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CHAPITRE 2 : ÉTAT DES CONNAISSANCES

2.6 Les Services préhospitaliers d’urgence (SPU)

2.6.1 Les professions liées aux services d’urgence

Par le choix de leurs professions, les employés des services d’urgence sont des personnes qui choisissent de venir en aide à la population. Ainsi, ce sont des professionnels qui, en raison de leurs fonctions, sont sélectionnés, formés, entraînés et préparés à faire face à des événements traumatiques. Par contre, ce sont à la base, des êtres humains qui vivent du stress personnel (divorce, difficultés financières, etc.) ou peuvent être débordés par différentes obligations de la vie quotidienne, ou même qui se remettent d’une dépression. Ces aspects peuvent représenter une fragilité morale auprès des intervenants des services d’urgence et malheureusement, lorsqu’il arrive un événement majeur, la personne est plus fragile à absorber l’impact de l’événement et celle-ci peut être plus affectée par le stress vécu lors de l’événement. Ainsi, il est donc nécessaire de tenir compte des variables modératrices

discutées précédemment afin d’être attentif à la situation particulière de chaque employé.

Certains types d’emploi ont soulevé notre intérêt en particulier, car certains éléments relatifs à leur contexte de travail respectif peuvent avoir un effet sur la SPT des intervenants des services d’urgence. Ces professionnels qui agissent en amont pour sauver des vies sont exposés à divers facteurs psychosociaux qui ont des impacts sur leur vie professionnelle et aussi personnelle. Effectivement, certains métiers, en raison de leurs fonctions, sont plus susceptibles d’être affectés par des problématiques d’ordre psychologique tels que la détresse psychologique, le stress, les syndromes post-traumatiques, etc. (Carlier et Gersons, 1994; Gersons et Carlier, 1992). D’après ces auteurs, les domaines professionnels les plus touchés sont particulièrement ceux du milieu de l’urgence ou les « emergency response

personnel », soit les métiers de pompiers, policiers, personnel médical, travailleurs

sociaux, TAP, etc. Les employés de services d'urgence font face quotidiennement à des événements à haut risque et peuvent vivre un stress post-traumatique dans le cadre de leur travail (ADR.tv, 2012). Marmar et al. (1996) ont constaté que les membres des services d'urgence qui souffraient d’une plus grande détresse rapportaient également un plus grand degré d'exposition, une plus grande dissociation et détresse émotionnelle péritraumatique, une plus grande menace perçue, et moins de préparation face à un événement critique. En ce sens, diverses recherches ont porté sur les professions de préposés aux centres d’appel 9-1-1, policiers et pompiers. Notons que certaines de ces recherches se sont attardées au contexte spécifique de l’exercice de ces fonctions au Québec.

Dans cet ordre d’idée, le stress de l’incident critique est assez bien documenté auprès des intervenants impliqués dans les services d’urgence. Le stress de l’incident critique affecte les individus qui se retrouvent dans une situation qui peut mettre en péril leur propre vie ou la vie de personnes plus ou moins proches selon des circonstances diverses : catastrophe naturelle, scène de crime, accident de la route, etc. Ainsi, les intervenants des services d’urgence (préposés 9-1-1, policiers, pompiers, TAP) sont susceptibles de rencontrer, dans le cadre de leur

travail, une variété d’incidents critiques et de développer des symptômes de détresse post-traumatique (Toulouse et al., 2006). Plusieurs spécialistes (p. ex. : psychologues des services policiers) s’entendent toutefois sur certains types d’événements auxquels sont confrontés les employés des services d’urgence qui seraient plus difficiles à vivre et qui sont plus propices au développement de l’ÉSPT : Les événements qui impliquent des enfants ou des bébés, les situations de violence familiale ou conjugale, et les suicides, représentent des événements occasionnels qui soulèvent de fortes émotions et semblent marquer plus sévèrement les intervenants d’urgence indépendamment de leur âge. En ce sens, l’ÉSPT peut sembler insurmontable pour certaines personnes et peut entraîner, à moyen ou long terme, sans traitement approprié, des pensées suicidaires. Cette problématique inquiète d’ailleurs les spécialistes qui travaillent auprès de ces employés de services d’urgence, entre autres, car les moyens de passage à l’acte y sont plus accessibles (p. ex. : policier/port de l’arme à feu, TAP/accès à de la médication) (ADR.tv, 2012). Il est important de noter que la perception de l’événement par la personne joue un rôle important et que, par conséquent, les réactions émotives provoquées par un même événement et l’ampleur de ces réactions peuvent varier d’une personne à une autre.

Sous un autre angle, rapportons un mythe qui entoure les individus qui œuvrent en situation critique (p. ex. : policiers, pompiers, TAP, équipes médicales), à savoir que ceux-ci peuvent surmonter la tendance naturelle à dormir. Toutefois, la situation réelle est certainement tout autre. Même s’il existe des évidences au fait que certains de ces intervenants d’urgence peuvent s’adapter au travail de nuit, seulement une faible minorité d’entre eux présentent une réelle adaptation physiologique à leur horaire de travail. Le fait de travailler, et par défaut, de vivre à des phases circadiennes anormales peut entraîner des effets négatifs sur le sommeil, la vigilance, la santé et le bien-être des travailleurs (Boivin, Tremblay et Boudreau, 2010). De plus, comme il est connu que les professionnels des services d’urgence peuvent travailler sur des horaires de travail « posté », soulignons que cette population de travailleurs présente, par conséquent, un risque plus élevé de développer plusieurs maladies chroniques telles que des maladies cardiovasculaires,

un syndrome métabolique, des troubles digestifs, divers cancers et des difficultés sur le plan de la santé psychologique (Boivin et al., 2010). À cet effet, la documentation associant les troubles de santé physique aux problématiques d’ordre psychologique a démontré que les mauvaises conditions physiques (environnement physique du travail) augmentent le risque d’en ressentir des conséquences sur la santé psychologique. Qu’il suffise de souligner les écrits concernant la relation entre les troubles musculo-squelettiques et la SPT. Par exemple, les recherches démontrent qu’à plus ou moins long terme, dépendamment de la résistance et la capacité d’adaptation de l’individu, les conditions de travail « ardues » peuvent engendrer l’apparition de différentes maladies, entre autres, qui affectent le système musculo- squelettique ou la santé psychologique (Vézina et al., 2011). Effectivement, l’EQCOTESST réalisée en 2007-2008 regroupait neuf contraintes du travail dans un indicateur de cumul de contraintes physiques20. Un employé exposé souvent ou tout le temps à au moins quatre des neuf contraintes physiques est considéré en situation de travail à « contraintes physiques élevées ».

Ainsi, une meilleure connaissance des conditions de travail et des facteurs de risque auxquels les professionnels des SPU du Québec sont exposés apparaît nécessaire, et ce, afin de déterminer des plans d’interventions stratégiques en SPT relatifs à chacune des professions impliquées dans ces services.