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2.2 Le travail à accomplir (unfinished business)

2.2.3 Les subventions

Introduction

La question des subventions a attiré beaucoup moins d’attention que celle des mesures de sauvegarde au sein du WPGR de l’AGCS. Le mandat de négociation de l’article XV reflète deux aspects des subventions : l’aspect positif et l’aspect négatif. Les subventions peuvent avoir un effet de distorsion sur le commerce qui va à l’encontre de l’objectif de la libéralisation (aspect négatif), pourtant, elles peuvent aussi être un instrument important de la politique sociale et économique (aspect positif) 175.

En raison de cette dualité d’aspect et pour plusieurs autres raisons, particulièrement, en ce qui concerne la spécificité du commerce de services (plusieurs modes de fourniture), les pays membres, depuis 1995, ne se sont pas mis d’accord sur des disciplines sur les subventions. Le présidant du WPGR a distribué une checklist a tous les pays membres pour faire avancer les négociations et les rendre plus efficaces. Dans cette dernière, il a mentionné plusieurs points qu’il estime cruciaux par rapport au sujet. Tout d’abord, et comme dans le cas des négociations sur l’ESM ; le fait d’avoir des règles sur les subventions est-il désirable ou non ? En suite, et si la réponse à la première question est positive, est-ce que cette tache est faisable ou non ? Pour répondre à cette question, le chef du WPGR a proposé aux pays membres de se concentrer sur les points suivants : la définition des subventions dans le commerce de services, le rôle que les

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South Centre (2005), SC/TADP/AN/SV/15.

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disciplines dans l’OMC (particulièrement le NPF et TN de l’AGCS) peuvent prendre pour régler la question des subventions, le traitement spécial et différent des pays en développement, les mesures compensatoires et quelques aspects techniques que nous allons présenter ci-après176.

Désirabilité des disciplines sur les subventions

La question de la désirabilité n’a pas provoqué beaucoup de divergence, comme dans le cas de l’ESM. En effet, dans la littérature comme au sein du WPGR, la plupart des arguments étaient favorables pour avoir de la discipline sur le sujet. Les arguments non favorables se concentrent, dans la plupart des cas, sur l’idée qu’il n’y a pas suffisamment de statistiques solides qui renforce cette position177.

Les arguments favorables peuvent se résumer, selon Benitah (2003, 2005), à quatre points. Tout d’abord, les subventions ont des effets négatifs sur le commerce des biens. Elles peuvent restreindre la libre compétition entre les pays. Nous ne trouvons aucun obstacle théorique pour étendre cet argument aux subventions du commerce de services178. Ensuite, les pays en développement trouvent que la question des subventions est cruciale pour garantir un level-

playing field entre les pays en développement et les pays développés. Pour eux, en raison de leur

capacité limitée d’accorder des subventions relativement par rapport aux pays développés, les subventions peuvent potentiellement restreindre l’accès au marché de ces derniers et aussi réduire ou même renverser l’impact des subventions des pays en développement. De plus, dans quelques secteurs de services (comme par exemple le tourisme, l’énergie et le transport), les subventions peuvent engendrer une surexploitation des ressources naturelles et une intensification de la dégradation des héritages naturels179. Enfin, en raison de l’interaction entre les services et les biens180, certains considèrent que le fait d’avoir de la discipline sur les subventions dans le

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WTO (2000) Job No. 4519. WTO (2003) Job (3)/57.

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Adlung (2004). Abougattas (2002).

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Les négociateurs se sont déjà mis d’accord sur cet argument. Comme nous venons de dire, ils l’ont mentionné dans l’article XV de l’AGCS.

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Par exemple, les subventions dans le secteur de la pêche peuvent entraîner une surexploitation du stock de poissons.

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commerce de services va engendrer des effets bénéfiques dans le jeu de libéralisation, autant pour les services que pour les biens181.

Les disciplines de l’AGCS peuvent-elles régler les subventions

Plusieurs règles dans l’AGCS peuvent jouer un rôle pour contrôler l’utilisation des subventions par les pays membres, mais la question qui se pose à ce stade est de savoir si les règles sont suffisantes ? Le débat par rapport à cette question est riche. Nous allons essayer d’en présenter brièvement les points les plus importants.

1- l’article II de l’AGCS (NPF nation plus favorisée) :

L’obligation NPF a une grande influence sur la question de subventions dans le cas où il n’y a pas de fournisseurs domestiques de services182. Dans ce cas, chaque pays qui donne une subvention à une entreprise d’un pays, doit accorder la même subvention à tous les fournisseurs similaires des autres pays. Pourtant, un pays peut opter de n’accorder aucune subvention aux étrangers. Dans ce dernier cas, l’obligation NPF n’a aucun effet. De plus, comme nous l’avons mentionné plus haut, chaque pays a le choix d’inscrire des exemptions de l’obligation NPF ; ce qui rend l’effet de cette dernière sur les subventions moins fort183.

