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b. Du projet d‟agglomération aux projets de l‟agglomération

A la différence de nombreuses communautés urbaines et d‟agglomération, dont la création résulte directement de la loi Chevènement et dont la construction s‟est opérée dans le cadre procédural défini par la loi Voynet, la constitution de la communauté urbaine de Nantes procède d‟un cheminement qui lui est propre et, à certains égards, précurseur. Ainsi, dès 1996, l‟agglomération (alors organisée sous la forme d‟un District) s‟était dotée des deux principaux instruments institués trois ans plus tard par la loi Voynet : un projet d‟agglomération (« projet 2005 ») et un conseil de développement (« Conférence consultative d'agglomération ») réunissant 70 personnalités issues de la société civile chargées de formuler des avis et propositions à l'exécutif intercommunal.

La démarche de projet ainsi initiée au milieu des années 1990 constitue une étape clé dans le processus qui a abouti à la création de la communauté urbaine en 2001. Pour autant, Nantes Métropole ne s‟est pas bâtie autour d‟un projet d‟agglomération. Comme l‟ont rappelé –pour le regretter– de nombreux acteurs interrogés, la Communauté urbaine ne dispose pas d‟un projet d‟agglomération qui fixerait des grandes orientations pour planifier le développement à cette échelle. Plutôt que d‟actualiser le projet d‟agglomération défini en 1996, les élus communautaires ont fait le choix, au moment de la création de la Communauté urbaine, de s‟engager dans la définition d‟un projet de territoire à une échelle plus vaste, celle de la métropole Nantes-Saint Nazaire. Ce projet métropolitain, élaboré avec la Communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire (CARENE), a servi de base au

SCOT approuvé en 2007, qui concerne 57 communes réunies dans 5 structures intercommunales98 et détermine l‟organisation de ce vaste territoire à l‟horizon 2020, en termes de localisation de logements, de zones de développement économique, de transports, etc. Ce SCOT est précisé par quatre schémas de secteur élaborés à l‟échelle de chacune des Communautés de communes et d‟agglomération signataires du schéma, qui se situent à mi-chemin entre les grandes orientations du SCOT et les prescriptions des PLU99. La communauté urbaine de Nantes s‟étant dotée en 2006 d‟un PLU communautaire, ses élus n‟ont pas jugés utile d‟élaborer un tel schéma de secteur.

Si elle ne s‟est pas dotée, depuis sa création en 2001, d‟un projet d‟agglomération, Nantes Métropole dispose donc bien d‟un projet de territoire. L‟échelle à laquelle celui-ci est structuré (celui de la métropole Nantes-Saint Nazaire) change cependant la nature dudit projet, qui n‟est pas directement indexé sur les compétences de la Communauté urbaine. Mais l‟absence de projet d‟agglomération renvoie surtout à la primauté donnée, dans l‟action communautaire, aux projets (au pluriel), comme le souligne un cadre dirigeant de Nantes Métropole qui a participé à l‟élaboration de la plupart d‟entre eux : « Il n’y a pas de projet d’agglomération. Le dernier remonte à 1996. Depuis 2001, la question d’un

nouveau projet est régulièrement relancée mais Ayrault a toujours dit non. Il raisonne en termes de jeux d’acteurs, d’opportunités, pas de planification. Ce qui prime, c’est le projet du grand territoire métropolitain et plus encore les projets concrets : l’Ile de Nantes, Notre Dame des Landes, le transfert

98 Communauté Urbaine de Nantes (Nantes Métropole), Communauté d‟Agglomération de la Région Nazairienne et de l‟Estuaire (Carene), Communauté de Communes d‟Erdre et Gesvres, Communauté de Communes de Loire et Sillon, Communauté de Communes de Cœur d‟Estuaire.

99 La possibilité reconnue à ces intercommunalités d‟élaborer un schéma de secteur qui leur est propre visait à leur faire accepter d‟entrer dans la démarche SCOT, en leur garantissant une certaine maîtrise du développement de leur territoire face à la puissante intercommunalité nantaise. Cf. Helin J-C., Struillou J-F. (2007) « Evaluation des premiers schémas de cohérence territoriale. SCOT Métropole Nantes Saint-Nazaire », Rapport GRIDAUH pour le Ministère de l‟Équipement

du CHU.... On est dans une logique de projets au pluriel, et il nous manque ce projet d’ensemble qui donnerait de la cohérence à tous les projets qui fleurissent dans l’agglomération ».

