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1. Recension de la littérature

1.2 Les neuropeptides

1.2.4 La substance P

1.2.4.1 Biochimie

La SP appartient à la grande famille des tachykinines, un neuropeptide composé de 11 a.a. (Chang et al., 1971), et est la tachykinine la plus étudiée depuis très longtemps (Chang et al., 1970; US et al., 1931). Les autres membres de cette famille sont les NKA et B (NKB), le neuropeptide κ (NPκ) et le neuropeptide γ (NPγ). La SP provient du gène précurseur préprotachykinine-A (PPT-A) (Carter et al., 1990) pouvant induire la synthèse de 3 messagers ARNs (αPPT-A, βPPT-A, γPPT-Aγ), les 3 codants pour la SP (Carter et al., 1990). Ce gène code aussi pour NKA, NPκ et NPγ. Il existe aussi un gène PPT-B provenant du même gène ancestral que PPT-A, mais qui ne code que pour la NKB (Carter et al., 1990). La SP est extraite de son précurseur par des PC suite au transport vésiculaire axonal antérograde (Brimijoin et al., 1980) par les sous-types 1 et 2 (PC1/PC2) (Saidi et al., 2015), puis la SP est relâchée dans l’espace extracellulaire suite à une stimulation intense, soit seule, soit en même temps qu’un neurotransmetteur classique. Plusieurs enzymes sont impliquées dans l’inactivation de la SP, limitant sa capacité à activer ses récepteurs ; on retrouve principalement l’enképhalinase (une NEP (Matsas et al., 1984)), mais aussi l’ACE ou bien encore l’acetylcholinestérase (Skidgel et

al., 1987). La NEP est présente principalement dans le cerveau et la moelle épinière tandis que l’ACE dans le plasma et le liquide céphalorachidien (LCR) (Harrison et al., 2001; Matsas et al., 1984; Skidgel et al., 1987). Globalement, ces enzymes clivent la SP de telle sorte qu’elle perd son extrémité carboxyle nécessaire à la fixation au récepteur. Certains des fragments générés, notamment les fragments c-terminaux, suite au clivage de la SP peuvent préserver des activités biologiques (Pailleux et al., 2013).

1.2.4.2 Pharmacologie

Il existe trois classes de récepteurs pour les tachykinines (Hershey et al., 1991) : récepteur neurokinine-1 (rNK-1) ; récepteur neurokinine-2 (rNK-2) et récepteur neurokinine-3 (rNK-3). Ils sont très similaires dans leur séquence en a.a. et sont tous des RCPG (Nakanishi 1991; Mantyh et al., 1995). Les trois récepteurs peuvent lier les différentes tachykinines, mais dans un ordre d’affinité bien précis. La SP a plus d’affinité pour le rNK-1, la NKA pour le rNK- 2, et la NKB pour le rNK-3 (Regoli et al., 1994). Le rNK-1 est exprimé en très forte densité dans la laminae I (Todd et al., 1998) et moindrement dans la laminae II de la corne dorsale, mais présent également sur certains neurones des laminae plus profondes III, IV et V (Littlewood et al., 1995). La stimulation du rNK-1, un RCPG, entraîne une augmentation intracellulaire de Ca2+ par une transduction du signal assurée par un couplage à la pGαq (PLCβ) et pGαs (AMPc). Ces cascades conduisent non seulement à une réponse électrophysiologique de la cellule cible, mais aussi à la transcription de certains gènes via les éléments de réponse CRE/Ca2+ compris dans leur séquence régulatrice (Harrison et al., 2001). Comme de nombreux RCPG, le rNK-1 est sujet à la désensibilisation. Ce récepteur est aussi extrêmement mobile. Il s’internalise rapidement : 60 % des neurones rNK-1 positifs du striatum de rat montrent une forte internalisation du rNK-1 une minute seulement après l’injection de SP (Mantyh et al., 1995), mais celle-ci peut être réversible. Le rNK-1 est aussi sujet au processus de recyclage (Mantyh et al., 1995). Les effets de la SP sont dépendants de sa concentration : une forte concentration favorise l’excitabilité neuronale tandis qu’une faible concentration supporte une inhibition par la stimulation d’opioïdes endogènes (Zubrzycka et al., 2000).

Il existe de nombreuses recherches qui ont été effectuées avec des agonistes (Drapeau et al., 1987) et des antagonistes (Bjorkroth et al., 1982) des récepteurs aux tachykinines, mais en particulier aux rNK-1. Les agonistes ne sont pas spécifiques, mais bien préférentiels à un

récepteur, surtout pour le rNK-1, tout comme les antagonistes. Dans le SNC, l’utilisation d’antagoniste a plutôt été utilisée afin d’inhiber la réponse excitatrice de la SP, mais engendre des effets secondaires neurotoxiques importants. Toutes ces utilisations supportent la notion que les tachykinines sont impliquées dans les mécanismes nociceptifs et qu’elles peuvent moduler la douleur qu’elle soit de type aiguë ou chronique (Otsuka et al., 1993).

1.2.4.3 Physiologie

Des études ont démontré par immunohistochimie que la SP est localisée dans les neurones du SNC et les tissus périphériques, mais aussi présente dans certaines cellules non neuronales telles que les cellules endothéliales et les cellules inflammatoires (Kotani et al., 1986). La SP est libérée par les terminaisons nerveuses périphériques et centrales des fibres Aδ et C (Schaible et al., 2005). Elle participe à l’inflammation neurogénique en induisant une vasodilatation et en favorisant la relâche et la production d’autres substances algogènes telles que les kinines et les PGs, mais aussi d’histamine par les mastocytes. L’histamine va stimuler à son tour les fibres afférentes primaires à la périphérie et participer à la vasodilatation et l’œdème (Schaible et al., 2005). Les tachykinines favorisent aussi la formation d’œdème et l’extravasation de protéines plasmatiques. La SP module l’information sensorielle en favorisant une dépolarisation prolongée des terminaisons nerveuses postsynaptiques par une réduction du courant K+ (Zubrzycka et al., 2000). Au niveau spinal, la SP a un rôle pronociceptif indéniable : les rNK-1 sont aussi présents sur les neurones secondaires des voies de la douleur. Chez la souris, les niveaux d’expression génique du rNK-1 sont augmentés dans la moelle épinière dans un modèle de douleur neuropathique (Taylor et al., 2004). Dans des modèles animaux de douleur arthrosique, les concentrations de SP dans la moelle épinière sont augmentées suite au développement d’inflammation neurogène (Ferland, Pailleux, et al., 2011; Otis et al., 2016; Rialland et al., 2014). La SP qui est libérée par les neurones afférents primaires ne provoque pas à elle seule des décharges nociceptives, mais elle potentialise aussi l’effet du GLU (co- localisation dans les neurones de la moelle épinière) (Battaglia et al., 1988) au niveau du neurone secondaire, suggérant son implication dans le phénomène de la sensibilisation centrale (Latremoliere et al., 2009).