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Stratégies utilisées en lien avec l'articulation des rôles avec l'entourage

CHAPITRE 4. PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS

4.7 ARTICULATION DES RÔLES AVEC L'ENTOURAGE

4.7.3 Stratégies utilisées en lien avec l'articulation des rôles avec l'entourage

Faut voir l'intention de la personne, si c'est pour exclure l'autre ou non

La première stratégie nommée par les mères participantes afin de pallier les difficultés en lien avec la gestion des questions et des commentaires inappropriés (voir la section des facteurs de stress en lien avec l'entourage: « le plus dur c'est le monde qui réfère au père au lieu du donneur » et « avez-

vous fait un trip à trois ») consiste à saisir l'intention du demandeur. À ce propos, Geneviève nous

fait part d'un échange avec sa conjointe afin de trouver une façon d'accueillir ce genre de propos. L'autre fois, une mère lesbienne m'a dit: « souvent on se fait poser la question un peu délicate de c'est qui qui l'a porté »? Là, moi j'en reparlais à [nom de la conjointe] et je lui demandais: « est-ce que toi tu trouves que c'est une question délicate, parce que moi je ne trouve pas que c'est délicat » et là elle m'a répondu: « ça dépend de l'intention de la personne » parce que c'est vrai que ça peut être délicat, si c'est pour exclure l'autre ». Alors finalement je répondrais: « pourquoi vous me posez cette question-là ou en quoi c'est important »? (Geneviève)

Légende: FS = Facteur de stress FF = Facteur facilitant

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Il faut éduquer nos proches

La deuxième stratégie mentionnée par les participantes vise également à rectifier les propos inappropriés. Dans le cas de Sophie et Amélie, qui se disent très à l'affut de ce type de situations, cette approche est d'abord préventive. En effet, l'objectif est essentiellement de prévenir les comportements ou les commentaires inadéquats envers leurs enfants et leurs familles afin qu’ils ne se reproduisent pas une seconde fois. Pour cela, le couple s'assure de rapidement corriger les auteurs de ces propos.

On dit les choses très clairement. Par exemple, il y a des fois où j'ai dit: « je n'aime pas ça, j'ai l'impression qu'il y a du favoritisme et je veux que mes enfants se sentent égaux. On décide d'avoir une famille, tout le monde est égal et il faut qu'ils se sentent aimés de la même manière, peu importe. (Sophie)

Ça nous tient vraiment beaucoup à cœur et je dirais qu’encore maintenant, je suis un peu toujours à l'affut. Puis ça ne traine pas parce qu'il n'y a pas de place pour ça et on l'établit clairement et souvent les gens font: « ah mon dieu je suis vraiment désolée je ne m'en étais pas rendu compte ». Parfait, on corrige maintenant parce que des fois c'est vraiment léger comme allusion. (Amélie)

Par la suite, ces dernières, ainsi que quelques autres mères participantes, suggèrent également une stratégie d'ouverture ainsi qu'une attitude positive afin de gérer les propos inappropriés.

Moi, j'aime mieux y aller d'emblée et expliquer notre processus, de démontrer que ça va bien. Parce que lorsque tu te poses une question, si tu n'es pas capable d'avoir la réponse, tu t'imagines des affaires et là je me dis que ce n’est pas mieux. (Sophie)

Aussi, si tu poses la question c'est que tu es ouvert. Alors, nous avons gardé cet état d'esprit de se dire qu’on n’a pas honte, qu'on est fière de nous et c'est ça que nos enfants voient, alors lorsqu'ils nous posent une question, on rigole avec eux autres juste pour dire qu'on casse la gêne. (Amélie)

C'est certain que tu n'as pas le choix de l'expliquer souvent. (Stéphanie)

Je pense que les gens sont maladroits parce que ce n'est pas une situation très connue. Il y a beaucoup de couples qui font ça, mais disons que ce n'est pas chaque personne individuellement qui soit en contact avec une famille homoparentale. Il faut les éduquer en même temps et leur dirent que ce n'est pas le père, mais le donneur. (Claudia)

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La troisième stratégie rapportée par les participantes a précédemment été utilisée afin de faciliter l'articulation des rôles avec la mère sociale (voir la section 4.6.3 Stratégies utilisées en lien avec

l'articulation des rôles avec la mère sociale). Dans cette section-ci, on remarque que le nom de

famille choisi vient influencer les relations entre l'enfant et l'entourage de chacune des mères. Ainsi, cette stratégie est rapportée comme étant efficace afin d'augmenter le sentiment d'appartenance de l'entourage de la mère sociale à l'enfant.

