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CHAPITRE 2 : ÉTAT DES CONNAISSANCES

2.1 La santé psychologique et le stress au travail

2.1.2 Le stress au travail

Reconnaissant maintenant que le stress fait partie intégrante du vécu humain et sachant qu’ordinairement, toute personne passera la grande majorité de sa vie à travailler, il semble essentiel de poser notre regard sur le stress au travail. Comme les termes « facteurs de stress » et « sources de stress » sont utilisés de façon indifférenciée dans les écrits sur la matière provenant de divers domaines d’études, il en sera de même pour l’entièreté du présent rapport14. Notons que le terme « stresseur » présuppose que celui-ci engendre à tout coup une réponse de stress chez l’individu.

Une multitude de recherches ont été menées depuis déjà plus un demi-siècle dans le domaine du stress professionnel et sa relation avec les problèmes de santé physique et psychologique (Cooper et Marshall, 1976 ; Danna et Griffin, 1999). À la fin des années 80, Cox (1988) a affirmé que sous certaines conditions et pour certains individus, la santé pouvait être affectée par l’expérience du stress au travail. Dans les deux dernières décennies, d’importantes modifications dans le monde du travail ont eu pour effet d’accroître les pressions au travail et les travailleurs se retrouvent dans divers contextes de travail où ils doivent faire plus avec moins. Par

14 En anglais, par exemple, les termes job stress, sources of strain, stressors et work stress, sont

exemple, les transformations du travail15 et les changements organisationnels (p. ex. : lean production, licenciement massif, ingénierie des processus) ont fait passer les exigences physiques du travail à des contraintes psychologiques (Marmot, Siegrist, Theorell et Feeney, 1999). De plus, des changements tels le vieillissement des travailleurs, l’augmentation des contrats de travail temporaires, l’augmentation du nombre de femmes sur le marché du travail et la disparition progressive de la relation employeur-employé traditionnelle sont observés quant au profil du travailleur lui-même (Massoudi, 2011). Ainsi, le stress au travail est un problème croissant qui entraîne des coûts importants tant pour les employés individuellement que pour les organisations à travers le monde. Cette intensification du travail contemporain a, entre autres, incité Maslach, Jackson et Leiter (1996) à développer le Maslach Burnout Inventory (troisième édition). L’intérêt scientifique maintenu jusqu’à ce jour quant à l’épuisement professionnel suggère que les employés ont atteint les limites de leur ajustement aux changements rapides du monde du travail.

La communauté scientifique n’a pas encore adopté une position commune sur le sens et la définition du stress au travail (Hart et Cooper, 2001). Les modèles du stress au travail ont longtemps contenu des éléments du concept de stress comme processus. De même, les chercheurs ont depuis longtemps accepté la nature transactionnelle du stress, au moins sur le plan théorique, même si la recherche empirique a surtout été menée à partir d'une perspective interactionnelle (Cooper et

al., 2001). Il existe donc plusieurs modèles du stress au travail, mais soulignons que

Karasek (1979) fut le pionnier en la matière avec le « job strain model ». Les chercheurs ont par la suite amené leur contribution en testant le modèle ainsi qu’en le bonifiant d’autres variables16. De ce fait, pour une grande majorité de recherches portant sur le stress au travail, ce modèle constitue la base des variables à mettre en relation afin de comprendre leurs interrelations.

Suivant la réflexion de Cooper et al. (2001), dans la littérature sur le stress au travail, il semble y avoir un débat continuel à savoir si les facteurs de stress

15 Entre autres, l’ampleur du secteur des services comparativement au secteur manufacturier. 16 Ces modèles du stress sont abordés à la section 2.2.

devraient être étudiés subjectivement ou objectivement. La position de la subjectivité est appuyée par le modèle transactionnel du stress qui souligne que la perception de menace d'un stimulus ou d'un événement est critique pour l'expérience du stress. Dans la littérature portant sur le milieu de travail, la majorité des études sur le stress utilisent l’auto-évaluation des facteurs de stress. Elles sont donc fondées sur l'hypothèse que la perception subjective est la clé afin de comprendre la relation stress-contrainte. D'autre part, en s’attardant aux interventions de gestion du stress, particulièrement celles au niveau organisationnel, elles sont généralement construites sur la croyance que certains facteurs de stress peuvent transcender les cognitions et attributions individuelles et peuvent donc être considérés comme objectifs. En d’autres mots, les facteurs de stress peuvent être évalués d’une manière objective, indépendamment de la façon particulière dont les individus les perçoivent (p. ex. : test de salive – cortisol, adrénaline, etc.).

