ par d´efinition de ¯b′. De plus, le sous-groupe `a un pa-
ram`etre Uα est contenu dans xU puisque x−1(α) > 0. Par suite ¯b′ ∈ xU¯b ⊂
x(U ˙wU)F (x)−1, ce qui prouve que (¯b′, h′) ∈ U3\eYx( ˙w).
Pour conclure, on remarque que restreindre cette action au groupe fini Vαre-
vient `a restreindre le param`etre ζ `aFq
α. Dans ce cas on r´ecup`ere l’action naturelle
de Vαqui provient de l’action de U3\U d´ecrite pr´ec´edemment.
Corollaire 3.25. Pour w et x deux ´el´ements fix´es de W , on suppose qu’il existe une
racine positive α telle que
• le couple (x, α) v´erifie les trois conditions de la proposition pr´ec´edente ; • la restriction de eψN au groupe Vαest non-triviale.
Alors le complexe eNRΓc(Yx( ˙w), Λ) est nul dans la cat´egorie d´eriv´ee Db(Mod-TwF).
D´emonstration. On proc`ede comme dans la preuve du th´eor`eme2.43: avec les r´esultats ´enonc´es dans la section1.2.2, et le fait que l’ordre du groupe U3 est
inversible dans Λ, on peut ´ecrire la suite suivante de quasi-isomorphismes : eNRΓc(Yx( ˙w), Λ) ≃ eNRΓc(eYx( ˙w), Λ) 2 dim(U ∩xU) ≃ Λ ⊗ΛU3eNRΓc(eYx( ˙w), Λ) 2 dim(U ∩xU) ≃ eNRΓc(U3\eYx( ˙w), Λ) 2 dim(U ∩xU).
RΓc(U3\eYx( ˙w), Λ) ≃ Λ ⊗ΛVα RΓc(U3\eYx( ˙w), Λ).
Enfin, la restriction de eψNau groupe Vα ´etant suppos´ee non triviale, le complexe
pr´ec´edent coup´e par l’idempotent eN est quasi-isomorphe `a z´ero.
Remarque 3.26. Supposons que N est un ´el´ement nilpotent r´egulier. Puisque pour cet ´el´ement toutes les racines simples sont de poids deux, toute racine simple α v´erifiant x−1(α) ∈ Φ+ v´erifie automatiquement toutes les hypoth`eses
du corollaire pr´ec´edent. On en d´eduit que
eNRΓc(Yx( ˙w), Λ) ≃ 0.
d`es que x est diff´erent de w0. On retrouve ainsi une partie du corollaire2.54.