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Chapitre 2. Actualité et raisons d’une popularité

3.1. L’engagement pour la diversité en entreprise : une grande hétérogénéité des situations

3.1.1. Les structures organisationnelles

Un certain nombre d’entreprises, y compris parmi celles que nous avons rencontrées, se sont dotées ces dernières années de professionnels spécialisés en matière de diversité. Leur titre est en général est celui de « coordonnateur/coordinatrice des actions en faveur de la diversité » (Redcats, Auchan, Finaref), « chargé(e) de mission diversité » (GDF) ou « responsable diversité » (Schneider). Ce sont ces personnes qui se chargent de la conception et de l’animation des programmes en entreprise et qui en apparaissent comme les référents principaux. La plupart des grands groupes disposent aujourd’hui de tels postes, dont la création apparaît, à quelques exceptions près, assez étroitement liée à la signature de la charte. En effet, d’après le rapport de Novethnic, en 2005, seules cinq entreprises du CAC 40

disposent de tels postes dédiés24.

Leur rattachement dans l’organigramme de l’entreprise est souvent celui de la direction des ressources humaines, cependant que des variations plus ou moins significatives apparaissent ici : ainsi, chez Finaref, la diversité fait partie des missions de la directrice adjointe de ressources humaines en charge notamment de la communication interne de l’entreprise ; chez PPR également, la question est rapprochée, au niveau du siège du groupe, de la direction de la communication qui, comme nous l’ont rappelé nos interlocuteurs en région, a vocation à s’exprimer sur ces questions notamment à l’extérieur de l’entreprise.

Parfois, « la diversité » est rattachée à un pôle spécifique de la direction des ressources humaines qui comporte un caractère « expérimental », centré sur l’innovation et « le développement » (Adia, Boulanger). Dans d’autres situations, elle est englobée dans les missions d’un directeur/directrice responsable du développement durable et de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) (GDF, La Redoute), cette configuration étant cependant plutôt rare, alors que c’est souvent avec insistance que les entreprises renvoient cette problématique à leur « engagement sociétal ». Enfin, dans certains cas, plus rares également, ces professionnels « reportent » directement à une direction générale ou régionale, cette configuration étant jugée par nos interlocuteurs comme la plus favorable institutionnellement.

A noter cependant que la « mission diversité » – à part dans quelques grands groupes – est souvent un aspect annexe dans le travail de ses responsables, qui embrassent également d’autres fonctions : communication interne ou externe, formation, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), gestion des ressources humaines, relations avec les partenaires sociaux. La promotion de la diversité peut représenter alors entre un quart et 50% de leurs obligations professionnelles. Parmi les entreprises que nous avons rencontrées, seule Schneider avait créé un poste entièrement dédié à ces questions.

En l’absence de poste dédié, ce qui est plutôt la règle dans les entreprises de quelques milliers de collaborateurs, c’est le DRH qui apparaît comme le référent principal sur ces questions, souvent un de ces adjoints au niveau du siège ou un responsable des ressources humaines (RRH) au niveau des directions régionales, et parfois même des gestionnaires qui se saisissent de la question d’abord en binôme avec un responsable, puis de manière plus autonome. Cependant, et assez paradoxalement, comme le montre l’enquête, ce rattachement organisationnel ne présage en rien de l’impact de la « démarche diversité » sur les procédures de gestion et de recrutement des ressources humaines (cf. infra).

Un autre aspect à souligner, quant aux professionnels dédiés, est que leur investissement est, pour beaucoup, le fruit d’un engagement et d’une volonté d’abord personnelles. Dans la plupart des situations observées, il s’agit de cadres issus de l’entreprise (des ressources humaines, de la formation ou parfois du marketing et de la communication, plus rarement des cadres techniques) qui, après une carrière dans ces métiers, recherchent quelque chose de « nouveau » et d’« intéressant ». Ce sont leurs candidatures spontanées qui, dans un certain nombre de cas, ont été à l’origine de la création des postes :

24 Novethic Etudes, A la recherche de la diversité de la diversité dans les rapports du CAC40. Diversité et non-

« J'étais déjà dans l'entreprise, et je travaillais déjà sur la formation « Manager la diversité ». C'était la première action, qu'on a commencé à réfléchir en décembre 2005. En fait là, j’avais ma casquette formation, et en travaillant sur cette formation sur un sujet qui m'intéressait, la diversité… mais bon, je ne savais pas si Auchan avait envie d'en faire une fonction à part entière, il n'y avait pas de matière pour en faire une fonction à part entière donc en fait, dans le cadre d'un de mes entretiens d'activité, j'ai dit que j'aimerais bien travailler sur cette problématique là.

