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Lorsque le suivi ne correspond pas aux pratiques culturelles

Pour conclure

PARTIE 3 : Vécu de l'orphelinage et conditions de sortie

7. Vécu et prise en charge des orphelins placés aujourd’hui Nous venons de le voir, la prise en charge des orphelins, même si elle montre certaines spécificités en

7.2. Qui accompagne le deuil ? Du psychologue au soutien familial.

7.2.4. Lorsque le suivi ne correspond pas aux pratiques culturelles

Enfin, les jeunes originaires de pays non occidentaux sont encore moins socialisés à la pratique culturelle de la psychothérapie. Si certains centres tentent de mettre en place des suivis spécifiquement dédiés aux situations transculturelles (Moro, 2010) la plupart des jeunes migrants mettent bien en évidence les freins possibles avec ce type de prise en charge.

Ali, originaire du Pakistan, et orphelin de père à 14-15 ans pour des raisons qu’il peine à exprimer, a été séparé de toute sa famille au cours d’une migration qui avait débuté avec sa mère et ses frères et sœurs. Il arrive alors totalement seul à 16 ans sur le sol français. Lorsqu’on l’interroge sur un éventuel accompagnement psychologique, il montre l’importance première pour lui d’avancer de ne pas se retourner en arrière, ne pas raconter.

Est-ce qu’y a eu du soutien, un psychologue, des choses comme ça qui vous ont aidé ou pas ?

Non. Non, parce que moi, j’ai pas envie de raconter… voilà. De toute façon, depuis que je suis ici, moi je dis merci au France, c’est bien. J’aime bien la loi française. Et voilà.

Vous diriez quoi de votre parcours à l’Aide Sociale à l’Enfance ?

Non, c’est de manière positive, on a aucun problème.

Ali, 25 ans, Migration isolée, ElapQuali_V4 Maruti est arrivé d’Inde à l’âge de 16 ans et demi, quelques mois après le décès brutal de son père pour des raisons politiques. Après plusieurs nuits à la rue, puis des nuits dans des hôtels, il sera accueilli dans un foyer jusqu’à ses 19 ans.

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Dans mon pays on n’en parle pas (…) Les éducateurs ils me comprenaient bien, ils comprenaient ma culture et ils savaient

qu’enfin les psychologues c’est pas quelque chose dont j’ai besoin, ils ont pas mis en place cette chose obligatoire pour moi, j’étais chanceux de ce côté-là.

Maruti, 22 ans, Migration isolée, ELAPQuali_V4

De même que pour les jeunes nés en France, Maruti montre bien l’importance des soutiens familiaux et ainsi l’importance de pouvoir maintenir des liens avec des membres de leur famille, malgré la distance géographique et le fait de vivre dans un autre pays.

Vous m’aviez dit que votre père était décédé quand vous aviez 16 ans, quand il est décédé vous étiez déjà en France ?

Non, en fait quand il est décédé là-bas en Inde, après son décès je suis venu ici en France trois ou quatre mois après.

Quand vous êtes arrivé en France, est-ce qu’il y a eu du soutien qui s’est mis en place ? Est-ce que vous en avez parlé à quelqu’un ? Est-ce que les professionnels se sont intéressés à cette question ?

Oui on m’a… oui il y a eu des, enfin… J’avais pas vraiment besoin de ça, mais il y avait des psychologues du foyer, il y a des psychologues de YYY [service spécialisé dans les soins psychiques pour adolescents], je n’y suis pas parti longtemps. Non, parce qu’en fait, tout ce qui est psychologue, psychiatre, etc. j’ai constaté que ça m’a pas apporté beaucoup de choses, enfin, ils ont essayé même, mais moi, franchement, c’était la famille qui m’a soutenu. Ouais, mais en fait, de parler avec un psychologue, c’est pas la même chose que parler avec la famille. Vous voyez, la famille nous a connus, m’a connu depuis que je suis tout petit. Et du coup, la famille vous aidera beaucoup plus qu’un psychologue qu’on vient de se rencontrer. Vous voyez ? Mais franchement, moi, en psychologie moi dans mon cœur, c’est pas vraiment des médecins qui m’ont aidé, c’est vraiment ma mère, ma famille qui a aidé parce que moi, je me trouve seul sans père, mais elle aussi, elle se retrouve sans mari. Vous voyez ? Et du coup, les deux, on se soutient, en fait. On se soutient les deux. Si j’avais un problème, je l’appelle, si elle a un problème elle m’appelle, enfin. Elle m’appelait quand…, mais voilà, c’était pas vraiment des soutiens en France qui m’a soutenu, c’était vraiment des soutiens la famille de… mon oncle, ma grand-mère, ma mère, ma tante. C’est eux qui m’ont soutenu.