L‟importance des projets d‟aménagement dans la construction de l‟agglomération nantaise et la conduite de ses politiques a été soulignée par Remi Dormois, Gilles Pinson et Laurent Devisme, qui ont tous trois montré que le projet constitue l‟instrument privilégié des politiques urbaines nantaises depuis le début des années 1990, par opposition aux instruments traditionnels de la planification. Plus que tout autre, l‟opération de l‟Ile de Nantes symbolise cette primauté du projet sur le règlement. Ce grand projet lancé en 2000, piloté pendant près de dix ans par Laurent Thery, vise à faire émerger en deux décennies un nouveau centre pour l‟agglomération nantaise, sur une île de 350 hectares située au cœur de celle-ci, en lieu et place d‟un espace sans unité juxtaposant des friches industrielles, des zones résidentielles, des bureaux et des équipements collectifs. S‟il s‟appuie sur un plan guide (élaboré par Alexandre Chemetoff), qui fixe des principes d‟aménagement, ce projet se caractérise surtout par sa souplesse. Les spécificités de ce projet ont été soulignées par Gilles Pinson, qui notait qu‟il a été « conçu comme un cadre souple pouvant accueillir des investissements immobiliers privés. Il ne s’agit

pas de construire un plan qui boucle l’évolution d’un territoire sur 30 ans et reste sourd aux nouvelles opportunités, mais de mettre en place un dispositif permettant d’adapter le schéma d’ensemble à l’apparition de nouvelles ressources » 100. Le projet de l‟Ile de Nantes correspond donc d‟abord à une démarche de projet, dans laquelle la mise en cohérence des interventions des différents opérateurs urbains résulte d'un processus itératif et incrémental, fondé sur l‟échange et les négociations entre parties prenantes, conduisant à l‟alignement cognitif et au partage d‟une vision de long terme et de normes peu formalisées, puis à des accords partiels susceptibles d‟être révisés en fonction des évolutions de l‟environnement plutôt que de la conformation à des prescriptions réglementaires. L‟analyse de G. Pinson a d‟ailleurs été largement appropriée par l‟aménageur en charge de l‟ile de Nantes, qui s‟est saisi de la théorisation de son action pour en faire un discours de la méthode, présentant en ces termes la fabrication du projet sur son site internet : « C'est un projet ouvert, non figé,

capable de se modifier au fur et à mesure des initiatives. Il est le reflet d’un urbanisme négocié avec chacun des acteurs, qu’ils soient publics, privés, associatifs, collectifs ou individuels. Ce jeu d’acteurs constitue le fondement de la méthode de fabrication du projet urbain, tout en prenant en compte les politiques publiques de la Ville et de l’agglomération. Le plan guide d’Alexandre Chemetoff a été pendant cette dernière décennie l’outil de référence du projet - sans être un outil règlementaire -, et l’expression de cette capacité d’évolution du projet. Il reprend les grands axes du projet urbain ; traiter l’île globalement ; s’appuyer sur la transformation des espaces publics ; promouvoir un nouveau rapport au fleuve, révéler l’existant. Ni règle, ni procédure, ce document de référence, régulièrement mis à jour, guide l’action à court terme dans le cadre d’une vision du territoire à long terme. »101

Prolongeant son analyse au-delà de cette seule opération, Gilles Pinson estime que ce grand projet de l‟Ile de Nantes a joué un rôle central dans la formalisation d‟une culture et d‟une pratique que certains ont qualifié « d‟urbanisme à la nantaise »102, qui s‟est généralisé à l‟ensemble des grands projets nantais : « le projet Île de Nantes est aussi l’occasion d’expérimenter de nouvelles manières de planifier

100 Gilles Pinson (2006) « Projets de ville et gouvernance urbaine », Revue française de science politique,56,4. 101 http://www.iledenantes.com/fr/articles/82-la-methode-de-fabrication-du-projet.html

102 Colloque POPSU du 26 mars 2009 : « Nantes, une fabrique urbaine ». http://www.popsu.archi.fr/POPSU1/valorisation/IMG/pdf/colloquepopsunantes3.pdf

et d’aménager : intégration de différentes temporalités et gestion des incertitudes ; utilisation du plan d’urbanisme comme outil de dialogue, d’interactions, d’accumulation de connaissances pour l’action et de construction de normes partagées plutôt que de règles juridiques ; association des acteurs privés et des dynamiques de marché à la construction du projet et, au-delà, d’un système d’acteurs urbains pérenne »103

