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N ANTES M ETROPOLE

1.1. Structure et dynamiques

En 1964, le géographe Jean-François Gravier estimait que « Nantes est une ville de main d'œuvre

banale, sujette à des remous violents : première place commerciale et seule place boursière à l'Ouest, la banque et les assurances y sont pourtant mal représentées. Enfin, d'après les statistiques, c'est de toutes les cités provinciales, celle où on lit le moins. Bref la pauvreté du milieu social et l'absence quasi- totale d'activités nobles traduisent une inaptitude aux fonctions métropolitaines »74. Un demi-siècle plus tard, cette description ne peut que faire sourire, la capitale ligérienne étant parvenue à concrétiser l‟ambition affichée par ses élites politiques et économiques depuis le début des années 1990, consistant à hisser l‟agglomération dans la hiérarchie des villes européennes pour en faire la première métropole du Grand Ouest. Le titre de l‟ouvrage publié par des géographes nantais en 2005 résume parfaitement la mutation opérée : Nantes. De la belle endormie au nouvel Eden de l'Ouest75.

Les palmarès urbains qui se multiplient dans la presse française confirment ce succès, en même temps qu‟ils y contribuent76 : Nantes est, de toutes les agglomérations françaises, celle qui est le plus fréquemment classée en tête des classements des villes « championnes », « attractives », où « il fait bon vivre », depuis le début des années 200077. La presse internationale n‟est pas en reste, à l‟image de l‟hebdomadaire américain Time qui a fait figurer Nantes comme une des villes européennes les plus agréables à vivre en 2004. Ces places sur les podiums médiatiques constituent autant de victoires symboliques pour une ville dont les élites avaient vécu comme une humiliation les résultats d‟un classement des villes européennes réalisé par la DATAR en 1989, dans lequel Nantes apparaissait aux alentours de la 50e place78. Cette même année, Jean-Marc Ayrault, jeune (39 ans) édile socialiste de la deuxième commune de l‟agglomération, Saint-Herblain, conquérait la mairie de la ville centre. Son élection dès le premier tour a marqué la fin d‟une période d‟instabilité politique79 et le point de départ d‟une success story territoriale. Au fil des trois mandats successifs du leader nantais, la ville « inapte

aux fonctions métropolitaines », reléguée dans le fond du hit-parade des villes européennes par la

DATAR, s‟est affirmée comme une métropole parmi les plus dynamiques de France sur les plans de la

74 Gravier J-F. (1964) L'aménagement du territoire et l'avenir des régions françaises, Paris : Flammarion, cité par Pinson G. (2002) Projets et pouvoirs dans les villes européennes. Une comparaison de Marseille, Venise, Nantes et Turin. Thèse de doctorat de science politique. Université Rennes I.

75 Garat I., Pottier P., Guineberteau T., Jousseaume V., Madoré F. (dir.) (2005), Nantes. De la belle endormie au nouvel

Eden de l'Ouest, Paris : Anthropos.

76 Le changement d‟image de Nantes a été alimenté par la presse, qui multiplie les articles sur le développement de la ville et sur sa qualité de vie. Ainsi de janvier 2002 à août 2004, pas moins de 18 suppléments ont été consacrés à Nantes dans la presse française. Cf. Vincendon S. (2004), « Maîtres en image », Libération, 25/09/2004.

77 Alexandre H., Cusin F., Juillard C. (2010) L'attractivité résidentielle des agglomérations françaises, Rapport de la Chaire Ville & Immobilier, Université Paris Dauphine

78 Renard J. (2007) « Nantes dans le classement des villes européennes », Place Publique, 2

79 Jean-Marc Ayrault a été réélu (au premier tour) en 1995, 2001 et 2008, à la différence de ses deux prédécesseurs : Michel Chauty (RPR, élu en 1983) et Alain Chénard (PS, élu en 1977).

croissance démographique, du rythme des créations d‟emplois, de la visibilité de ses événements culturels et de ses opérations d‟urbanisme80.

Le rebond nantais est net sur le plan économique. Le déclin industrialo-portuaire des années 1970 et 1980, symbolisé par la fermeture en 1987 des chantiers de construction navale situés au cœur de la ville, sur l‟Ile de Nantes, a laissé place à un formidable développement des activités tertiaires81, qui réunissent désormais plus de huit emplois sur dix à l‟échelle de l‟agglomération. Celle-ci connaît, depuis le début des années 1990, un taux de croissance de l‟emploi salarié soutenu, qui la place au troisième rang des agglomérations françaises sur ce plan. Cette dynamique favorable s‟explique en grande partie par l‟attractivité du territoire pour les entreprises, en particulier les grandes et les moyennes qui y implantent des sièges régionaux ou inter-régionaux et des établissements de back office, et assoient ainsi le statut métropolitain de la communauté urbaine, laquelle rassemble 20 % des établissements et 23 % des emplois de la région. Elle compte désormais 304 000 emplois (soit 49 000 de plus qu‟en 1999) et le taux de chômage y est près de deux fois moins élevé qu‟au niveau national.

