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1. Recension de la littérature

1.4 Modèles expérimentaux de la douleur animale

1.4.5 Méthodes de mesures de la douleur

1.4.5.3 Les mesures réflexes

Les techniques s’appuyant sur les mesures des seuils réflexes (ou mesures des seuils de retrait) d’un membre suite à un stimulus croissant engendrée par une stimulation thermique, mécanique ou électrique, font parties des tests sensoriels quantitatifs (Mogil 2009). Ces tests tentent de détecter l’apparition ou la variation de l’intensité (quantification) de l’hypersensibilité (hyperalgésie et allodynie), la facilitation de la sommation temporelle ou une diminution des CIDNs suite au processus douloureux (Le Bars et al., 1979b, 1979c) qui sont des composantes fondamentales de la chronicisation de la douleur et par le fait même, de la sensibilisation centrale. Les réponses aux stimuli dans les tests sensoriels quantitatifs comportent des composantes réflexes et cognitives. Les composantes réflexes sont traitées par la moelle épinière au niveau du dermatome du stimulus (réflexes segmentaires) et également en association avec d’autres dermatomes (réflexes longs). Elles impliquent le retrait du membre stimulé et/ou la contraction des muscles de cette zone. Ils sont majoritairement limités aux dermatomes stimulés, mais parfois, ils impliquent aussi les réflexes longs avec des réponses dans d'autres segments du corps. Les composantes cognitives et émotionnelles d’une réponse sont celles qui font intervenir les centres supérieurs du SNC et sont indiqués par des comportements plus complexes comme la perception cognitive et l’aversion au stimulus. Ces réponses sont généralement plus globales que les réponses au réflexe localisées et lors des tests de seuil, il est important d'être certain que la réponse mesurée est cognitive plutôt que de nature simplement réflexe (Johnson 2016).

1.4.5.3.1 Les mesures réflexes mécaniques

1.4.5.3.1.1 Le Randall-Selitto

La technique de Randall-Selitto (Randall et al., 1957) a été originalement développée pour mesurer le seuil de réponse dans la douleur inflammatoire suite à une pression mécanique exercée sur la surface plantaire (ou dorsale) de la patte (Santos-Nogueira et al., 2012) ou de la queue (Elhabazi et al., 2014) par un embout pointu métallique. Elle permet principalement de mesurer l’hyperalgésie secondaire puisque la force du stimulus exercé est très grande, mais l’utilisation d’un embout rond moins piquant pourrait permettre aussi de détecter l’allodynie. Chez les rongeurs, son utilisation est peu populaire puisque la technique demande une immobilisation (contention) des animaux, induisant un degré élevé de stress et rendant l’interprétation des résultats difficiles. Dans un modèle d’arthrose chez le rat (Bove et al., 2006), le Randall-Selitto n’a pas réussi à montrer des différences dans les seuils de retrait pour des groupes opposés (Sham versus chirurgie arthrosique) suggérant des qualités (fiabilité et validité) métrologiques faibles dans l’évaluation de l’hyperalgésie mécanique secondaire.

1.4.5.3.1.2 Le von Frey

La technique mécanique qui vise à évaluer la sensibilité tactile concerne l’application perpendiculaire de filaments rigides sous la surface plantaire de la patte, communément appelée von Frey pour faire référence à celui qui a initialement établi la théorie. Les filaments de nylon sont couramment utilisés pour l’évaluation de l’allodynie tactile et puisque le stimulus non nociceptif est appliqué généralement à un site distant de la lésion, on quantifie l’allodynie dite secondaire (sensibilisation centrale). La première élaboration de cette méthode, dite manuelle, consiste à appliquer de façon croissante des filaments de nylon calibrés (de différentes tailles) jusqu’à la réaction attendue du retrait de la patte, ce qui correspond à la stimulation nociceptive nécessaire pour que l’animal tente d’échapper au stimulus nociceptif (seuil de retrait) (Chaplan et al., 1994). Afin de remédier à la stimulation répétée, de diminuer le temps d’expérimentation et de permettre une meilleure standardisation (selon l’espèce animale, élaboration d’une fenêtre de valeur normale), la version électronique du von Frey a été développée (Cunha et al., 2004; Vivancos et al., 2004). Cette dernière version comporte seulement un filament de polypropylène, variant selon la rigidité de celle-ci dépendamment du type de sensation