L’entreprise n'avait pas prévu mon arrivée, donc on m'a dit « on te propose les deux missions en parallèle ». Sachant qu'au départ, c'était plutôt 20% pour la diversité, 80% sur la gestion prévisionnelle de l'emploi. Et puis au fil du temps, forcément, quand on s'arrête sur un sujet, qu'on commence à réfléchir à des actions, ça prend de plus en plus de temps, et donc aujourd'hui, c'est plutôt 50/50. » (« coordinatrice diversité »,

entreprise de grande distribution)

Dans d’autres cas, on « vient chercher » ces collaborateurs en raison d’une « sensibilité personnelle » qui leur est attribuée. Bien souvent, il s’agit-là de collaborateurs minoritaires, des femmes - ce qui représente de la quasi-totalité des responsables diversité que nous avons rencontrés :

“Le poste chargé de la diversité a été créé juste après la signature de la charte. Il y a un lien direct avec cette signature de la charte. A partir de là, j’ai été contacté parce que je fais partie de ces minorités qui sont dans Schneider et qui ont évolué au gré des différents jobs et rencontres et formations dans Schneider ; et deuxièmement aussi parce que j’ai pensé que c’était pour moi une certaine façon de rendre et de laisser quelque chose dans l’entreprise, faire en sorte que ce passage de quelques années puisse faire bénéficier des jeunes qui vont arriver demain par le biais d’actions comme ça qui sont livrés à des hommes, parce que finalement, c’est ça la volonté des hommes et des femmes qui font un jour ou l’autre dévier nos chemins pour aller vers un axe qui serait un peu plus conforme et qui présente la réalité de la société.

Aujourd’hui la société, quand on la regarde, elle évolue à petits pas, on accepte un jour un petit bout de terrain, après il y a des revendications sur une période de 6 mois, on accepte un autre petit bout etc. C’est un peu comme ça que la structure multiculturelle de la France a évolué. Finalement, il y a 20 ans, on n’acceptait pas les mosquées, on ne parlait pas à la radio du Ramadan, de l'aïd. Aujourd’hui, on entend : « demain c’est l'aïd en France », « ah, il y a une mosquée qui a été construite ». Comment ces étapes se sont faites ? C’est grâce aux hommes et aux femmes qui ont un jour décidé d’aller dans cet acte là et d’aller dans d’autres actes.

J’ai un parcours plutôt dans le milieu technique, je suis ingénieur de formation, parcours très international, j’ai fait la majorité de mon parcours dans Schneider à l’international. Et j’ai pris ce challenge uniquement parce que ça m’intéressait.

On me l’a proposé à la suite de la signature. Je crois que la signature était le 24 ou le 22, je ne me souviens plus et le 26, j’ai reçu un appel téléphonique du patron du développement durable, qui m’a dit « on a pensé à vous etc. ».

Sur ce, il faut dire aussi que, moi quand j’ai vu la signature, j’ai contacté quelqu’un dans l’entreprise, je lui ai dit que c’était fantastique et que j’étais fier de Schneider et

d’y appartenir. C’est un acte qui peut être accompagné par des bénévoles comme moi ou comme d’autres, mais c’était plutôt dans le sens bénévolat que dans le sens de la prise d’un poste sur quelque chose lié à la diversité et dont on ne sait pas « par quel bout commencer ». Donc à la suite de ça, on m’a proposé ce poste (Schneider)

C’est donc bien souvent, comme le montré l’enquête, sur un engagement et une volonté personnels que repose la « mission diversité » en entreprise. Nous avons précédemment relevé cette logique de l’engagement dans les réseaux d’entreprises et parmi les figures emblématiques du mouvement entrepreneurial. Nnous la retrouvons ici. Comme en témoigne un autre de nos interlocuteurs, « les raisons pour lesquelles j’ai dit oui, c’est que je suis un

passionné de l’Homme, un passionné de l’Autre en général. »

Il convient toutefois de relever aussi les situations où le poste a été défini par l’adjonction d’une nouvelle compétence à des missions qui avaient déjà en charge d’autres préoccupations sociales, typiquement l’insertion de personnes handicapées (GDF, Redcats) :

« Je suis juriste en droit du travail, je suis rattachée au sein du service RH. Sur ce poste, ce n’était pas de mon initiative, était rattachée la question du handicap. Donc j’ai occupé ce poste sous cette forme là pendant un an et au bout d’un an on m’a rattaché également à la diversité. Donc ma mission principale, c’est clairement juridique, c’est la majorité de mon temps, même si tout ce qui concerne diversité et handicap occupe plus d’un tiers de mon contrat. Mais je me répartis quand même, et comme on a actuellement des gros sujets juridiques, d’actualité très sociale, la diversité est un peu moins présente, parce que c’est moi qui m’organise… » (Redcats)