Le développement économique nantais est indissociable de son attractivité résidentielle et de son dynamisme démographique82. Sur ce plan, le rebond nantais est plus frappant encore. La ville de Nantes avait perdu 14 933 habitants entre 1975 et 1982, soit 6.3% de sa population, sous l‟effet combiné de la crise économique et du mouvement d‟exurbanisation. L‟hémorragie a pris fin dans la

80 Seule ombre au tableau pour une métropole qui se veut, comme ses concurrentes, créative : l‟excellence de son université et ses laboratoires de recherche est loin d‟être reconnue (par l‟Etat). Aucun laboratoire Nantais ne figure en effet parmi les cent Laboratoires d‟excellence sélectionnés en mars 2011 et son projet d‟Institut hospitalo-universitaire ne figure pas non plus dans les six retenus par l‟Etat pour bénéficier des financements du Grand Emprunt. En guise de lot de consolation, Nantes a vu la candidature de l‟Institut de Recherche Technologique Jules Verne dédié aux "Technologies avancées de production, composites, métalliques et structures hybrides" retenue deux mois plus tard, pour bénéficier du programme d‟Investissements d‟Avenir.

81 La tertiarisation de l‟économie nantaise s‟était amorcée dès le début des années 1970, en lien avec la politique d‟aménagement du territoire et de déconcentration administrative. Entre 1970 et 1985, la décentralisation administrative a organisé le transfert de plus de 5500 emplois d‟Ile-de-France vers l‟agglomération nantaise. Garat I. et al. (2005), op. cit. 82 Davezies L. (2005) Les moteurs du développement de la métropole Nantes Saint-Nazaire, Rapport pour la SAMOA et le Syndicat Mixte du SCOT

seconde moitié des années 1980. Depuis lors, la ville a retrouvé le chemin de la croissance (elle a gagné plus de 40 000 habitants depuis 1982), rejoignant la dynamique du reste de l‟agglomération. Celle-ci a connu véritable boom dans les années 1990 (Nantes Métropole a gagné 5 600 habitants par an entre 1990 et 1999) : au cours de cette décennie, la population de l‟agglomération a cru trois fois plus vite que celle de la France. En dépit d‟un ralentissement de la croissance depuis lors (+3500 habitants par an depuis 1999), Nantes Métropole demeure dynamique sur le plan démographique. Elle est au cinquième rang des agglomérations françaises pour la croissance de sa population dans les années 2000, et se situe en septième place pour la population totale.

(Source : AURAN - INSEE)

Comme dans la plupart des grandes agglomérations françaises, cette croissance démographique s‟accompagne d‟une périurbanisation marquée, sous l‟effet du desserrement géographique des activités nantaises, de la construction de grandes pénétrantes urbaines qui ont favorisé l‟usage de l‟automobile et de la faiblesse des régulations politiques de l‟extension urbaine (cf. infra). Depuis 1968, la population de l‟aire urbaine a cru de 52%, contre 40% pour l‟agglomération et 8% pour la ville centre. Le développement Nantais s‟est donc opéré sur un mode radioconcentrique, conduisant à un fort étalement urbain, tiré par la construction de maisons individuelles dans des communes de plus en plus éloignées du centre. La superficie urbanisée de l‟agglomération a été multipliée par trois entre 1960 et 1995 et le taux de construction de logements comme le niveau de la croissance démographique de la couronne périurbaine ont toujours été supérieurs à ceux de l‟agglomération nantaise depuis le début des années 1960. Le mouvement se prolonge et s‟amplifie même sur la période récente, Nantes

métropole n‟ayant capté que 45% de la croissance démographique de l‟aire urbaine dans les années 2000, contre les trois quart au cours de la décennie précédente.