Cette analyse est corroborée par les travaux de Remi Dormois104, qui souligne la primauté accordée aux règles procédurales dans les politiques de planification urbaine nantaises, destinées à organiser et maintenir la coopération entre une pluralité d‟acteurs (dont, en premier lieu, les maires), plutôt qu‟à des normes juridiques qui s‟imposeraient à eux. Elle se retrouve dans les analyses de la montée en puissance de Nantes Métropole dans les politiques de l‟habitat développées par Mathilde Cordier et Jules-Mathieu Meunier pour le POPSU, qui insistent sur le travail de construction d‟une vision commune des enjeux par les acteurs de l‟habitat de l‟agglomération, prenant en compte les intérêts de chacun tout en cherchant à les faire converger autour d‟orientations partagées. Ces travaux insistant sur la dimension cognitive et procédurale de la construction d‟une capacité politique dans l‟agglomération nantaise, confirment largement l‟approche qui structure notre recherche, consistant à se décaler d‟une approche juridique du pouvoir intercommunal, interrogeant sa capacité à coordonner l‟action des communes en leur imposant des normes communes, pour considérer sa capacité à organiser leur coopération, c'est-à-dire l‟adoption par ces communes des comportements qui aboutissent à leur alignement autour d‟objectifs définis à l‟échelle intercommunale.

L‟intervention communautaire dans le domaine de l‟aménagement ne se réduit cependant ni à quelques grands projets ni à une simple activité de production et de diffusion de diagnostics, d‟animation d‟exercices de prospective et de mise en place de lieux de réflexion et d‟échanges dont il est attendu qu‟ils facilitent le rapprochement des diverses parties prenantes de la fabrique urbaine. Ces activités se prolonge en effet par la formalisation d‟accords, de schémas et programmes appuyés sur des budgets et des règlements communautaires, qui structurent la mise en œuvre de plans d‟actions liant plus ou moins fortement ces parties prenantes, dont les conditions d‟implémentation font l‟objet d‟un suivi collectif et d‟ajustements réguliers105.

c. Le Programme Local de l‟Habitat et l‟Agenda 21 communautaires

Les notions de mixité sociale et de développement durable structurent, directement ou indirectement, plusieurs de ces projets, schémas, programmes et plans. Plutôt que de les présenter exhaustivement, on donne ici un aperçu rapide des deux programmes qui définissent la politique de Nantes Métropole en la matière, à savoir le PLH et l‟Agenda 21 communautaires, sur lesquels on reviendra de façon plus détaillée dans les parties suivantes.

103 Pinson G. (2006), op. cit.

104 Dormois R. (2006), op. cit.

105 Ce en quoi Nantes Métropole agit sur un mode qui n‟est pas sans analogie avec celui que développait l‟Etat déconcentré dans les années 1980 et 1990, consistant à institutionnaliser l‟action collective dans les territoires.. Cf. Duran P., Thoenig J.C. (1996) « L'Etat et la gestion publique territoriale.», Revue française de science politique, 46(4).

PLH

Le premier Plan Local de l‟Habitat de Nantes Métropole, adopté à l‟unanimité en juin 2004, avait fait de la relance de la construction neuve son objectif principal, nécessaire pour répondre aux objectifs de croissance démographique et d‟attractivité métropolitaine, mais aussi pour ralentir le rythme de croissance des prix des logements. Il arrêtait des objectifs ambitieux avec 3 900 logements à construire en moyenne par an entre 2004 et 2008 (1600 sur le territoire de la ville centre et 2300 sur le reste de l‟agglomération), dont 900 logements sociaux (675 PLUS, 75 PLAI et 150 logements au titre du renouvellement urbain en PLUS et PLUS CD).. Sur la base de ce PLH, Nantes Métropole a signé en janvier 2006 une convention de délégation pour la programmation des aides à la pierre des aides de l‟Etat pour une durée de 6 ans, qui reprend globalement les objectifs de production de logements sociaux en PLUS définis dans le PLH, mais double les objectifs de production en PLAI (150 /an) et PLS (500 /an ) par rapport au PLH. Les objectifs de production définis dans ce premier PLH ont été atteints et même dépassés (cf. infra.).