Peut-être aussi pour une question de langue ?

C’est pas une question de langue. Par exemple, quand je venais d’arriver en France je parlais pas le français, mais c’est pas ça en fait. C’est pas la langue qui m’empêchait. C’est vraiment… je suis élevé comme ça, en fait. Moi, je partage chaque chose avec ma mère ou mon père ou ma famille, ça me soulage. Vous voyez, c’est un soulagement de l’esprit. Là, ça m’a beaucoup aidé pendant ce temps-là.

D’accord. Et vous dites quand même que vous avez été suivi, vous nommiez toute à l’heure le service YYY, tout ça, par des psys. Vous avez été suivi combien de temps par ces… ?

Je suis pas parti longtemps, non…non, parce qu’en fait, tout ce qui est psychologue, psychiatre, etc. j’ai constaté que ça m’a pas apporté beaucoup de choses, enfin, ils ont essayé même, mais moi, franchement, c’était la famille qui m’a soutenu. Et c’est pour ça, j’étais pas longtemps là-bas. J’ai fait un rendez-vous, deux ou trois fois, je m’en rappelle plus, mais voilà, oui.

Donc, on vous l’a proposé, mais ça ne répondait pas tout à fait à ce que vous aviez besoin ?

Ouais, mais en fait, de parler avec un psychologue, c’est pas la même chose que parler avec la famille. Vous voyez, la famille nous a connus, m’a connu depuis que je suis tout petit. Et du coup, la famille vous aidera beaucoup plus qu’un psychologue qu’on vient de se rencontrer. Vous voyez ?

Maruti, 22 ans, Migration isolée, ELAPQuali_V4. 7.2.5. Lorsque le soutien psychologique vient pallier l’absence d’entourage

Essentiellement pour les jeunes étrangers très isolés, quelques témoignages laissent apparaître la place particulière que peut prendre un suivi psychologique pour les jeunes. Il n’est jamais proposé directement en lien avec le décès, mais plus pour soutenir et accompagner les souffrances et la solitude du jeune dans son ensemble.

Joseph est originaire du Ghana, son père, Ivoirien est décédé lorsqu’il était enfant. Joseph n’a jamais connu sa mère et a toujours été éduqué par sa grand-mère maternelle. C’est au décès de celle-ci qu’il entreprend sa migration à pied. Il est alors démuni de tout entourage. Dès son arrivée à l’Aide sociale à l’enfance, à ses 16 ans, un accompagnement psychologique se met en place. Joseph n’explique pas les raisons de cet accompagnement. Toutefois, dès le second questionnaire, il citera comme

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« personne proche sur qui il peut compter » son psychologue. Et lors de l’entretien, cette personne fait encore partie de son entourage proche qui reste très restreint.

Pour vous, quelles sont les personnes qui comptent le plus dans votre vie ?

Pour moi, y a d’abord mes amis et puis mon psychologue.

D'accord. En fait votre psychologue, vous le connaissez depuis longtemps ?

Depuis 2012.

Depuis 2012. D'accord. C'est vous qui en avez fait la demande ou c'est…

Non. C'est les éducateurs qui m’ont orienté vers… vers lui et du coup, c'est la seule personne avec qui je peux tout dire.

Joseph, 20 ans, Migration isolée, ElapQualiV3

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