Evolution de la population 1968-2006

(Source : INSEE)

Ce mouvement de périurbanisation se traduit par une extension continue de l‟aire urbaine, qui est passée de 65 communes en 1990 à 82 en 1999 puis 110 en 2007. Si les tendances démographiques observées sur la période récente en termes de fécondité, de mortalité et de migrations se maintenaient, l‟aire urbaine de Nantes compterait 6 000 habitants supplémentaires chaque année, pour arriver aux environs de 915 000 habitants en 2030, l‟essentiel de cette croissance étant absorbé par les communes périurbaines situées hors de la communauté urbaine83

Scénarios de projection de population à l’horizon 2030

(Source : INSEE-AURAN)

Le développement démographique et économique de l‟agglomération nantaise s‟accompagne d‟une évolution de la structure socioprofessionnelle de sa population, marquée par la montée continue des cadres et des professions intermédiaires (qui représentent désormais 48% de la population active) et la diminution relative des ouvriers.

(Source : INSEE-AURAN)

Sur le plan de son organisation socio-spatiale, Nantes Métropole se caractérise par une forte concentration des ouvriers et plus globalement des ménages à bas revenus dans les communes du cœur de l‟agglomération. Trois communes (Nantes, Saint-Herblain et Rezé) réunissent l‟essentiel des ménages vivant sous le seuil de pauvreté (lesquels représentent 15% des ménages de l‟agglomération). Cette concentration de la pauvreté recoupe spatialement celle du parc social84, qui est historiquement très inégalement réparti entre les communes de l‟agglomération. Six communes centrales (Nantes, Saint-Herblain, Rezé, Couëron, Orvault et Bouguenais) regroupaient à elles seules 94 % du parc d‟HLM de l‟agglomération en 199085. En dépit de la mise en œuvre de mesure de rattrapage dans l‟ensemble des communes de l‟agglomération depuis le début des années 2000, le parc locatif social de Nantes Métropole (48 000 logements, soit 18% de l‟ensemble des résidences principales) demeure inférieur aux 20% imposés par la loi SRU dans l‟ensemble des communes de l‟agglomération, à l‟exception des deux principales (Nantes et Saint-Herblain). Cette concentration du logement social et de la pauvreté, particulièrement dans les quartiers de la géographie prioritaire de la politique de la ville86, a pour corolaire une sur-représentation des ménages les plus riches et des cadres dans quelques communes favorisées (Sautron et, dans une moindre mesure Basse-Goulaine, La Chapelle, Orvault, Carquefou, Orvault, Vertou)

84 Ce qui ne veut pas dire que les pauvres résident tous en HLM : moins de la moitié (44%) des 36 000 ménages de Nantes Métropole dont les revenus se situent sous le seuil de pauvreté résident dans un logement locatif social.

85 F. Madoré, 1997, « Politique de la ville, structure sociale et habitat : l‟exemple de Nantes », Annales de géographie, 597

86 Celle est constituée de quatre quartiers classés en ZRU (Bellevue à Nantes-Saint-Herblain, Dervallières, Quartiers Nord et Est à Nantes), deux en ZUS (Malakoff à Nantes et Château Mahaudières-Corbusier à Rezé) auxquels s‟ajoutent plusieurs quartiers (qui sont souvent des extensions des ZUS) qui ne figurent pas dans le zonage règlementaire du Pacte de Relance de 1996, mais définis comme prioritaires par le contrat de ville 2000-2006 puis le CUCS qui a pris sa suite : Bourderies, Breil Malville, Perray, Clos Torreau et Port Boyer à Nantes, Pont Rousseau Nord à Rezé, Sillon de Bretagne à Saint-Herblain

(extrait du PLH 2010)

L‟agglomération nantaise n‟est donc pas épargnée par la ségrégation, mais ce phénomène est plus modéré et surtout connaît une évolution relativement atypique au regard de la plupart des agglomérations française, comme l‟ont montré plusieurs géographes87. Car la dynamique de développement de l‟agglomération ne s‟accompagne pas d‟un processus de dualisation socio-spatial généralement associé à la métropolisation. Si les communes les plus favorisées de l‟agglomération le sont de plus en plus, les communes qui le sont moins ne suivent pas un chemin inverse. Au contraire, à l‟exception de Bouguenais et de Rezé, le profil social des communes aux populations les plus modestes s‟est rapproché de la moyenne communautaire depuis le début des années 1980. Les communes populaires de l‟agglomération ont en effet été marquées par un net embourgeoisement au cours de la période, qui se diffuse progressivement vers le reste de l‟aire urbaine, à mesure de l‟exurbanisation des classes moyennes repoussées vers la périphérie par la hausse des prix du logement. Ces migrations résidentielles, qui se jouent à l‟échelle de l‟aire urbaine, tendent néanmoins à renforcer la ségrégation spatiale à cette échelle et à polariser la structure sociale de l‟agglomération, qui voit le poids relatif des populations situées aux deux extrêmes du spectre social se renforcer, pendant que le nombre de ménages à revenus intermédiaires stagne (et que leur poids relatif diminue donc en proportion). Ces derniers progressent en revanche fortement dans la troisième couronne, hors du périmètre de Nantes Métropole. Cette recomposition de la structure socio-spatiale de l‟agglomération et de l‟aire urbaine sous l‟effet des migrations résidentielles correspond aussi à une transformation des structures démographiques, avec d‟un côté une concentration croissante des ménages sans enfants, des familles monoparentales et des jeunes (étudiants) dans l‟agglomération, de l‟autre un poids croissant des

