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Dans quelles mesures l’entourage est-il mobilisé à la sortie du placement ?

Pour conclure

PARTIE 3 : Vécu de l'orphelinage et conditions de sortie

8. Conditions de vie à la sortie du placement

8.2. Dans quelles mesures l’entourage est-il mobilisé à la sortie du placement ?

Une partie des jeunes a été interrogée 18 mois plus tard dans la seconde vague d’enquête, certains étaient encore protégés, les autres sortis définitivement de l’Ase. En matière d’analyse quantitative, les effectifs des orphelins sortis de protection sont donc en nombre assez réduits en deuxième vague. Ils permettent davantage de donner quelques indications sur l’entourage des orphelins que des analyses quantitatives statistiquement solides.

Alors qu’en première vague, les jeunes étaient interrogés sur les personnes ayant joué un rôle parental au cours de leur enfance, en seconde vague nous avons plus largement questionné le réseau de proches : « quelles sont les personnes qui vous sont proches ET sur qui vous pouvez compter ? ». Les jeunes, dont les deux tiers étaient sortis de placement, étaient alors amenés à énumérer ces personnes en explicitant qui ils étaient : leur sexe, s’ils les avaient connues par le biais de l’ASE et depuis combien de temps ils les connaissaient.

Parmi les sortis de l’ASE, les orphelins n’ont pas nécessairement un réseau de proches plus restreint que les non-orphelins : le nombre moyen de personnes déclarées comme proches n’est pas moins important, notamment pour les orphelins simples de père et les orphelins double nés en France métropolitaine. Pour cause, malgré le décès d’un ou des parents, ils restent nombreux à considérer des membres de leur famille au sein de leur entourage de proches. Pour les jeunes nés en France métropolitaine, en moyenne, le poids de la sphère familiale dans le réseau de proches des orphelins n’est pas inférieur à celui des non-orphelins (respectivement entre 40% et 47% contre 39%). Quelle que soit la situation d’orphelinage, les jeunes nés à l’étranger ont un cercle de proches beaucoup plus petit que les jeunes nés en France métropolitaine, et le

poids des proches familiaux dans ce réseau est bien moindre, il reste en moyenne inférieur à 20% (sauf pour les 17 orphelins de mère nés à l’étranger). Autrement dit, dans le placement et à la sortie, les jeunes nés en France métropolitaine ont un réseau composé d’un plus grand nombre de proches, notamment de proches familiaux. Leur réseau est aussi issu d’horizons plus diversifiés par rapport à celui des jeunes nés à l’étranger, il est moins construit par l’intermédiaire de l’ASE (moins d’amis rencontrés à l’ASE notamment) et les liens avec les proches sont plus anciens (Abassi, thèse en cours). Les jeunes nés à l’étranger et sortis de l’Ase comptent 2,4 personnes proches en moyenne, et ce sont très rarement sur des personnes issues de leur famille : ils se raccrochent davantage aux éducateurs de l’ASE pendant le placement, et à la sphère amicale (Ibid.). Ces tendances varient peu selon le fait d’être orphelin ou non.

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Le réseau des jeunes sortis de l’ASE peut aussi être observé à travers le pourcentage de jeunes citant tel ou tel proche. Près de la moitié des orphelins de père nés en France métropolitaine et sortis de l’ASE comptent sur leur mère. Les autres membres de la parenté sont souvent déclarés, avec notamment la fratrie en seconde position (40% des orphelins de père nés en France métropolitaine citent au moins un frère ou une sœur), puis les autres membres de la parenté. À la différence des orphelins de mère nés en France métropolitaine, les pères sont plus rarement cités comme proches (14% citent leur père), et ce sont les frères et sœurs qui arrivent en tête, en particulier les grandes sœurs et les grands frères. Ces différents éléments tendent à croire que, même si des liens familiaux perdurent après le décès d’une mère, ces liens se concentrent sur un nombre de proches plus limité que lorsqu’il y a décès d’un père ; et ce sont notamment les liens fraternels qui perdurent. Par ailleurs, un grand-frère est plus souvent déclaré lorsqu’il y a décès du père, une grande-sœur lorsqu’il y a décès d’une mère.

Tableau 29 : Description du réseau de proches selon les situations d’orphelinage et le fait d’être né.e à l’étranger ou non.

Né(e) en France Métropolitaine Né(e) à l'étranger

NO OP OM OD Ens. NO OP OM OD Ens.

Effectifs 216 31 33 6 286 128 33 17 25 203

Indications sur le réseau de proches

Nombre moyen de proches 3,7 4,3 3,2 6,6 3,7 2,6 2,4 2,2 1,8 2,4

Poids moyen de la sphère familiale dans le réseau

de proche (en%) 39% 47% 40% 46% 40% 20% 17% 39% 15% 21%

Pourcentage de jeunes citant au moins un proche par sphère relationnelle Avoir au moins un proche issu de la Famille de

naissance 69 76 46 76 67 31 22 39 21 29

Au moins un parent 43 46 14 17 39 13 9 11 0 10

Père 21 0 14 17 18 6 0 11 0 5

Mère 32 46 0 0 29 11 9 0 0 8

Au moins un frère et/ou sœur 30 40 32 76 32 16 9 17 13 15 Petit Frère 5 6 3 27 5 3 0 0 5 3