Le second PLH, qui porte sur la période 2010-2016, a été adopté à l‟unanimité par le Conseil communautaire en décembre 2010. Il s‟organise autour d‟objectifs de production renforcés par rapport au précédent : construction de 5000 logements neufs par an contre 3900 dans le précédent PLH. Cette augmentation globale s‟accompagne d‟un rééquilibrage entre type de produits logements : par rapport au précédent, le nouveau PLH double quasiment les objectifs de production de logements sociaux (1300 à 1400 par an, dont 70% en PLUS et PLUS CD, 30% en PLAI) et de logements abordables dont le prix se situe 20% en dessous du marché (1250 par an, en accession pour les deux tiers, en location pour le tiers restant), et diminue de 20% les objectifs de production du secteur libre (2350 à 2450 logement par an). Celui-ci représente donc un peu moins de la moitié de l‟offre nouvelle projetée, qui est dominée par l‟offre dite « à coût maîtrisé ». Ces objectifs de production arrêtés à l‟échelle de la Communauté urbaine sont répartis entre communes (alors qu‟ils n‟étaient territorialisés qu‟à l‟échelle de grands secteurs géographiques dans le PLH 2004-2008), avec une priorité affiché pour la construction dans les centres villes et les secteurs desservis par les transports collectifs.

Si ce second PLH demeure centré sur des objectifs quantitatifs de production neuve, il intègre aussi des orientations plus qualitatives que le précédent, notamment dans le domaine du développement durable : la « volonté de renforcer la synergie entre habitat, déplacement, urbanisme et plan climat dans la production de logements » fait l‟objet d‟un sous-chapitre dans la partie enjeux et orientations stratégiques du PLH ; il en va de même du « maintien de la qualité et de l‟attractivité du parc existant ». Il n‟en reste pas moins que le PLH fait du développement de l‟offre neuve son principal objectif et son principal levier pour traiter les enjeux de mixité et de durabilité qui sont mis en avant dans le diagnostic. Symptomatiquement, parmi les quatre enjeux et orientations stratégiques du PLH, celui qui traite directement de ces deux mots d‟ordre (« favoriser un développement solidaire et durable ») n‟occupe que 4 pages contre 8 pour celui qui porte sur le développement de l‟offre (« accompagner le développement de la métropole nantaise à l‟horizon 2030 ») et autant pour celui qui porte sur la diversification de cette offre (« renforcer la diversification de l‟offre de logements neufs »).

Agenda 21

Le Conseil communautaire a décidé, en avril 2004, d‟engager une démarche d‟élaboration d‟un Agenda 21 communautaire, associant les partenaires locaux et les communes de l'agglomération. Sur la base d‟un diagnostic réalisé au printemps 2005 et de sa mise en débat dans plusieurs instances (Conseil de développement, ateliers partenariaux ad hoc), une trentaine d‟actions ont été proposées puis hiérarchisées, pour aboutir à la définition de trois orientations (la lutte contre l'effet de serre, les solidarités et l'évolution des modes de vie, la diversification économique), déclinées dans un plan d‟actions, comprenant –comme souvent– 21 actions, dont 17 renvoient aux trois axes retenus et quatre précisent le mode d‟emploi de l‟Agenda 21 (« Animation du territoire »).

Lutte contre l’effet de serre : 1 : Plan Climat Territorial

2 : Projet communautaire de l'énergie 3 : Développement des éco-technologies 4 : Eco-quartier : quartier durable

5 : Espace « mobilités et déplacements durables »

6 : Plan de réduction des consommations de pesticides de l'agglomération 7 : Vers une gestion partenariale des zones humides

Solidarités et évolutions des modes de vie 8 : Conciliation des temps

9 : Egalité des chances devant l'activité et l'emploi

10 : Mobilisation de l'agglomération pour l'accueil des personnes « seniors » 11 : Handi-« cap » pour l'agglomération nantaise

12 : Atelier des densités urbaines Diversification économique

13 : Pour une industrie locale durable

14 : Services résidentiels, filière économique d'intérêt collectif 15 : Vers un pôle international en commerce éthique et équitable 16 : Commande publique et développement durable à Nantes Métropole 17 : Les déchets de nouvelles ressources à maîtriser

Animation du territoire

18 : Animation du «réseau d'agglomération Agendas 21»

19 : Formation des acteurs locaux au développement durable appliqué 20 : Eco-gestes au sein de Nantes Métropole