familles avec enfants dans les communes périurbaines, où elles peuvent trouver une offre de logement plus en adéquation avec leurs capacités financières et leur désir d‟espace.

1.2. Institution

On dispose, au sujet de l‟histoire intercommunale nantaise et de la fabrique des politiques d‟aménagement dans ce territoire, de nombreux travaux de recherche en sciences sociales. Issus de nombreux champs disciplinaires (science politique88, sociologie89, géographie90, aménagement91), ces travaux ont en commun de traiter conjointement ces deux dimensions, soulignant le rôle déterminant joué par les enjeux et les politiques d‟aménagement dans la construction intercommunale. Ces travaux extrêmement riches qui, pour certains d‟entre eux, ont utilisé le cas nantais pour élaborer des thèses

88 Cf. Notamment Pinson (2002), op. cit. ; Dormois R. (2004) Coalitions d’acteurs et règles d’action collective. L’exemple des

dynamiques de planification urbaine dans les agglomérations de Nantes et de Rennes, thèse de science politique, Université

de Montpellier 1.

89 Le Saout R. (2005) « Intercommunalité et réorganisation des services urbains. La collecte des déchets ménagers par la communauté urbaine de Nantes », Les annales de la recherche urbaine, n° 99 ; Le Saout R. (2004) " Contours et limites d'une compétence partagée. L'urbanisme à la communauté urbaine de Nantes ", in R. Le Saout Rémy, F. Madoré (dir.) Les

effets de l'intercommunalité, Rennes : Presses universitaires de Rennes.

90 Garat I. et al. (2005), op. cit.

91 Cordier M., Meunier J-M. (2009) L’animation intercommunale des politiques locales de l’habitat : avancées et limites de la

construction d’une capacité d’action collective dans les agglomérations de Lyon, Nantes et Toulouse, Rapport Lab‟Urba pour

novatrices sur la construction d‟un pouvoir d‟agglomération92, servent de base à la présentation sommaire de l‟histoire intercommunale qui suit, ainsi qu‟à une partie des analyses développées dans la suite de ce chapitre.

a. Petite histoire de l‟intercommunalité nantaise

Au cours des années 1960, l‟Etat est à la manœuvre pour inciter à la coopération intercommunale des élus nantais peu désireux d‟avancer dans cette direction93. En 1963, la DATAR choisit Nantes-Saint- Nazaire (plutôt qu‟Angers) parmi les huit métropoles d‟équilibre chargées de rééquilibrer le territoire français dominé par la région capitale. Cette désignation se prolonge par diverses initiatives étatiques visant à organiser une coopération intercommunale, qui se sont systématiquement heurtées à la résistance des élus locaux, qu‟illustrent notamment le rejet en 1967 projet de Communauté urbaine au profit d‟un cadre associatif dénué de toute compétence, puis le blocage de la procédure d‟élaboration du Schéma directeur d‟aménagement et d‟urbanisme (SDAU) par plusieurs communes périphériques soucieuses de conserver la totale maitrise de leur développement, qui aboutira à son abandon en 197394.

