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Chapitre 1 : Introduction

1.4. Réponse au stress suite à des lésions pulmonaires

1.4.1. Stress pathophysiologiques

Les stress pathophysiologiques causés par des carences, l’exposition à des agents chimiques ou physiques sont des conditions qui peuvent altérer la physiologie et la survie cellulaire dans les poumons. On distingue différents types de stress cellulaire, par exemple le stress oxydant, hypoxique, mécanique et inflammatoire. La réponse à ces stress met en jeu des mécanismes protecteurs, sélectionnés par l’évolution, afin de minimiser l’impact négatif de

ces conditions et permettre une réponse optimale des cellules. Chaque type de stress cellulaire présente généralement deux éléments essentiels. Tout d’abord, il y aura un mécanisme de détection de l’agression, par exemple par l’activation de récepteurs, puis une réponse adaptative, généralement par l’activation de différentes voies de signalisation qui conduisent à la modulation de l’expression génique. Ces voies de signalisation seront présentées plus en détail dans un prochain sous-chapitre. Cependant, il peut arriver que cette réponse cellulaire soit néfaste, en raison de son intensité ou parce que cette stimulation devient chronique. C’est l’intensité et/ou la chronicité de l’activation des systèmes de protection qui entraînent un stress pathophysiologique dommageable aux cellules. En raison de son contact direct avec le milieu extérieur, l’environnement pulmonaire présente un potentiel élevé en source de stress pour les cellules épithéliales alvéolaires. Dans le cas de SDRA, plusieurs stress sont connus pour moduler négativement l’activité du canal ENaC, son expression protéique et le niveau d'expression de son ARNm. Une revue de ces stress est présentée ci-dessous.

Ainsi, en réponse à divers stimuli inflammatoires, les cellules épithéliales des voies aériennes et des alvéoles, les cellules endothéliales ainsi que les macrophages alvéolaires, produisent des dérivés réactifs de l’oxygène (ROS) qui peuvent avoir des effets nocifs sur l’épithélium pulmonaire (Bhatia & Moochhala, 2004). En effet, dans le condensat de respiration de patients atteints de SDRA ont été retrouvées des concentrations élevées en peroxyde d’hydrogène (H2O2), une source de ROS, (Kietzmann, Kahl, Muller, Burchardi, & Kettler, 1993). Des concentrations élevées de ROS ont également été retrouvées dans les poumons de patients SDRA et sont associées à d'importants dommages cellulaires (Lamb, Gutteridge, Baker, Evans, & Quinlan, 1999). D’autre part, le H2O2 semble induire une modulation du canal ENaC qui semble contradictoire sur certains points. D’une part, ce ROS induit une inhibition de l’expression de l’ARNm et de la protéine de la sous-unité αENaC dans différents types cellulaires (A549, H441, Calu-3) (Wang et al., 2000; Xu & Chu, 2007). À l’opposé, cette même molécule, ainsi que l’anion superoxide O2-, induisent une augmentation de l’expression membranaire et de l’activité du canal ENaC dans les cellules ATII (Downs, Kumar, Kreiner, Johnson, & Helms, 2013; Takemura, Goodson, Bao, Jain, & Helms, 2010). Cette divergence temporelle pourrait s’expliquer par un phénomène d'autorégulation et de rétroaction de l'activité et de l'expression du canal ENaC. En effet, la cellule pourrait inhiber l’expression génique de ENaC afin d’éviter une suractivation du canal par les ROS. Ainsi, le

stress oxydatif pourrait selon son origine, son intensité et sa durée, avoir un impact sur la réponse cellulaire et par conséquent sur le canal ENaC. Par exemple, dans les neurones corticaux de rat, le stress oxydatif chronique inhibe l’expression du canal TRPC3, alors qu’un stress oxydatif aigu n’a aucun effet (Roedding, Tong, Au-Yeung, Li, & Warsh, 2013).