2- l’article XVII de l’AGCS (TN traitement national) :

L’obligation TN, elle aussi, a un grand potentiel pour régler la question de subventions. Si les engagements en matière de traitement national ne sont pas assortis de limitations concernant les subventions, ces dernières doivent être accordées sans discrimination aux services et fournisseurs de services nationaux et aux services et fournisseurs de services similaires des autres membres. Bien que cette obligation ne limite en rien le niveau des subventions pouvant être accordées par les membres, elle peut constituer une discipline efficace en ce qui concerne l’usage non discriminatoire des subventions. Tout cela va dépendre des limitations concernant le 181 Benitah (2003). Benitah (2005). 182 Sauvé (2002). 183 Benitah (2005).

traitement national en matière de subventions inscrites dans les listes d’engagements des pays membres. En effet, la plupart des pays, particulièrement les pays développés, ont inscrit des limitations en matière des subventions. Cela nous amène à en déduire que l’efficacité de cette obligation pour régler la question des subventions est limitée ; et pour la rendre plus efficace il faut supprimer toutes les limitations en matière des subventions dans les listes d’engagements184.

Plusieurs autres obligations dans l’AGCS peuvent avoir un effet sur la question des subventions (comme par exemple, l’article XVI (accès au marché), l’article XXIII (règlement des différends) et l’article XV (subventions))185. Mais cet effet est aussi limité comme dans le cas de l’obligation NPF et NT. Ce qui nous permet de conclure que des disciplines sur les subventions, dans le cadre de l’article XV, sont indispensables pour régler la question.

Définition des subventions

L’accord sur les subventions et les mesures compensatoires définit une subvention comme « une contribution financière par un gouvernement ou tout organisme public dans le territoire d’un pays membre » qui confère aussi un avantage au bénéficiaire. De plus, il précise que la subvention doit être « spécifique186 ». Cette définition peut être utile, comme point de départ, pour le commerce de services187.

Nous trouvons que le problème le plus important, envisagé pour adapter cette définition de subvention au commerce de services, est la phrase « dans le territoire d’un pays membre ». Pour mieux comprendre, nous prenons un exemple: si le gouvernement d’un pays (l’Inde, par exemple) accorde une subvention à une entreprise qui envoie des programmeurs informatiques dans un autre pays (Etats-Unis). Contrairement au scénario classique dans le commerce des biens, le service n’est pas produit, en entier, dans le territoire de l’Inde et ensuite transporté aux Etats-

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WTO (1996), WPGR, S/WPGR/W/9.

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Pour plus de détail regardez Benitah (2005).

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Une subvention est considérée spécifique si elle est expressément accordée à une entreprise ou à une branche de production ou bien à un groupe d’entreprises.

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Unis. Au minimum, une étape de la chaîne de production du service a lieu dans un territoire différent de celui qui accorde la subvention (dans cet exemple, les Etats-Unis).

Après avoir mis le point sur ce problème délicat dans le contexte du commerce de services, nous pouvons proposer une nouvelle définition des subventions de services.

« Une subvention des services est une contribution financière spécifique accordée par un gouvernement à une entreprise située ou non située dans le territoire du gouvernement qui accorde la subvention, qui confère une avantage non disponible dans le libre marché d’un des pays impliqué dans la chaîne de production du service188 ».

Disciplines sur les subventions dans le commerce de services

Deux modèles de disciplines sur les subventions dans l’OMC (AoA (accord sur l’agriculture) et SCM (accord sur les subventions et les mesures compensatoires)) peuvent nous être utiles, comme point de départ, pour formuler des disciplines sur les subventions au commerce de services. Benitah, après avoir fait une analyse comparative entre les deux scénarios, trouve que l’approche de l’AoA est préférable dans le contexte du commerce de services189.

Nous prenons quelques exemples pour illustrer la difficulté à appliquer le SCM sur le commerce de services. En effet, l’accord SCM interdit, explicitement, les subventions à l’exportation, et il utilise une approche qu’il appelle le feu du trafic (traffic light) pour régler les subventions domestiques190. Concernant les subventions à l’exportation, contrairement au scénario classique dans le commerce des biens, la tâche de développer des lignes directives pour les discipliner est beaucoup plus complexe. Bien que la tâche pour le mode 1 de fourniture soit relativement facile, elle est complexe dans les trois autres modes. Par exemple, dans le mode 2, peut-on considérer une subvention accordée par un gouvernement à une autorité local pour construire des hôtels pour attirer des touristes étrangers comme une subvention prohibée

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Benitah (2005).