A défaut d‟une intercommunalité politique, les élus de l‟agglomération s‟engageront dans les années 1970 dans la voie de l‟intercommunalité fonctionnelle, avec la création de divers syndicats intercommunaux à vocation unique organisés sur des périmètres variables pour produire et délivrer divers services collectifs (collecte et traitement des déchets, eau) et pour résoudre les problèmes de déplacements suscités par l‟extension périphérique incontrôlée de l‟agglomération nantaise en l‟absence de SDAU. Cette dynamique de coopération s‟est approfondie à la suite de l‟élection en 1977 d‟Alain Chenard à la mairie de Nantes, à la tête d‟une liste d‟Union de la gauche. De nouvelles structures supra-communales ont alors été mises en place : création de l‟Agence d‟études urbaines de la région nantaise (AURAN) en 1978, puis du Syndicat intercommunal à vocation multiple de l‟agglomération nantaise (SIMAN) en 1982, par fusion des SIVU antérieurs. Cette intercommunalité syndicale, qui réunissait 19 communes et devait porter des grands projets d‟agglomération -en matière de transports notamment- a peiné à les réaliser. L‟élection de Michel Chauty, sénateur RPR, à la mairie de Nantes un an après la création du SIMAN a abouti au blocage de la plupart des projets portés par ce syndicat95. Son mandat correspond à une période de gel de la coopération intercommunale, mais aussi d‟affirmation politique locale de son opposant de Saint-Herblain, Jean-Marc Ayrault, qui a utilisé la

92 On pense ici à la thèse de Remy Dormois, qui l‟abordé sous l‟angle théorique des régimes urbains et à celle de Gilles Pinson sur le projet urbain.

93 Les élus de banlieue sont eux aussi réticents à coopérer avec une ville centre jugée expansionniste depuis l‟annexion en 1908 des communes de Chantenay et Doulon (J. Floch, 1996, L’agglomération nantaise : récits d’acteurs, La Tour d‟Aigues, Ed. de l‟Aube ; cité par Cordier M., Meunier J-M. (2009), op. cit.)

94 R. Dormois, 2006, « Structurer une capacité politique à l‟échelle urbaine. Les dynamiques de planification à Nantes et à Rennes (1977-2001) », Revue française de science politique, 56, 4.

95 Ancien maire de Saint-Herblain, Michel Chauty avait perdu cette ville en 1977 au profit d‟un jeune élu socialiste, Jean- Marc Ayrault. Six ans plus tard, il a pris la ville de Nantes contre le socialiste sortant, Alain Chenard, au terme d‟une campagne au cours de laquelle il s‟était vigoureusement opposé au projet de tramway porté par ce dernier. Une fois élu, il a fait temporairement suspendre le chantier. Mais les travaux étaient trop avancés pour que le projet soit abandonné. La première ligne fut donc inaugurée en 1985, lors d‟une cérémonie à laquelle le maire de Nantes a refusé de participer. Son successeur (de nouveau J.M. Ayrault) a ainsi pu s‟approprier cette réalisation emblématique de la ville de Nantes, qui a été la première à réintroduire le tramway en ville.

SIMAN comme terrain d‟affirmation de son leadership parmi les socialistes locaux face un Michel Chauty fragilisé par les dissensions de sa majorité96

L‟élection de Jean-Marc Ayrault, député-maire socialiste de Saint-Herblain, à la maire de Nantes lors du scrutin de 1989 a mis fin à une longue période d‟instabilité du pouvoir nantais (aucun maire sortant n‟avait été réélu depuis 1977) et de tensions politiques avec les communes voisines, ouvrant la voie à la construction progressive d‟une autorité politique d‟agglomération. En 1992, un District de l‟agglomération nantaise (à fiscalité propre) est créé, sur le même périmètre que le SIMAN, auquel se joindront ensuite deux communes (Bouaye et St-Aignan). Sous l‟égide de cet EPCI, les élus de l‟agglomération ont élaboré un projet de territoire (« Projet 2005 », arrêté en 1996, qui a posé les bases d‟une alliance avec la ville voisine de Saint-Nazaire) ainsi que plusieurs documents de planification sectorielle, fixant le cadre du développement de développement de réseaux techniques structurants. Comme le souligne R. Dormois, « ces démarches n’ont pas été inscrites dans le cadre des procédures

juridiques définies au plan national. Par exemple, dès 1991, le district se dote d’un plan des déplacements, mais c’est seulement en 1998 que ce document sera révisé pour pouvoir être reconnu par l’État comme un plan des déplacements urbains tel que défini par la loi sur l’air de 1998 ». A la

différence de ce qui s‟observait à la même époque dans d‟autres agglomérations françaises, la construction de l‟intercommunalité nantaise ne s‟est pas construite dans le cadre des procédures contractuelles proposées par l‟Etat mais, au contraire, a procédé d‟une volonté affirmée des élus locaux d‟affirmer leur autonomie vis-à-vis de celui-ci, ce en quoi ils ne faisaient que prolonger une longue tradition locale d‟opposition au pouvoir central. C‟est ainsi que 34 ans après avoir fait échouer le projet étatique de création d‟une Communauté urbaine, les élus de l‟agglomération nantaise se sont entendus