douloureuse voulant être mesuré (hyperalgésie et/ou allodynie). La force (newton) appliquée par la sonde (sans être pliée) est convertie en un signal digital en gramme et une valeur numérique unique est affichée (le maximum atteint) puis notée au moment du retrait du membre. Le von Frey électronique s’est avéré beaucoup plus sensible, fiable, rapide et efficace pour mesurer les effets analgésiques d’une molécule pharmacologique dans un modèle de douleur inflammatoire chez le rat que la méthode classique (Vivancos et al., 2004).

1.4.5.3.1.3 Le test d’agrippement

Ce test mesure la performance neuromusculaire des rongeurs à l’aide de leur capacité à s’agripper afin de mettre en évidence l’hypersensibilité pouvant affecter les muscles. Le principe de ce test est de mesurer la force maximale et le temps de retenue qu’un animal peut maintenir en s’agrippant sur une barre de tension spécialement conçue à cet effet. Le test se base sur le fait que le phénomène d’allodynie va engendrer une diminution de la force et du temps d’agrippement d’un animal atteint (Kehl et al., 2000).

1.4.5.3.1.4 L’algomètre de pression

L’algomètre de pression mesure le seuil de pression douloureux de la sensibilité relative d’un muscle ou d’une articulation par une mesure réflexe mécanique (Fischer 1987). Cette méthode a été l’une des premières à être fiable et valide afin de mesurer l’intensité de la douleur chez l’humain (Fischer 1987; Reeves et al., 1986). L’algomètre se présente sous la forme d’un cadran cylindrique avec une tige calibrée en son milieu afin de mesurer la force appliquée à la tige lors de la poussée sur son extrémité. Par convention, la tige de l’algomètre est placée à la perpendiculaire des tissus et la pression est appliquée avec une vitesse lente afin que la tension soit constante et ce, jusqu’au manifestement d’un inconfort (seuil de retrait) de l’individu (Lane et al., 2016). Dans une étude de validation de différents tests sensoriels quantitatifs, l’utilisation de l’algomètre de pression a permis de distinguer des chiens arthrosiques ou de chiens sains. Les seuils de pression étaient moins élevés pour les chiens souffrant de douleur chronique reliée à l’arthrose (Knazovicky et al., 2016).

1.4.5.3.2 Les mesures réflexes thermiques

Les tests thermiques sont axés sur la détection de la variation du temps requis pour l’apparition d’un comportement d’évitement. Plusieurs variantes de ce test sont disponibles par

des stimulations thermiques des pattes ou de la queue de l’animal. La première a été décrite chez le rat (test de Hargreaves) par l’application ciblée d’un stimulus thermique nociceptif à la surface plantaire à travers le verre jusqu’à ce que l’animal montre des signes brusques d’inconfort (soulève la patte, léchage ou tremblements) à différentes températures pour échapper à la chaleur, ce qui indique le temps de retrait de la patte (temps de latence, en secondes) (Hargreaves et al., 1988). La seconde variante ne cible pas une patte en particulier puisque l’animal est déposé directement sur une plaque chauffante (Eddy et al., 1953). Quant au test de la queue, celle-ci consiste en stimuler thermiquement par une chaleur radiante ou bien plonger dans un bassin d’eau à une température fixe ou prédéterminée et le temps de retrait de la queue est calculé et comparé (Mogil et al., 1999). Bien que facilement mesurable chez les animaux et les humains par des tests simples, les réflexes de retrait dépendent entièrement de la bonne intégrité du SN de transmission de la douleur. Comme leur nom l’indique, ils ne sont que des réflexes et ne tiennent aucunement compte d’un aspect important dans l’évaluation de la douleur clinique, à savoir : l’intervention des composants cognitifs et émotionnels d’un apprentissage et de processus supraspinaux (Mogil 2009).