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Pour plus de détails, regardez Benitah (2005).

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L’accord sur les subventions et les mesures compensatoires classe les subventions en trois grandes catégories : les subventions prohibées (red light), les subventions pouvant donner lieu à une action (amber light) et les subventions en donnant pas lieu à une action (green light).

(subvention à l’exportation) ? Dans le mode 4, est-il possible qu’un gouvernement accorde des subventions aux citoyens pour quitter le pays191 ? De plus, le rôle du territoire dans le commerce de services pose une complexité supplémentaire. Parce qu’une partie de la chaîne de production des services subventionnés a lieu dans un pays différent du pays qui accorde la subvention, ce qui veut dire que ce dernier profite partiellement de la subvention. Enfin, le problème bien connu du manque de statistiques dans le commerce des services, rend la tâche, bien évidement, plus complexe particulièrement dans le cas où nous envisageons une situation de subvention qui donne lieu à une action (amber light).

La philosophie de l’AoA nous semble plus pratique et facile à appliquer dans le contexte du commerce de services. Elle comprends deux étapes : (1) énumérer les subventions dans le commerce de services, (2) les mettre dans des boites (trois boites) en imposant des règles spécifiques à chacune.

1- Boite (1) : pas d’engagements de réduction.

Cette boite comprends des subventions qui sont déterminées par rapport aux trois aspects différents de la politique publique : environnement, développement économique et développement social. Nous allons présenter quelques exemples pour des subventions candidates par rapport à chacun de ces aspects.

• Environnement : subventions aux services qui sont susceptibles d’endommager l’environnement afin qu’ils puissent acquérir des équipements anti-pollution (particulièrement le transport, le tourisme et l’énergie).

• Développement économique : subventions pour protéger les secteurs émergeants de services dans les pays en développement.

• Développement social : subventions aux services (comme par exemple, la santé et l’éducation) dans les zones reculées (remote areas).

2- Boite (2) : réductions sévères.

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Les subventions classées dans cette boite peuvent être définies comme celles qui encourage lourdement la dégradation des ressources naturelles en diminuant leur coût de production. Par exemple, les subventions aux services qui mettent en danger des espèces menacées.

3- Boite (3) : (la boite résiduelle) réductions légères.

Cette boite contient la majorité des subventions au commerce de services (toutes subventions qui ne sont pas classifiées dans les deux boites précédentes). En effet, les subventions dans cette boite risquent d’être manipulées, en introduisant un aspect environnemental, pour les exonérer de la réduction. Des critères strictes et clairs sont indispensables pour éviter cette manipulation192.

Enfin, nous proposons quelques éléments supplémentaires qui peuvent renforcer les disciplines en la matière. Les éléments sont les suivants :

• L’application de procédures strictes de notification aux subventions des pays membres ;

• L’orientation vers une position selon laquelle toutes les subventions octroyées devraient l’être sur la base du traitement national et de la nation la plus favorisée ;

• L’adoption d’une prescription obligeant à formuler les objectifs spécifiques de la subvention et l’introduction d’un critère de nécessité visant à déterminer si la méthode de sa mise en œuvre est celle qui entraîne le moindre effet de restriction des échanges193.

Les mesures compensatoires

L’article XV : 1 de l’AGCS dispose que les négociations doivent porter sur le bien-fondé de procédures de compensation. La plus grande majorité des papiers au sein du WPGR et dans la littérature relèvent les problèmes que poserait le recours à des mesures compensatoires dans le cas des subventions liées aux services et défendent la position que l’utilisation de ces derniers ne serait pas appropriée dans le contexte des services.

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Benitah (2003).

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L’application des mesures compensatoires comprends deux étapes : la détermination du dommage causé par la subvention et l’application des mesures compensatoires. Dans la première étape, nous envisageons plusieurs problèmes. Bien évidemment, le problème du manque de statistiques est le plus sérieux, auquel s’ajoute le problème de la définition de « services similaires » et « industries domestiques »194. Dans la deuxième étape, nous trouvons que les mesures compensatoires ne sont pas clairement applicables pour les modes (2,3 et 4) de fourniture parce que la notion traditionnelle d’importation ne s’applique pas195’196. De plus, le choix entre les mesures compensatoires, dans le cas où ils sont applicables, peut être considéré comme une complexité supplémentaire dans le contexte du commerce de services197.

Deux arguments supplémentaires, tirés de l’expérience des ces dernières années dans le commerce des biens, peuvent s’ajouter pour renforcer une position contre l’application des mesures compensatoires. La peur qu’ils deviennent des mesures de sauvegarde déguisés puisque ils sont une substitution moins chère que les mesures de sauvegarde, et la peur qu’ils deviennent une arme utilisée par les pays développés contre les pays en développement198’199.