Petite Sœur 4 5 3 44 5 4 0 0 0 2

Grand Frère 12 24 11 27 14 10 0 7 8 8 Grande Sœur 14 11 28 59 16 4 6 10 0 4

Au moins un grand parent 12 26 7 35 13 1 0 0 0 0

Grand-Père 4 0 0 17 3 1 0 0 0 0

Grand-Mère 11 26 7 35 13 0 0 0 0 0

Au moins un oncle et/ou tante 17 28 12 0 17 9 8 21 5 9

Au moins un autre proche 10 26 12 0 12 3 0 10 8 3

Conjoint.e du Père 1 0 3 0 1 0 0 0 0 0 Conjoint.e de la Mère 4 10 0 0 4 0 0 0 0 0 Autre personne de la famille de naissance 5 16 8 0 7 3 0 10 8 3 Avoir au moins un proche issu de la Sphère amicale 36 29 32 24 35 48 66 35 61 51

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Description du réseau de proches selon les situations d’orphelinage et le fait d’être né.e à l’étranger ou non. (suite)

Né(e) en France

Métropolitaine Né(e) à l'étranger

NO OP OM OD Ens. NO OP OM OD Ens.

Pourcentage de jeunes citant au moins un proche par sphère relationnelle (suite) Avoir au moins un proche issu de la Famille

d'accueil 22 26 23 32 23 5 8 2 0 5

Mère d'accueil 21 21 23 32 22 5 4 2 0 4 Père d'accueil 17 17 23 32 18 2 8 2 0 3 Enfant (biologique ou d'accueil) 6 4 14 0 7 0 0 2 0 0 Autre 1 0 0 18 1 0 0 0 0 0

Avoir au moins un proche Institutionnel ASE 5 0 0 0 3 15 5 14 26 15

Educateurs 5 0 0 0 3 13 5 14 26 13 Référents ASE 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

Autre 0 0 0 0 0 2 0 0 0 1

Avoir au moins un proche Institutionnel Hors ASE 2 4 0 0 2 8 2 4 6 6

Assistant.e social.e 0 0 0 0 0 2 0 4 0 2 Mission Locale 0 0 0 0 0 4 0 0 0 2 Autre 0 0 0 0 0 3 0 0 6 2

Avoir au moins un proche issu d'une autre sphère 4 0 4 0 3 12 9 17 10 11

Collègue / Patron 1 0 0 0 1 5 4 8 4 5 Voisin 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 Psychologue 0 0 0 0 0 2 0 0 0 1 Autre 3 0 0 0 2 5 5 9 6 5

Légende : NO : non-orphelin – OP : orphelin de père – OM : orphelin de mère – OD : orphelin double – Ens : ensemble.

Sources : ELAP-V2 recueil par questionnaires (Ined, Printemps, 2015)

Lecture : Les 216 non-orphelins sortis de l’Ase déclarent 3,7 proches en moyenne, dont 39% des proches sont issus

de la sphère familiale de naissance (soit 1,4 proches en moyenne). Par ailleurs, 69% des non orphelins citent au moins un proche issu de leur famille dans leur réseau.43% peuvent compter sur leur mère et/ou sur leur père. 32% des sortis peuvent compter sur leur mère.

Pour les orphelins double nés en France métropolitaine – au nombre de 6 – il est difficile d’interpréter les données (d’autant qu'un des jeunes cite 7 frères et sœurs, un autre jeune cite 10 amis, ayant pour effet d’accroître fortement le nombre moyen de proches familiaux et amicaux dans cette catégorie). Concernant les non-orphelins, les liens parentaux sont toujours mieux maintenus du côté maternel : 43% des non-orphelins nés en France métropolitaine considèrent au moins un de leur parent comme proche sur qui compter (dont 21% uniquement sur leur mère, 11% uniquement sur leur père et 11% sur les deux).

Du côté des jeunes nés à l’étranger, la déclaration des proches familiaux n’est pas significativement différente selon les types d’orphelinage. Dans le placement, les professionnels de l’ASE, notamment des éducateurs, tenaient une place particulièrement importante dans le réseau des jeunes nés à l’étranger, et constituaient souvent les seuls adultes de référence et de confiance au sein de leur environnement. À la sortie, les éducateurs ne peuvent plus être une sphère sur qui compter, et les amis se retrouvent donc être la principale sphère sur qui compter (tandis que la famille reste centrale pour les jeunes nés en France). Les jeunes nés à

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l’étranger sont, durant leur trajectoire, très minoritaires à avoir côtoyé des accueillants familiaux, alors que c’est davantage avec ce type de professionnels que des liens peuvent se maintenir après la sortie. C’est pourquoi, certains jeunes nés en France ont pu créer des liens forts avec des accueillants familiaux, notamment lorsqu’ils y ont été placés pendant de longues années. 23% des jeunes nés en France sortis de l’ASE comptent encore sur une personne issue de la famille d’accueil. Cette part est très faible pour les jeunes nés à l’étranger, et seuls 15% comptent encore sur un professionnel de l’ASE à la sortie (par ailleurs, ce sont souvent des jeunes sortis depuis peu). La possibilité d’établir, puis d’entretenir, des liens affectifs avec des éducateurs est encore plus mince qu’avec des accueillants familiaux. La fin de la prise en charge marque alors, dans la majorité des cas, la fin de tout un environnement relationnel (Abassi, thèse en cours). La perte du cadre institutionnel et de ces liens « du quotidien », est alors souvent très durement vécue. Pour les jeunes dont le réseau institutionnel était central, ce changement de cadre de vie à la sortie est particulièrement difficile.

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