21 : Baromètre des ressources et des engagements en développement durable

Cet Agenda 21 a été approuvé à l‟unanimité par le Conseil communautaire en février 2006. Il a été prolongé par l‟adoption, en mars 2007, d‟un Plan Climat Territorial (une fois encore voté à l‟unanimité), qui vise à mettre en œuvre, à l‟échelle du territoire de l‟agglomération, l‟objectif du protocole de Kyoto, soit une division par deux des émissions de gaz à effet de serre à l‟horizon 2025. L‟objectif est ambitieux, le diagnostic territorial des émissions de CO2 réalisé ayant mis au jour le poids très limité de la Communauté urbaine dans les émissions de gaz à effet de serre produites sur son territoire, 94 % de ces émissions étant le fait des particuliers et des entreprises du territoire.

Pour diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre à l‟horizon 2025, le Plan Climat territorial s‟appuie notamment sur le réseau agenda 21 d‟agglomération, mobilisé pour diffuser et échanger sur les bonnes pratiques et les expériences en matière de développement durable des 24 communes de l‟agglomération nantaise. En complément de cet objectif de réduction des émissions par une action sur les causes du changement climatique, le Plan Climat de Nantes Métropole comprend un volet

« adaptation », qui vise à améliorer la connaissance du sujet et à identifier les impacts (positifs ou négatifs) du changement climatique sur différents secteurs.

1.3. Pouvoir politique

La métropole nantaise figure aujourd‟hui parmi les agglomérations modèles du développement territorial. Son formidable développement s‟accompagne du maintien d‟une qualité de vie et d‟une cohésion sociale mis à l‟épreuve dans d‟autres grandes agglomérations. Elle est porteuse d‟un projet de développement pour son territoire tout en étant capable de penser son rôle de métropole à diverses échelles (de l‟Estuaire au Grand Ouest). Ses politiques sont régulièrement mises en avant par les multiples labellisateurs de « bonnes pratiques ». De nombreux observateurs soulignent l‟alignement des acteurs locaux autour d‟un projet de développement métropolitain partagé, qui permet un fonctionnement consensuel et dépolitisé de Nantes Métropole. Rien ne prédisposait pourtant Nantes à devenir un territoire modèle de l‟intercommunalité française.

a. La construction du leadership

Jusqu‟à la fin des années 1980, l‟agglomération correspondait moins à un espace de pouvoir politique qu‟à un terrain de lutte politique, structuré par des oppositions partisanes (conclues comme le prolongeant des luttes sociales) mais aussi par des rivalités internes à chacun des deux camps qui ont fragilisé le pouvoir nantais. Cette fragmentation politique se prolongeait par une forte politisation des enjeux et des projets supra-communaux, qui a freiné –voire bloqué- la construction intercommunale. L‟instabilité politique et les blocages intercommunaux du passé ont laissé place, depuis le début des années 1990, à un double processus de pacification et de rattrapage du retard de la coopération intercommunale, qui sont indissociables de la construction du leadership personnel du maire de Nantes, qui a été réélu sans discontinuer depuis 1989106.

Celui-ci s‟est appuyé, dès sa première élection, sur un travail de pacification de la gauche nantaise et d‟élimination de ses rivaux (en particulier Claude Evin), qui lui a permis de s‟imposer comme un baron local, maîtrisant la puissante fédération de Loire Atlantique du PS, puis comme un leader partisan national en se faisant élire à la tête de l‟Association des maires des grandes villes de France en 1995, puis en prenant la présidence du groupe socialiste à l‟Assemblée nationale en 1997. Ces positions nationales lui ont, en retour, apporté d‟importantes ressources politiques vis-à-vis des maires socialistes de l‟agglomération, contribuant à en faire le leader incontesté du PS et, au-delà, de la « gauche plurielle » locale, des Chevènementistes (au travers de l‟alliance Nantes-Saint Nazaire nouée avec Joël Batteux) jusqu‟aux Verts. Le soutien apporté par ces derniers à J.M. Ayrault est remarquable : alors que le projet de construction d‟un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, poussé par le maire de Nantes, suscite une vive opposition des écologistes à l‟échelon national et régional, qui ont fait de ce dossier un emblème de leur lutte contre des politiques d‟aménagement qui font primer le développement sur la durabilité, les élus Verts locaux n‟ont jamais remis en cause leur appartenance à