L’hypoxie du tissu alvéolaire est également un environnement que l’on retrouve souvent chez les personnes atteintes de SDRA. La diminution de la concentration en oxygène dans les alvéoles de ces patients inhibe l’expression des différentes sous-unités ENaC et en particulier de la sous-unité alpha essentielle à la fonction du canal. (Gille et al., 2014; Planes et al., 1997). L’inhibition de l’activité du canal en condition hypoxique implique également une polyubiquitylation de la sous-unité βENaC par Nedd4 ce qui entraîne la dégradation du canal dans les lysosomes (Gille et al., 2014). L’inhibition du canal ENaC par l’hypoxie peut s’expliquer également par la sécrétion de sérotonine par les cellules endocrines du système respiratoire dans ces conditions. En effet, la sérotonine module négativement les fonctions du canal ENaC dans les voies distales, ainsi que la clairance alvéolaire. (Goolaerts et al., 2010).

La transplantation pulmonaire peut également être une cause au développement de la détresse respiratoire aiguë dans les premières 72h suivant la tranplantation. En effet, celle-ci est une complication courante suite à cette chirurgie (Fard et al., 2014). Les dommages d’ischémie reperfusion inhérent à la transplantation induisent des ROS et une réponse inflammatoire dans les poumons qui affectent le transport ionique de l’épithélium pulmonaire. Les dommages causés par la transplantation pulmonaire chez un modèle canin affectent la clairance alvéolaire potentiellement via une chute de l'expression de l'ARNm des sous-unités α et βENaC, ainsi que d'une diminution de la protéine αENaC. De plus, l'administration de terbutaline, un agoniste des récepteurs β2-adrénergiques connu pour stimuler l'activité du canal ENaC (Baxendale-Cox, 1999), est incapable de favoriser une clairance liquidienne dans le poumon transplanté contrairement au poumon contrôle (Sugita et al., 2003a). Ces résultats suggèrent un rôle majeur du transport du sodium dans le maintien d'une fonction pulmonaire optimale suite à une transplantation pulmonaire.

Le facteur de croissance transformant β1 (TGF-β1) est une cytokine qui joue plusieurs rôles dans les poumons, incluant le développement, la prolifération cellulaire et l’immunité. Durant le SDRA, le TGF-β1 a surtout été démontré dans la phase tardive de réparation cellulaire où celui-ci joue un rôle critique dans le développement de la fibrose pulmonaire.

Cependant, le TGF-β1 se présente comme un médiateur-clé dans le développement de la phase aiguë du SDRA où le niveau de TGF-β1 actif est augmenté (Fahy et al., 2003). Le TGF-β1 augmenterait la perméabilité membranaire ce qui favorise l’œdème pulmonaire (Dhainaut, Charpentier, & Chiche, 2003). Par ailleurs, le TGF-β1 inhibe le transport du sodium de l’épithélium alvéolaire. Cette inhibition par le TGF-β1 s’effectue par une diminution de l’activité du canal ENaC (Peters et al., 2014) causée par la répression de l’expression de l’ARNm et de la protéine de la sous-unité αENaC via la voie de signalisation de ERK1/2 (Extracellular signal-regulated kinase) (Frank et al., 2003).

Outre le TGF-β1, plusieurs autres cytokines pro-inflammatoires sont retrouvées dans l’espace alvéolaire durant la phase exsudative du SDRA. Parmi celles-ci on retrouve notamment l’interleukine-1β (IL-1β), une des cytokines les plus actives identifiées dans l’œdème pulmonaire de patients avec une détresse respiratoire aiguë (Pugin, Ricou, Steinberg, Suter, & Martin, 1996; Pugin, Verghese, Widmer, & Matthay, 1999). L’IL-1β a également démontré une action inhibitrice du transport du sodium sensible à l’amiloride, conséquemment à une réduction de l’expression des transcrits des trois sous-unités ENaC et de la protéine de la sous-unité αENaC via l’activation de la voie de signalisation p38 (Roux et al., 2005).