Du moment que [nom du 1er enfant] est née, elle a eu mon nom. On a décidé de lui donner mon nom de famille et on dirait que ç'a comme changé quelque chose. Je ne sais pas pourquoi, mais je pense que le fait qu'elle porte mon nom ça donne un sentiment d'appartenance plus profond. Puis pour ma famille, même lorsque j'en parle avec mes tantes, tout d'un coup ça devient extraordinaire. C'est niaiseux, mais bon. (Nathalie)

Dire la vérité

La quatrième stratégie confirmée par les mères participantes vise à pallier les difficultés en lien avec les allusions au « père biologique », à savoir le facteur de stress « le plus dur c'est le monde

qui réfère au père au lieu du donneur ». À cet égard, l'analyse des données a permis de rassembler

les nuances de la stratégie de dire la vérité, rapportées par les mères participantes.

Lorsque les gens me posent des questions sur le donneur, je suis ouverte, mais rarement les gens posent des questions. Quoiqu'il y en ait des plus directes que d'autres. Lorsqu'ils posent la question, je n'ai aucune gêne et je le dis. L'autre jour, j'étais avec [nom de l'enfant], car je l'amène souvent à mon travail et je jouais avec et une de mes collègues me dis: « je le sais que ça ne se peut pas, mais il te ressemble tellement c'est fou ». Puis là tu vois j'ai dit que ça se pouvait, car c'était mon frère le donneur. (Annie) On se fait beaucoup poser la question: « comment est-ce que vous avez fait »? Nous on a choisi de le dire parce qu'on ne veut pas que les gens s'imaginent des choses. Sinon, c'est facile de juste dire que c'est en clinique point, mais bon à force de prendre le temps de l'expliquer, ça va mieux. (Valérie)

Moi, mes collègues m'ont tous posé la question: « il est où le papa »? [...] J'essaie de toujours répondre calmement en ne les faisant pas sentir comme quoi c'est une question niaiseuse parce qu’eux n'ont pas appris tout ce que j'ai appris en devenant ce que je suis devenue. (Cindy)

Ma mère au début elle voulait continuer à dire que c'était avec [nom de la clinique de fertilité] pour ne pas que le monde commence à dire que c'est son vrai père le donneur. En même temps on lui a dit qu’on n’avait rien à cacher, que ce n'était pas une honte et que je ne voulais pas inventer des menteries pour que [nom de l'enfant] ait honte de notre choix. Alors, on a dit la vraie affaire et je pense que mes tantes par exemple, elles

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étaient quasiment: « bien oui tout le côté biologique il va le savoir » et tout ça. (Cathy)

Dire une partie de la vérité

La cinquième stratégie mentionnée par les mères participantes témoigne des nuances possibles de la précédente, c'est-à-dire de ne dire qu'une partie de la vérité. En effet, on le constate dans l'exemple de Claudia et de Cathy qui, dans l'extrait précédent, demandent à la mère de cette dernière de dire la vérité relativement au choix du mode de procréation et du processus d'insémination artisanale. Or, elles soulignent qu'elles ont choisi de ne pas dévoiler l'identité de leur donneur et ainsi de ne dire qu'une partie de la vérité. Le second extrait démontre également une utilisation de cette stratégie par Stéphanie et Nathalie qui désirent dire la vérité, mais qui se retrouvent à devoir taire l'identité de leur donneur.

À nos familles on a dit que c'est un ami éloigné et c'est vrai aussi. Ce n'est pas quelqu'un de notre entourage proche qu'on voit souvent exemple. (Cathy)

Alors, j'aime mieux dire la vérité et ça n'a pas vraiment de conséquence sur lui, car je ne dis jamais son nom. Même que des fois Nathalie et moi on parle de lui et jamais on ne dit son nom, on dit ses initiales. (Stéphanie)

Des fois, il faut lâcher-prise

La sixième stratégie utilisée par les mères participantes est celle d'opter pour le lâcher-prise. En règle générale, l'ensemble des répondantes ont mentionné être proactives au niveau de la sensibilisation et de l'éducation aux réalités lesboparentales des personnes qu'elles rencontrent. Par contre, certaines nous ont également mentionné que selon des contextes particuliers, la stratégie la plus adéquate est celle du lâcher-prise.

C'est certain que tu n'as pas le choix de l'expliquer souvent. Une madame comme ma grand-mère qui a quatre-vingt-un ans, je lâche prise et je ne dis plus rien, je ne changerai pas sa vision à cet âge-là. (Stéphanie)

Des fois ça va arriver que ma mère, disons qu'elle parle avec ses amies elle va me dire: « montre-moi des photos de [nom du donneur] je leur en ai parlé », mais tu vois ça ne me dérange pas ça, je me dis je ne commencerai pas à vouloir tout contrôler. (Sophie) Pour Geneviève, cette stratégie se traduit davantage comme une marque de confiance. Par exemple lorsqu'il est question de la gestion du service de garde, la participante mentionne qu'elle prône d'abord une attitude d'observatrice. Elle ajoute que son idée vise spécifiquement à normaliser les

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familles lesboparentales en ne présumant pas qu'il y aura des situations problématiques. De plus, Geneviève précise être très sensible aux situations de discriminations envers la communauté LGBTQ+ et à ne pas hésiter à intervenir au besoin.