Même si des facteurs individuels et personnels interviennent dans l’équation du stress, la cause du stress au travail réside souvent dans l’organisation du travail, l’environnement de travail et la structure organisationnelle (Cox, Randall et Griffiths, 2002). Ainsi, Hart et Cooper (2001) soulignent que de façon générale, il est admis que le stress au travail est associé à des états émotionnels aversifs ou désagréables que les individus éprouvent en conséquence de leur travail. En ce sens, certains aspects liés au contexte de travail peuvent représenter des sources de stress chez un travailleur donné. Plusieurs modèles et catégorisations des sources de stress au travail ont été faits (p. ex. : Cartwright et Cooper, 1997; Cooper et Marshall, 1976; Cox et al., 2002). Toutefois, aussi nombreuses et variées soient les sources, elles peuvent généralement se regrouper en trois grandes catégories : les sources spécifiques au travail, les sources organisationnelles et les sources individuelles/personnelles (Cooper et al., 2001). Suivant les propos de Harvey, Courcy, Petit, Hudon, Teed, Loiselle et Morin (2006, p. 6) :

Les sources de stress en milieu de travail se retrouvent avec une certaine consistance dans l’ensemble des milieux de travail. Les instituts nationaux de santé et sécurité à travers l’Amérique du Nord, tel le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail (CCHST) ou le National

Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH, États-Unis), y font largement référence et les présentent comme des facteurs devant être examinés et traités dans les milieux de travail.

Au point de vue global, il y a une multitude de sources organisationnelles pouvant engendrer du stress au travail. Les effets d’une variété de sources organisationnelles ont été étudiés dans les recherches portant sur le stress. Certains attribuent une part d’influence à la culture et au style de gestion, à la structure hiérarchique et bureaucratique ainsi qu’aux politiques organisationnelles (Cooper et

al., 2001; Cooper et Cartwright, 1994). En ce sens, nous concevons que le stress au

travail est vécu lorsque les facteurs de stress s’accumulent à un point tel que la santé psychologique et physique d'un employé peut être affectée et qu’il ne peut fonctionner à son aisance habituelle. Ainsi, au point de vue managérial, et ce, afin de diriger les interventions de prévention17 en ce qui concerne l’environnement de travail, les facteurs sont abordés sous l’angle des facteurs de risque psychosociaux. Par leur absence (ou manque de) ou leur présence, ceux-ci sont reconnus pour leurs effets sur la SPT. Ainsi, certains facteurs peuvent avoir un effet protecteur tandis que d’autres auront une incidence négative sur la santé psychologique des travailleurs. Par exemple, un emploi qui demande de travailler sous des conditions climatiques variables et imprévisibles : s’il s’agit d’un travail qui exige des décisions critiques,

17 La prévention primaire vise à empêcher l’apparition de problèmes, d’éliminer les risques à la source. Elle implique, une modification de l’environnement de travail et des processus administratifs. Par exemples, se doter d’une politique de prévention de la violence, instaurer et appliquer une procédure de traitement des plaintes, créer un comité de prévention, diminuer les sources de stress, améliorer la communication, favoriser la reconnaissance au travail, encourager la libre expression des employés, etc. La prévention secondaire vise les individus plutôt que l’organisation. Au lieu de se centrer sur les sources, elle vise à diminuer les conséquences sur les individus, en les aidants à mieux reconnaître les situations difficiles et à les gérer. L’individu est donc mieux outillé pour faire face aux problèmes. Par exemples, diffusion d’informations sur une problématique particulière, formation de tous les employés sur l’importance du sujet et sur la gravité des impacts, distribution de documents présentant les moyens mis à la disposition, développement des habiletés des employés dans la gestion des situations difficiles, etc. La prévention tertiaire vise à « réparer » les impacts présents. Elle inclut le soutien et l’aide offerts aux personnes concernées. La prévention tertiaire vise non seulement à éviter qu’une situation se dégrade, mais également qu’elle ne réapparaisse. Par exemples, apporter du soutien aux personnes qui vivent des situations difficiles, pairs aidants et réseaux d’entraide, offrir un soutien psychologique via un programme d’aide aux employés (PAE), programme de retour au travail, offrir de la formation, etc. (Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du Travail, 2015) <http://www.irsst.qc.ca/prevention-violence/definitions.html#prevention>.

une fine discrimination, et de la performance dans des actions rapides ou hautement qualifiées, ce travailleur pourra être affecté par les facteurs de stress de niveau thermique (Cooper et al., 2001). Cette influence du stress thermique répétitif lors d’exigences mentales de la tâche peut affecter la SPT du travailleur après un certain temps. En ces circonstances d’emploi, des facteurs de protection à la SPT pourront par exemple modérer l’impact du stress au travail. D’abord, la partie qui suit présente les modèles du stress faisant le point de départ quant à l’angle privilégié pour aborder le stress au travail lié aux risques psychosociaux.