Une autre cytokine pro-inflammatoire importante sécrétée dans les voies distales est le facteur de nécrose tumoral alpha (TNF-α). Celle-ci est retrouvée en grande quantité chez les patients atteints de SDRA (Hyers, Tricomi, Dettenmeier, & Fowler, 1991). Le TNF-α peut induire l’activation des cellules endothéliales et provoquer une dysfonction de la barrière alvéolo-capillaire, deux mécanismes impliqués dans la pathogenèse de l’œdème pulmonaire (Petrache, Birukova, Ramirez, Garcia, & Verin, 2003). L’inhibition du transport sodique est également un autre mécanisme par lequel le TNF-α favorise le développement de l’œdème pulmonaire. Le TNF-α agit en inhibant le transport sensible à l’amiloride (Dagenais et al., 2004). La cytokine réduit également l’expression des transcrits des sous-unités α, β et γ-ENaC, ainsi que de la protéine αENaC, mais sans affecter l’expression de la pompe Na+/K+-ATPase (Yamagata et al., 2009). Cependant, le TNF-α semble présenter un double rôle au niveau de la modulation du canal ENaC. En effet, l’utilisation du peptide TIP qui mime le domaine lectine du TNF-α a permis de stimuler le transport actif de sodium et la résorption de l’œdème pulmonaire chez des patients victimes de SDRA. Cette activation du canal ENaC se ferait par une interaction directe entre le domaine lectine du TNF-α et la région carboxy-terminale de la

sous-unité αENaC suite à l’internalisation du peptide (Czikora et al., 2014; Fukuda et al., 2001).

Un autre stress important auquel les patients atteints de détresse respiratoire aiguë font face est l'apparition d'infections nosocomiales provoquant une pneumonie. Près de 6,5% des personnes sous ventilation mécanique, généralement nécessaire chez les patients atteints de SDRA, vont développer une pneumonie après six jours et le nombre de cas s'élève à 28% après 30 jours (Iregui & Kollef, 2001). Ces infections nosocomiales peuvent être exacerbées par la réponse immunitaire. En effet, le TNF-α et l'IL-1β, en plus de participer à la réponse inflammatoire associée à l'infection, peuvent favoriser la prolifération bactérienne (Kanangat et al., 2001; Meduri, Kanangat, Stefan, Tolley, & Schaberg, 1999). Parmi les sources bactériennes, on retrouve Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa (Meduri et al., 1999), deux organismes impliqués dans la modulation du transport sodique. En effet, Staphylococcus aureus, une bactérie à Gram positif, perturbe l'intégrité du canal ENaC en inhibant l'expression de l'ARNm de la sous-unité αENaC tout en augmentant celle de la sous- unité γ chez des cellules 6HBE14o- des voies aériennes (Hussain, Oliynyk, Roomans, & Bjorkqvist, 2013). Par contre, aucune étude n'a démontré d'impact de cette bactérie sur la modulation du transport ionique dans les alvéoles.

Pseudomonas aeruginosa, une bactérie à Gram négatif, est un organisme naturellement retrouvé dans différents environnements tels que dans le sol, les plantes et dans la nourriture que nous consommons (Neu, 1983). Cette bactérie n'est généralement pas pathogène, mais présente un profil opportuniste chez les personnes vulnérables comme les patients atteints de SDRA en induisant des infections nosocomiales. L'instillation de P. aeruginosa chez le lapin a démontré l'impact de cette bactérie sur l'homéostasie pulmonaire. Celle-ci induit une pneumonie aiguë provoquant des dommages à l'épithélium alvéolaire, une perte de son intégrité, ainsi que le développement d'un œdème pulmonaire (Wiener-Kronish et al., 1993). Un modèle semblable chez la souris a démontré que l'instillation de P. aeruginosa provoque une chute des transcrits des différentes sous-unités ENaC (Dagenais, Gosselin, Guilbault, Radzioch, & Berthiaume, 2005b). L'impact de cette bactérie sur le canal ENaC peut provenir de différents composants structurels, tels que le flagelle ou les lipopolysaccharides (LPS). En effet, le flagelle de P. aeruginosa inhibe l'activité du transport sodique du canal ENaC via l'activation de la voie de signalisation de ERK1/2 (Kunzelmann et al., 2006). Les LPS sont des

glycolipides qui constituent la majeure partie de la membrane externe des bactéries à Gram négatif et possèdent un potentiel pro-inflammatoire important dans les poumons (Schlag, Redl, & Hallstrom, 1991). La présence de LPS provoque une réponse forte chez les cellules alvéolaires en inhibant l'activité du canal ENaC via la sécrétion d'ATP et l’activation de la voie de signalisation de la PKC (Boncoeur et al., 2009), mais également en inhibant l'expression des transcrits et des protéines des trois sous-unités ENaC (He et al., 2014).

Tous les exemples présentés ci-dessus ont un point en commun, l’activation de voies de signalisation en réponse à un stress pathophysiologique.