Je sais qu'il y a plusieurs parents que lorsque leurs enfants rentrent à l'école ou à la garderie, ils veulent rencontrer l'éducateur pour parler de la réalité de la famille et moi récemment je faisais la réflexion à [nom de la conjointe] qu'on dirait que finalement je ne suis pas si proactive dans ces combats-là avec [nom du premier enfant]. On dirait que je veux juste être présente, voir comment ça évolue, mais on dirait que je ne suis pas super à l'aise d'arriver avec le livre Ulysse et Alice à l'éducatrice par exemple. Je ne sais pas comment je réagirais si j'étais l'éducatrice. [...] Je me rends compte comme parent, je suis peut-être un peu plus observatrice, puis je veux vraiment illustrer le fait qu'on est une famille comme les autres ou si on n’est pas comme les autres et qu'on est différente, bien ça va super bien notre famille et on est aimante et on est présente avec nos enfants, point final. [...] Finalement, on dirait que je suis sensible au fait de ne pas m'immiscer et faire un peu confiance et si après ça j'entends des histoires je serai là. (Geneviève)

On est libre de redéfinir les rôles parentaux

La septième stratégie mentionnée par les mères participantes a pour objectif de faciliter la négociation des rôles au sein même de l'unité familiale. De ce fait, lorsque les participantes ont été questionnées sur leurs rôles parentaux et leurs répartitions des tâches au quotidien, la plupart des participantes ont confirmé utiliser une approche non genrée et non basée sur des normes hétéronormatives. Par exemple, l'ensemble des femmes nous ont dit ne pas se référer aux fonctions typiquement masculines ni féminines. La stratégie est donc de définir par elles-mêmes, selon leurs intérêts, leurs personnalités et leurs dynamiques de couples, les rôles parentaux qui leur conviennent.

Honnêtement, je ne vois pas de bénéfice à avoir un père versus une autre mère. De toute façon au niveau du genre, on essaie le plus possible d'être non genrée. Alors, il a des vêtements un peu plus de type fille parce qu'on essaie de ne pas le genrer, ni dans les rôles dits masculins, on lui offre de tout comme possibilité. Puis de toute façon en tant que parent, on fait les rôles typiquement masculins et féminins. Je veux dire, c'est Annie qui sort les poubelles parce qu'il faut que ça se fasse c'est tout. Ce sera moi qui vais lui montrer à monter des meubles IKEA s’il le faut et pourtant c'est typiquement masculin. Si c'est ça la nécessité d'avoir une figure paternelle. (Véronique)

Qu'est-ce que cette personne va offrir qu'on ne puisse pas offrir? Une figure masculine c'est important, mais comme tout enfant a besoin de figure de tout sorte. En fait ce qui est cool quand tu es un couple homosexuel, c'est que tu es juste libre, tu finis juste par tout partager. Tu n'as pas de grille pré fait pour le partage des tâches, il faut juste que

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tu trouves. [...] J'ai dû apprendre à utiliser une drill l'autre jour alors bon, j'ai appris, je vais pouvoir le montrer à [nom de l'enfant] à l'utiliser. S'il a besoin d'apprendre à changer un pneu d'auto, écoute ce sera mon père qui lui montrera. (Annie)

Pour ma part je ne me retrouve pas vraiment dans les rôles de la société, dans les rôles de genres, alors en partant ça ne me touche pas tant que ça. Je me dis que si [nom de l'enfant] veut faire du sport, elle va faire du sport c'est tout. Je veux dire, elle va nous voir aussi faire des tâches, disons plus masculines, je veux dire on passe la tondeuse parce qu'on a une maison et un terrain. Je pense que ça va en faire juste une femme plus, disons féministe. [...] On fait tout dans le fond, je veux dire, on va poser une tablette si on veut poser avoir une tablette. (Valérie)

Une personne de plus qui aime nos enfants

Enfin, la huitième stratégie mentionnée par les mères participantes concerne l'articulation des rôles avec l'entourage du donneur, à savoir « ses parents à lui, sont-ils grands-parents »? L'idée maîtresse de cette stratégie est d'accepter l'aide et l'amour d'autrui sans circonscrire les frontières de l'unité familiale. Également utilisée afin de faciliter les relations avec le tiers donneur (voir

section 4.5.3 Stratégies utilisées en lien avec l'articulation des rôles avec le tiers donneur), cette

stratégie revient encore une fois comme étant efficiente. Pour Cindy et Dominique qui entretiennent une relation de proximité avec leur donneur ainsi qu'avec les parents de celui-ci, cette stratégie était tout à fait naturelle.

En même temps ils sont clairement dans ta vie et ils sont clairement plus proches de toi que tes propres parents et en même temps je voyais ça comme une force. C'est juste du monde de plus qui aime nos enfants. (Dominique)

Légende: FS = Facteur de stress FF = Facteur facilitant SU = Stratégie utilisée

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Figure 18. Carte heuristique incluant les stratégies utilisées en lien avec l'articulation des rôles avec l'entourage

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